mercredi 21 janvier 2015

21 janvier 2015. Nouvelles de La Résistance : à propos de Voltaire en un triste anniversaire. Premier billet de ce jour

-
Je voudrais répondre ici en détail au commentaire que Pierre-Henri THOREUX à fait de mon billet d'hier.

VOLTAIRE était un antisémite forcené. Pierre-Henri n'a pas trouvé les citations que je faisais du Dictionnaire philosophique parce qu'il a consulté le Dictionnaire philosophique portatif. VOLTAIRE a fait de nombreuses rééditions qu'il a augmentées de nombreux articles. Il est possible de télécharger une édition complète du Dictionnaire philosophique (version PDF) publiée par Patrick CINTAS ; on y trouve à l'article "Juifs" les abominations du soi-disant et champion de la tolérance. J'ai par ailleurs consulté mon exemplaire de L'Essai sur les moeurs dans l'édition carrée de 1775, et j'y effectivement retrouvé les citations présentées hier.

Quand on pense que le Dictionnaire philosophique dans sa version portative est présentée comme un modèle d'esprit critique et rationnel, on demeure confondu, hébété, stupéfait de l'accumulation de tant d'approximations, d'imputations calomnieuses, d'insinuations. Bref, tout le contraire de ce qui me semble être une oeuvre de pensée et de probité intellectuelle. Merveilleusement écrit certes, léger, mousseux, drôle, ce Dictionnaire n'a été écrit que dans un but : décrier les chrétiens et l'Eglise. Et si VOLTAIRE attaque les juifs, c'est pour mieux détruire le socle sur quoi est fondé le message de JESUS ; rien n'a changé depuis, et l'on continue d'attaquer la civilisation judéo-chrétienne : elle n'a qu'un défaut, mettre l'homme au pied  du mur de sa conscience... Voilà qui est intolérable pour nos contemporains qui veulent être libres.
-
Il y a 221 ans, S.M. le Roi Louis XVI était assassinée. On peut imaginer que VOLTAIRE Et ses amis sont pour quelques choses dans ce crime dont notre pays ne s'est jamais vraiment remis. Il serait trop long d'expliquer ici pourquoi en détail. Mais on y reviendra.

17 commentaires:

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Là, je ne vous suis plus du tout cher M. Poindron !
Avec tout le respect que je vous dois, je me permets de ne pas partager votre opinion, par trop négative sur Voltaire. Certes le personnage n'avait pas que des qualités. Certes, il eut des mots durs pour les croyants et la religion, mais le considérer comme antisémite, me semble largement excessif.
D'abord parce que le contexte historique ne s'y prête pas, le terme n'ayant absolument pas la même signification de nos jours que celle qu'on pourrait lui attribuer à l'époque de Voltaire. Ensuite parce que les critiques de Voltaire ne se focalisaient pas sur une race ou une religion mais sur tous les comportements relevant à ses yeux de l'intolérance ou du fanatisme.
Je vous invite à lire ou relire la biographie très élogieuse qu'a faite André Maurois (ou mon billet de 2006 sur le sujet : Là, je ne vous suis plus du tout cher M. Poindron !
Avec tout le respect que je vous dois, je me permets de ne pas partager votre opinion, par trop négative sur Voltaire. Certes le personnage n'avait pas que des qualités. Certes, il eut des mots durs pour les croyants et la religion, mais le considérer comme antisémite, me semble largement excessif.
D'abord parce que le contexte historique ne s'y prête pas, le terme n'ayant absolument pas la même signification de nos jours que celle qu'on pourrait lui attribuer à l'époque de Voltaire. Ensuite parce que les critiques de Voltaire ne se focalisaient pas sur une race ou une religion mais sur tous les comportements relevant à ses yeux de l'intolérance ou du fanatisme.
Je vous invite à lire ou relire la biographie très élogieuse qu'a faite André Maurois (ou mon billet de 2006 sur le sujet : Là, je ne vous suis plus du tout cher M. Poindron !
Avec tout le respect que je vous dois, je me permets de ne pas partager votre opinion, par trop négative sur Voltaire. Certes le personnage n'avait pas que des qualités. Certes, il eut des mots durs pour les croyants et la religion, mais le considérer comme antisémite, me semble largement excessif.
D'abord parce que le contexte historique ne s'y prête pas, le terme n'ayant absolument pas la même signification de nos jours que celle qu'on pourrait lui attribuer à l'époque de Voltaire. Ensuite parce que les critiques de Voltaire ne se focalisaient pas sur une race ou une religion mais sur tous les comportements relevant à ses yeux de l'intolérance ou du fanatisme.
Je vous invite à lire ou relire la biographie très élogieuse qu'a faite André Maurois (ou mon billet de 2006 sur le sujet : http://libertylovers.blogspot.fr/2006/07/dors-tu-content-voltaire.html). Il était bien placé pour juger de l'antisémitisme...

Philippe POINDRON a dit…

Il est évident que l'on ne peut pas juger des propos de VOLTAIRE avec les yeux d'un homme du XXe siècle. Et je suis d'accord avec vous pour dire qu'une partie de ses critiques portent sur des comportements effectivement fanatiques, mais antiques. En somme, il n'a pas appliqué à ses critiques le regard distancié qui permet de trier dans ses propos le bon grain de l'ivraie, ce que nous pouvons faire grâce au progrès des sciences humaines. Dans son Traité sur les moeurs, il distingue bien les différents peuples et races. De sorte que l'on peut inférer qu'il y avait dans son esprit une sorte d'amalgame entre religion, race et fanatisme, du moins pour ce qui concerne les juifs. Il ne tient pas du tout le même discours sur MAHOMET, pour lequel il est élogieux et trouve même des sortes d'excuses à des comportements plus que blâmables.
Et si je ne me trompe, c'est la raison pour laquelle la version officielle du Dictionnaire de philosophie est le dictionnaire portatif, et non point le dictionnaire philosophique complet publié en 1765.
Quel plaisir de vous lire, de toute façon.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

J'ai un peu bégayé sur ce coup là, excusez-moi. Petit problème technique sans doute...
Sans rancune en tout cas ! Il est normal d'avoir parfois des divergences. Elles sont même excitantes à mon goût lorsqu'elles débouchent sur un débat entre gens de bonne compagnie !
Sur Mahomet, n'oublions pas que Voltaire avait écrit une pièce de théâtre qu'il avait intitulée "Le fanatisme..." Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un chef-d'oeuvre, mais elle témoigne du fait qu'il n'était pas plus complaisant que ça...
Bien à vous.

Pascal Hutten a dit…

Monsieur Poindron, permettez-moi d'intervenir dans cet échange... Si votre ami n'a pas retrouvé l'article "Juifs" dans son exemplaire du "Dictionnaire philosophique", ce n'est sans doute pas parce que de malhonnêtes éditeurs modernes auraient osé le supprimer par amour du "politiquement correct"... C'est en réalité, sauf erreur de ma part, parce que cet article n'a jamais été publié du vivant de Voltaire, car jamais écrit tel quel par Voltaire, mais "fabriqué" par les premiers éditeurs de ses œuvres complètes après sa mort, et ce à partir d'une compilation de citations décontextualisées. Recherchez cet article dans l'édition encadrée que vous dites posséder. Y est-il? Sans doute pas, puisque vous évoquez cette édition seulement pour l'"Essai sur les Mœurs et l'Esprit des Nations"... L'édition posthume à laquelle je me permets de vous renvoyer, celle qui mélange en un "Dictionnaire philosophique" comptant des milliers de pages des bouts d'articles provenant d’œuvres très diverses, est celle dite de Kehl. Ce "Dictionnaire philosophique" n'a plus grand-chose à voir avec le "Dictionnaire philosophique portatif" rédigé et composé par Voltaire...

Philippe POINDRON a dit…

Je vais rechercher dans mon édition de 1765 ce qu'il en est. Il est exact que l'édition de KEHL n'est pas entièrement de la main de VOLTAIRE. Pour ce qui est de l'essai sur les moeurs, j'ai retrouvé les citations incriminées. Pour ce qui est du dictionnaire philosophique, il suffit de regarder à l'article "prophètes" pour voir en quelle estime VOLTAIRE les tenait. Merci en tout cas de votre très stimulante contribution.

Pascal Hutten a dit…

L'article "Prophètes" parle des prophètes juifs de l'Ancien Testament. Voltaire y fait de la critique biblique, comme dans la majeure partie de son "Dictionnaire philosophique portatif", et c'est ce qui met au centre de l’œuvre le "petit peuple juif", comme il dit, avec un mépris qu'on juge aujourd'hui inadmissible, mais que dénonçait en son temps une toute petite minorité de catholiques, non par amour particulier des Juifs, mais parce qu'ils savaient que l'entreprise voltairienne risquait de saper en partie les bases de leur propre religion... Ce que Voltaire a écrit des Juifs nous choque beaucoup aujourd'hui, mais qui lit ses textes dans leur contexte ne peut qu'en relativiser le sens. Voltaire ne pouvait prévoir l'affaire Dreyfus ni Auschwitz...

Philippe POINDRON a dit…

Je ne partage qu'à moitié votre opinion. Dire qu'une petite minorité de catholiques réfutaient les thèses de VOLTAIRE au motif qu'elles sapaient le socle de leur religion me paraît très réducteur et il faudrait s'appuyer sur des textes ou des critiques de l'époque pour l'affirmer. On ne peut non plus omettre le fait que certains de ces catholiques que vous désignez aient été effectivement choqué - au nom de la charité - par des propos déplacés. De plus, et enfin, séparer l'Ancien Testament du Nouveau est, pour les chrétiens, une erreur grossière. VOLTAIRE ignorait, et pour cause, l'encyclique Divino afflante spiritu et tout son contenu sur les genres littéraires... On ne peut le lui reprocher, mais simplement juger qu'il a été un peu vite. Pour faire de l'exégèse, il eût été nécessaire que VOLTAIRE connût l'hébreu et accessoirement le grec pour faire une exégèse scientifique. Pour ce qui est du dictionnaire philosophique, je vais chercher dans mes oeuvres complètes, datées de 1775 (et non de 1765 comme je l'ai dit par erreur) et je vous tiendrai au courant. VOLTAIRE est un esprit brillant, sans aucun doute, mais peu profond. En d'autres termes, il est nécessaire de faire le tri, et ce n'est pas toujours facile, dans ce qu'il dit. Merci pour votre contribution.

Philippe POINDRON a dit…

J'ai laissé une faute d'orthographe : il faut lire "choqués" et non point "choqué". Par ailleurs, en cherchant dans mon édition des oeuvres complètes de Voltaire, je constate que je n'ai pas le dictionnaire philosophique, mais simplement trois tomes des Réflexions sur l'encyclopédie dont les fameuses lettres à des correspondants juifs, reprises dans l'édition de CINTAS du Dictionnaire philosophique. Cette édition, je dois le dire par probité scientifique, ne rapporte pas tous les propos antisémites attribués à Voltaire, mais elle contient les fameuses lettres, lesquelles sont, vous en conviendrez, d'un incroyable mépris pour les juifs. Il faut donc que je cherche encore. Par ailleurs, je note que BNF Gallica n'a numérisé, dans l'édition de DIDOT que le deuxième tome (à partir de l'article "prophètes") ce qui ne laisse pas de m'étonner. Très honnêtement, je pense que l'on a expurgé des oeuvres de VOLTAIRE ce qui pouvait choquer (mais aussi que l'on a ajouté -édition de KEHL - des choses choquantes).

Pascal Hutten a dit…

Il eût été en effet difficile à Voltaire de se faire prophète pour connaître une encyclique qui serait écrite deux siècles après lui... Mais abordons le sujet des réactions suscitées par le "Dictionnaire philosophique"; parmi ses adversaires, on s'empressa de chercher ses "erreurs", mais peu de livres furent écrits, et l’on ne pouvait guère y dénoncer un "antisémitisme" dont le concept même n'existait pas à l’époque (même l’abbé Guénée répondait surtout dans le but de défendre l’Ancien Testament). La rouelle en revanche avait déjà eu de "belles heures" derrière elle dans le monde chrétien, et encore sous Clément XII, si je ne me trompe. Voltaire était loin d'être plus "acharné" que ses contemporains, et l’était dans le cadre précis de sa critique biblique. Il n'était pas non plus le premier à s'interroger sur les "décalages" entre Ancien et Nouveau Testaments, et la question n'est pas de savoir s'il avait raison de le faire ou non, mais simplement de comprendre que ses propos contre les "Juifs" visaient surtout les textes vétérotestamentaires (à tort ou à raison). Par ailleurs, n’oublions jamais qu’une de ses cibles parmi les historiens était Bossuet. Ce dernier, par exemple, avait parlé des Juifs à propos de ce qu’ils étaient devenus après la mise à mort du Christ, dans sa « Démonstration de la vérité de la religion chrétienne » (ch. XX), en écrivant : « les juifs subsistent encore au milieu des nations, où ils sont dispersés et captifs : mais ils subsistent avec le caractère de leur réprobation, déchus visiblement par leur infidélité des promesses faites à leurs pères, bannis de la Terre promise, n’ayant même aucune terre à cultiver, esclaves partout où ils sont, sans honneur, sans liberté, sans aucune figure de peuple. Ils sont tombés en cet état trente-huit ans après qu’ils ont eu crucifié Jésus-Christ. » Voltaire, lui, développait le même type d’affirmations pour ce qui précédait la mort du Christ, en réponse, une fois encore, à la manière dont les historiens chrétiens croyaient pouvoir tirer de la Bible la vérité absolue sur l’Histoire universelle. Les textes de Voltaire s’inscrivent dans des débats, et ne peuvent être compris s’ils sont lus de manière isolée (c’est aussi pourquoi sans doute les professeurs font surtout étudier des contes de Voltaire, qui exigent moins de culture et de lectures préalables pour être à peu près compris de leurs classes). Notons aussi que dans « Candide », Voltaire évoque l’Inquisition espagnole en dénonçant ironiquement l’injustice commise à l’égard de Juifs mis à mort pour n’avoir pas voulu manger de lard… Et surtout, dans le « Sermon du rabbin Akib », il se fait avocat des Juifs persécutés en son temps. Le jugement que porte la postérité sur Voltaire me paraît donc non seulement anachronique, mais encore très partial dès lors qu’il le décrète « antisémite »… En tous cas, les Français qui acclamèrent Voltaire à son retour à Paris en 1778 n’avaient pas du tout en tête telles de ses lignes sur les Juifs. Si ses livres étaient lus au XVIIIe s., et certaines de ses tragédies très admirées, ce n’était pas non plus pour ces mêmes lignes… Le procès qu’on lui fait depuis 1942 (date où fut publié un livre composé, lui, par un véritable antisémite, Henri Labroue, désireux d’annexer Voltaire à son camp) me semble assez étrange : peut-être, dans ces temps troublés où notre société manque de repères, éprouve-t-on le besoin ou l’envie de « briser des idoles » ? Mais Voltaire n’a jamais prétendu fonder une religion dont il aurait été le nouveau messie… Il n’a jamais prétendu non plus être un saint… Tout cela laisse donc très songeur quant à ce qui peut pousser les gens à mettre au premier plan à son sujet ce qui, de fait, ne l’était nullement au temps où il entendait pourtant agir sur l’« opinion publique ».

Philippe POINDRON a dit…

VOLTAIRE a le droit, en effet, d'être jugé avec le regard que ses contemporains portaient sur lui. C'est de la bonne méthode historique. Il ne connaissait pas plus l'encylique Divino afflante spiritu que ses contradicteurs catholiques. Si on ne peut le lui reprocher, on ne peut pas davantage le reprocher à ces derniers. L'un et les autres ont pris la Bible au pied de la lettre. Mais c'est bien dans la Bible que l'on trouve, par exemple, l'obligation de bien traiter l'étranger qui vit sur son sol, et c'est bien dans la Bible que l'on apprend l'obligation d'aimer les autres comme soi-même. VOLTAIRE y a pris, au pied de la lettre, CE QUI LUI CONVENAIT, sans aucun recours à l'intertextualité. Et, je suis désolé de le maintenir, il n'aimait pas les juifs, et semble-t-il, guère davantage les Africains, puisqu'il qu'il aurait eu des intérêts dans des compagnies pratiquant la traite des noirs.
Je vais donc rechercher une édition du Dictionnaire philosophique datant de cette époque (sans comprendre pourquoi dans mes oeuvres complètes - elles sont ainsi présentées - je ne trouve pas. Mais je suis tout près à admettre que ces propos sont controuvés, si je ne les retrouve pas dans une bonne édition. Merci pour votre participation à un débat qui est de première importance. J'ajoute que - vous pourrez le constater - je ne m'associe nullement à ces beuglements qui amalgament les musulmans à l'Islam.

Pascal Hutten a dit…

Cher Monsieur, vous noterez que je n'ai à aucun moment prétendu que les citations dont vous parlez ne sont pas de Voltaire. J'ai simplement pris la peine de vous dire ce qu'il en était de l'article "Juifs", à propos duquel vous croyiez qu'il avait été supprimé d'éditions modernes "de référence" dans le but de cacher aux lecteurs un visage peu séduisant de Voltaire. C'est l'édition de Kehl qui a créé cet article, et les éditeurs modernes "savants" rendent à Voltaire ce qui est à Voltaire, ce qui explique que vous ne le trouviez pas dans leurs éditions... Mais vous avez raison de vérifier, et, du reste, je ne prétends à aucun savoir absolu, ni sur Voltaire, ni sur quelque question que ce soit. Cependant,je vais vous éviter une peine inutile, en vous indiquant les sources dans lesquelles on puisa pour trouver les citations que vous attribuiez, à tort, à un "Dictionnaire philosophique" publié du vivant de Voltaire. Ces trois passages sont tirés de trois œuvres différentes...

Pascal Hutten a dit…

La première citation est extraite du « Traité sur la Tolérance » ; le paragraphe entier qui la contient dit : « C'est à regret que je parle des Juifs: cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre. Mais tout absurde et atroce qu'elle était, la secte des saducéens fut paisible et honorée, quoiqu'elle ne crût point l'immortalité de l'âme, pendant que les pharisiens la croyaient. La secte d'Épicure ne fut jamais persécutée chez les Grecs. Quant à la mort injuste de Socrate, je n'en ai jamais pu trouver le motif que dans la haine des pédants. Il avoue lui-même qu'il avait passé sa vie à leur montrer qu'ils étaient des gens absurdes; il offensa leur amour-propre; ils se vengèrent par la ciguë. Les Athéniens lui demandèrent pardon après l'avoir empoisonné, et lui érigèrent une chapelle. C'est un fait unique qui n'a aucun rapport avec l'intolérance. » Comme vous le constatez, Voltaire commence par "attaquer" les Juifs, avant de nuancer son propos...

Pascal Hutten a dit…

La deuxième citation provient d’un texte de 1756, intitulé « Des Juifs », et qui s’inscrit dans le cadre des débats avec les affirmations des exégètes de la Bible concernant la primauté absolue des Juifs sur tous les peuples de la terre dans une Antiquité précédant le Christ (lu hors contexte, c’est insoutenable pour quelqu’un de notre époque ; remis dans son contexte, cela apparaît comme texte polémique répondant à des affirmations de « foi » par d’autres affirmations – avec quelques références, comme le renvoi à Philon par exemple) : « Vous demandez ensuite si les anciens philosophes et les législateurs ont puisé chez les Juifs, ou si les Juifs ont pris chez eux. Il faut s'en rapporter à Philon: il avoue qu'avant la traduction des Septante les étrangers n'avaient aucune connaissance des livres de sa nation. Les grands peuples ne peuvent tirer leurs lois et leurs connaissances d'un petit peuple obscur et esclave. Les Juifs n'avaient pas même de livres du temps d'Osias. On trouva par hasard sous son règne le seul exemplaire de la loi qui existât. Ce peuple, depuis qu'il fut captif à Babylone, ne connut d'autre alphabet que le chaldéen: il ne fut renommé pour aucun art, pour aucune manufacture de quelque espèce qu'elle pût être; et dans le temps même de Salomon ils étaient obligés de payer chèrement des ouvriers étrangers. Dire que les Égyptiens, les Perses, les Grecs, furent instruits par les Juifs, c'est dire que les Romains apprirent les arts des Bas-Bretons. Les Juifs ne furent jamais ni physiciens, ni géomètres, ni astronomes. Loin d'avoir des écoles publiques pour l'instruction de la jeunesse, leur langue manquait même de terme pour exprimer cette institution. Les peuples du Pérou et du Mexique réglaient bien mieux qu'eux leur année. Leur séjour dans Babylone et dans Alexandrie, pendant lequel des particuliers purent s'instruire, ne forma le peuple que dans l'art de l'usure. Ils ne surent jamais frapper des espèces, et quand Antiochus Sidètes leur permit d'avoir de la monnaie à leur coin, à peine purent-ils profiter de cette permission pendant quatre ou cinq ans; encore on prétend que ces espèces furent frappées dans Samarie. De là vient que les médailles juives sont si rares, et presque toutes fausses. Enfin vous ne trouverez en eux qu'un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition, et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent. Il ne faut pourtant pas les brûler. »

Pascal Hutten a dit…

La troisième citation provient de « La Philosophie de l’Histoire », et l’ensemble du paragraphe révèle une fois encore que Voltaire y répond surtout, ironiquement, à ses « adversaires » exégètes et vise la manière dont ils excusent tous les actes qui lui paraissent relever de l’intolérance ou du fanatisme, dans l’Ancien Testament : « En suivant simplement le fil historique de la petite nation juive, on voit qu'elle ne pouvait avoir une autre fin. Elle se vante elle-même d'être sortie d'Egypte comme une horde de voleurs, emportant tout ce qu'elle avait emprunté des Egyptiens; elle fait gloire de n'avoir jamais épargné ni la vieillesse, ni le sexe, ni l'enfance, dans les villages et dans les bourgs dont elle a pu s'emparer. Elle ose étaler une haine irréconciliable contre toutes les autres nations; elle se révolte contre tous ses maîtres; toujours superstitieuse, toujours avide du bien d'autrui, toujours barbare, rampante dans le malheur, et insolente dans la prospérité. Voilà ce que furent les Juifs aux yeux des Grecs et des Romains qui purent lire leurs livres: mais aux yeux des chrétiens éclairés par la foi ils ont été nos précurseurs, ils nous ont préparé la voie. Ils ont été les hérauts de la Providence. »

Pascal Hutten a dit…

Quant à la question de Voltaire "négrier", je vous avoue que je trouvais admirable que vous ne l’ayez pas associée plus tôt à celle de l’antijudaïsme vétérotestamentaire de notre auteur, tant il semble aller de soi de lier toutes les "horreurs" au filtre desquelles on prétend sur internet devoir désormais relire Voltaire, ou plutôt cesser de le lire: Voltaire antisémite, Voltaire trafiquant d'esclaves africains, Voltaire misogyne, Voltaire, homophobe - ou « ami des pédérastes » (comme Frédéric II), voire des « pédophiles », dans une variante récente -, tout se dit et se colporte à coups de (quelques) citations (toujours les mêmes, et pour cause) se limitant à quelques lignes extraites de milliers d'autres pages, mais proposées comme les plus représentatives de ces milliers d'autres pages, et capables de révéler enfin le « vrai Voltaire », celui qu’on nous cache (un « on » mystérieux, restant dans l’ombre, anonyme, ou qui devient parfois la franc-maçonnerie, d’autres fois la République, ou les « bien-pensants » ou que sais-je encore ?). Je vous renvoie, si vous me le permettez, à un article de J. Ehrard publié voilà quelques années (2009) dans les « Cahiers Voltaire », 8 : « Voltaire homme d’argent au tribunal de l’histoire ».

Philippe POINDRON a dit…

Cher Pascal, merci pour ces précisions. Elles vous honorent. Vous noterez que j'ai utilisé un conditionnel pour la question de Voltaire et de la traite des noirs.
Je me suis efforcé d'être le plus honnête possible, sans être un spécialiste comme vous l'êtes. Je dois dire aussi que si je reproche à Voltaire de ne pas avoir pratiqué l'intertextualité, je me demande si je ne suis pas tombé dans le même travers.

Pascal Hutten a dit…

Nul n'est parfait, hélas, ou tant mieux: nous avons ainsi tous à apprendre... Et, franchement, comprendre Voltaire est davantage une entreprise à tenter qu'une certitude jamais acquise, et ce d'autant plus qu'il a non seulement écrit plus qu'aucun autre (sauf Hugo, en français du moins), mais aussi parce que sa pensée est sans cesse en mouvement; s'il a des défauts, sa qualité la plus remarquable est sans doute cette capacité de se reposer des centaines de fois une même question, et de ne jamais donner exactement la même réponse, du moins quand on y regarde de très près. C'est un exemple que j'aimerais être capable de suivre: l'exemple du doute en éveil, entre deux affirmations souvent péremptoires, auxquelles on a du mal à renoncer.
Bien cordialement, et merci pour cet échange.