jeudi 3 novembre 2011

Un économiste courageux

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Il a 41 ans, il est normalien, docteur ès-sciences (mathématiques) et chercheur au CNRS. Gaël GIRAUD présente une autre caractéristique intéressante : il est jésuite. Cocktail explosif de compétences, de savoirs (pluriel), de connaissance (singulier) et de foi, sa parole n'est pas celle d'un intellectuel tel que le fustige notre cher BERNANOS. Il rentre dans la catégorie (que BERNANOS a parfaitement identifiée dans son ouvrage souvent cité ici La France contre les robots) des hommes qui par leur activité font progresser la connaissance du monde : BERNANOS les appelle les Savants. Mais je ne suis pas certain que Gaël GIRAUD aimerait qu'on l'affublât de ce titre.
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Si je donne ces détails, c'est parce que le point de vue de Gaël GIRAUD sur la crise de la dette, sur la crise de l'Euro, sur l'Europe, est iconoclaste et par bien des points brisent des tabous.

Je vais vous donner ici trois réponses qu'il a faites aux questions que lui posaient Antoine d'ABBUNDO et Frédéric NIEL pour le compte de l'excellent magazine Pèlerin.
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Question : Pour éviter la catastrophe et rassurer les marchés, les pays endettés, dont la France, vont devoir adopter des plans d'austérité. Or vous affirmez que le problème est mal posé. Que voulez-vous dire ?

Réponse : On entend partout que l'Etat est trop dépensier. En France c'est faux. Les dépenses rapportées au PIB sont passées de 55 % en 1993 à 52,3 % en 2007. Ce ne sont donc pas les dépenses publiques qui ont explosé, mais les recettes de l'Etat qui ont diminué. Les cadeaux fiscaux principalement consentis aux hauts revenus depuis dix ans pèsent grandement sur le budget. Si l'on revenait à la fiscalité de 2000, on récupérerait entre 70 et 100 milliards d'euros par an. Au contraire les plans d'austérité ne peuvent que renforcer la crise car ils vont freiner un peu plus la croissance.

Une simple remarque de ma part : j'adhère à ce raisonnement, avec toutefois ce petit bémol qu'il convient de mentionner pour comprendre comment est composé le PIB. Il inclut la totalité des salaires des fonctionnaires dont on considère que la richesse qu'ils produisent est exactement représentée par la rétribution dont ils sont gratifiés. La diminution du pourcentage de PIB affecté aux dépenses de l'Etat reflète donc peut-être la diminution du nombre des fonctionnaires d'Etat (je ne parle pas de la Fonction Publique Territoriale, dont les effectifs ont explosé, ni de la Fonction Publique Hospitalière qui serait plutôt la parente pauvre du système) ou une augmentation réelle des richesses produites avec une stagnation des effectifs de fonctionnaires ou une évolution moins rapide que le rythme de production des autres richesses. Par ailleurs, la période considérée inclut deux magistratures présidentielles : la fin des années MITTERRAND et les deux mandatures de Jacques CHIRAC. Il serait donc peu honnête d'imputer à Nicolas SARKOZY cette diminution de pourcentage.
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Question : Que faire alors ? [...] vous proposez un plan de sauvetage qui préconise un retour au protectionnisme, le passage de l'euro, monnaie unique, à l'euro monnaie commune et un grand plan de transition énergétique et écologique. En quoi ces mesures seraient-elles efficaces ?

Réponse : Il nous faut sortir du tout pétrole devenu un produit trop rare pour assurer une croissance forte. Cela exige des investissements à long terme que seul l'Etat peut prendre en charge. Alors rêvons : pourquoi ne pas autoriser la Banque centrale européenne à faire marcher la planche à billets pour financer ces grands chantiers ? On me rétorquera que cela va créer de l'inflation. Et alors ? L'inflation peut être supportable si les salaires augmentent. Or qu'est-ce qui bloque la hausse des salaires ? La concurrence des pays émergents comme la Chine. D'où l'importance de rétablir des barrières douanières limitant les effets néfastes de cette concurrence déloyale. Pour ce qui est de l'euro, les pays européens les plus fragiles doivent pouvoir dévaluer leur monnaie. Vendus moins chers, leurs produits redeviennent compétitifs. Mais ces pays ne peuvent pas le faire tant qu'ils sont dans la zone euro. Je propose donc que l'on garde l'euro comme monnaie commune pour les transactions hors de la zone euro, mais qu'à l'intérieur de l'Europe on en revienne à des monnaies nationales.
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Question : Votre discours est très radical. Qu'ya-t-il de chrétien dans votre analyse ?

Réponse : En tant que jésuite, j'essaye de vivre l'option préférentielle pour les pauvres qui nous vient de l'Evangile. En France huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ! Parmi eux, des travailleurs, des femmes seules avec enfants, sont obligés d'aller à la Banque alimentaire pour se nourrir. On ne peut pas continuer comme cela. les chrétiens ne peuvent pas rester aveugles face à cela. J'en rencontre de plus en plus qui veulent agir et ne sont plus dupes d'un discours qui voudrait que le marché permette plus de justice.

Remarque : Je m'associe tout à fait à cette analyse, avec toutefois un bémol. Le marché dont il est question dans cette réponse semble viser un système de liberté d'entreprendre. Je crois que ce qu'il faut dénoncer avec vigueur, c'est la domination du marché de l'argent. Oui, il est trompeur ! Oui, ce système est scandaleux ! Et à dire vrai, je me demande s'il ne faudrait pas supprimer l'existence des actions, propice à toutes les spéculations, les manipulations, et les remplacer toutes par des obligations. Les entreprises ont besoin de liquidités pour investir. Il est normal que ceux de nos concitoyens qui épargnent et ont le désir d'aider notre économie puissent prêter à intérêt. Plus d'actionnaires, plus de dividendes, adieu la valse insane des indices, du CAC 40, du NASDAQ, du DOW JONES etc. Les grands lacs américains risqueraient de déborder sous l'effet de la stimulation lacrymale qu'une telle mesure déclencherait chez les rapaces de Wall Street, idem pour le HOANG HO ou le YANG ZI JIANG, pareil pour la SEINE, la TAMISE, la SPREE, le PO, et tous les fleuves du monde qui baignent les murailles en or des Temples idolâtres de la Finance.
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4 commentaires:

Aerelon a dit…

Le raisonnement n'est pas mauvais et se tient.

Cependant, je ne vois pas comment appliquer de telles idées dans une économie libérale.

Re-imposer des frontières douanières à l'ère de "l'économie monde" ou créer une sorte d'assignats intra-européens (en pseudo hyperinflation visiblement selon l'auteur (sympa pour le bon père de famille qui aura économisé sa vie entière)) relève - à mon sens - de l'hérésie et sans doute aussi, à un sacré retour en arrière des choses.

Faudra t-il aussi rappeler que ce sera alors la fin des produits manufacturés pas chers (PC, iPhones, télé, Tshirt, chaussures, made in xxx)?

A l'heure des discussions sur le pouvoir d'achat, le sujet serait malvenu.

Bien à vous

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Et bien je ne vous suis pas trop sur cette voie étrange cher M. Poindron !
On dirait du Melenchon, du Montebourg, ou bien du Todd voire du Poutou dans le texte !
Comment oser prétendre que l'Etat ne serait pas trop dépensier, dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui ? Une dette cumulée de 1800 milliards, que faut-il de plus, pour ouvrir enfin les yeux ? La très relative stabilité en terme de % du PIB ne constitue pas un argument. Elles étaient inférieures à 40% du PIB en 1974, date à laquelle les budgets annuels de l'Etat ont commencé à être déficitaires. Depuis plus de 30 ans, pas un seul exercice ne s'est terminé en équilibre !
Est-ce à cause d'un manque de recettes ? On peut en douter. La France est un des pays où la fiscalité est la plus lourde et ce, depuis des décennies. Les prélèvements obligatoires pompent presque la moitié de la richesse produite par la nation ! Peut-on continuer à les augmenter ? On aurait beau assécher totalement les quelques fortunes qui n'ont pas encore déserté notre pays, cela ne serait qu'une goutte d'eau dans le tonneau des Danaïdes...
Non seulement l'Etat dépense trop, mais il le fait sans espoir de retour sur investissement puisque le plus gros est constitué de mesures sociales, quasi irréversibles, quoiqu'elles soient toujours jugées insuffisantes. Paradoxalement, en dépit de cette prodigalité, ni le chômage, ni la pauvreté n'ont été enrayées, tandis que progresse dangereusement une mentalité d'assistés attendant tout de l'Etat. Où est l'erreur ?

Sortir du pétrole, c'est bien joli mais pour quelle alternative ? Le nucléaire ? Le charbon ? A ce jour aucune source d'énergie alternative n'est apte à produire les quantités d'énergie requises pour nos besoins. Autant exiger l'arrêt de

Faire marcher la planche à billets : c'est bien la pire des solutions à n'en pas douter. L'argent n'a de valeur que s'il représente des richesses réelles. Fabriquer de l'argent en fonction de ses besoins, voilà bien quelque chose d'insensé. Ce serait l'inflation garantie et l'appauvrissement généralisé. Qui dit que les salaires augmenteraient de manière mécanique ? Sauf à disposer d'une corne d'abondance, c'est un doux rêve. Comme celui qui consiste à vouloir réduire le chômage en diminuant autoritairement le temps de travail, ou en interdisant les licenciements...
Enfin, le protectionnisme est une fausse bonne idée. Comme le remarque Aerelon, il s'ensuivrait une hausse immédiate des prix de tous les produits importés et donc un abaissement du pouvoir d'achat. Au surplus les mesures de rétorsion pèseraient sur nos exportations, déjà faiblardes.
La cerise sur le gâteau, c'est l'idée de garder l'euro comme "monnaie commune pour les transactions hors de la zone euro" et revenir aux monnaies nationales au sein de l'Europe : qui pourrait faire confiance à un bricolage aussi farfelu...
A mon humble avis, votre économiste est peut-être sincère, mais son raisonnement est des plus artificieux. Je suis personnellement effrayé de constater que de tels concepts puissent se propager par les temps qui courent. Tout cela n'augure rien de bon.

tippel a dit…

Un courageux qui ferait fonctionné la planche à billet. A bon! pourquoi pas finalement.

Aerelon a dit…

Je n'ai assez d'espace pour publier la totalité d'un message que je comptais poster en complément de la réponse de Tippel.

Je vous invite à le lire sur ma page.
http://heraldii.blogspot.com/2011/11/consequence-dune-sortie-de-leuro.html

Bien à vous