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Hier, je vous ai promis de vous décrire, le plus
simplement possible, une des expériences cruciales de Benjamin LIBET, une de ces expériences qui gêne
tellement les matérialistes pour lesquels le mental se résume à des signaux électriques. Pouvez-vous m’accorder quelques minutes pour lire la meilleure
description que j’ai lue de cette expérience ; elle figure dans le livre de Jean STAUNE, Notre existence a-t-elle un sens (Presses
de la Renaissance, Paris, 2007. Pages 390ss) ; je reprends cette description dans son
intégralité. Prêtez bien attention, car même si Jean STAUNE a l’art de simplifier
les notions difficiles, sans les adultérer, il reste cependant un pur scientifique
et donc un peu difficile d’accès.
"Dans certaines opérations du cerveau, on
peut réveiller le patient alors que son cerveau est à l’air libre, et stimuler
directement le cerveau (grâce à un très léger choc électrique) pour lui
demander quelle sensation il éprouve, sans que cela représente une torture pour
le patient. (Cette démarche est parfois nécessaire pour
éliminer certaines tumeurs, et identifier les zones d’intégration des
sensations dans le cerveau : note du transcripteur)
"[…].
"Lors de ces opérations, l’équipe dirigée
par Benjamin LIBET de l’Université d’État de Californie à San Francisco a
obtenu l’autorisation de certains patients de réaliser en plus des
manipulations nécessaires à l’opération une expérience à ce moment crucial où
le patient est réveillé et où son cerveau est exposé à l’air libre — la boîte
crânienne étant ouverte. Il s’agit sans doute de l’une des expériences les plus
discutées et commentées depuis vingt ans dans le domaine des neurosciences.
"On va stimuler le bout du doigt avec une
petite décharge électrique. Un « potentiel évoqué » (c’est-à-dire un signal électrique : note du
transcripteur) se propage le long des nerfs jusqu’à la zone du cerveau
correspondant à la main. Le sujet perçoit une petite piqûre à la main environ
25 millisecondes après, ce qui correspond bien à notre expérience de tous les
jours ; quand on se pique on le sent tout de suite.
"Maintenant, on stimule la zone
correspondante, dans le cerveau, à la main. Le sujet va sentir une piqûre à la main et non au cerveau. C’est pour
cela que des personnes ayant perdu un bras peuvent très bien avoir mal à leur « membre
fantôme ».
"Mais il y a ici deux différences :
— Pour que le sujet ressente la piqûre, il
faut envoyer un train de chocs pendant 500 millisecondes (une demi-seconde) et
non pas un choc unique.
— Comme on stimule le cerveau, il n’y a pas
de potentiel évoqué qui arrive au cerveau depuis l’endroit qui a été stimulé
(nous verrons que cela est essentiel).
"Comme il est totalement inhabituel que le
cerveau soit ainsi piqué, ce résultat peut sembler normal : il faut faire
toute une série de chocs pour que le cerveau ait, dans une telle situation, l’illusion
d’une piqûre au doigt.
"Mais voilà que maintenant, on va combiner
les deux démarches.
"À t = 0, on stimule le bout du doigt et à
t1 = 200 millisecondes, on commence la série de stimulations au cerveau,
toujours dans la zone correspondant au doigt. Le sujet sent une seule piqûre à
t2 = 700 millisecondes, correspondant à la stimulation faite au cerveau. La
stimulation faite au bout du doigt n’a
pas été ressentie.
"Comment sait-on que c’est la deuxième
piqûre qui a été ressentie et non la première ? Rappelons que dans les
deux cas, le sujet ne ressent qu’une piqûre au doigt, même quand la stimulation
est faite au cerveau. Mais il est possible de calibrer les stimulations et d’y
habituer le sujet avant l’expérience décisive. Ainsi, la stimulation du bout du
doigt sera forte et celle du cerveau faible (il ne faut quand même pas abîmer
ce dernier !). Le sujet évoquera une seule et unique sensation faible de
piqûre sur le doigt. On sait ainsi que c’est la stimulation du cerveau qui a
été ressentie (encore une fois, sous la forme d’une piqûre au doigt), ce qui
est totalement logique puisque de toute façon cette sensation arrive 500
millisecondes après le début de la stimulation du cerveau.
"On stimule le doigt et maintenant on
attend 500 millisecondes pour commencer les stimulations du cerveau.
"Toujours rien ! La stimulation du
bout du doigt n’est pas ressentie alors que la stimulation du cerveau engendre,
comme d’habitude, une sensation de piqûre au doigt après 500 millisecondes (c’est-à-dire
ici une seconde après le début du processus).
"Dernière étape, on attend plus de 500
millisecondes après avoir stimulé le doigt pour commencer la stimulation du
cerveau. Ici tout redevient « normal ». La stimulation du bout du
doigt est ressentie « tout de suite », c’est-à-dire après 25
millisecondes, le temps que l’influx nerveux arrive au cerveau, et la deuxième
piqûre est ressentie 500 millisecondes après la série de chocs au cerveau.
"Ces résultats sont proprement stupéfiants.
Ils semblent montrer que dans tous les cas, il nous faut 500 millisecondes pour
être conscient de quelque chose, puisque, si pendant cette période de temps on
intervient sur la zone correspondante du cerveau nous ne sommes pas conscients
de cette sensation.
"Mais il se trouve qu’en temps normal, nous
sommes conscients de cette sensation au début du processus, après 25
millisecondes, et non à la fin ! Et qu’une démarche qui a lieu 200, 300,
voire 500 millisecondes après la stimulation peut nous empêcher d’être
conscients d’une piqûre dont nous serions
normalement conscients au bout de 25 millisecondes.
"Comment une telle chose est-elle possible ?
La solution que propose LIBET paraît incroyable. Le temps d’élaboration d’une
sensation consciente est bien de 500 millisecondes (475 millisecondes en fait, car
il faut 25 millisecondes pour que le signal arrive au cerveau, comme nous l’avons
vu) mais quand cette élaboration est faite, la conscience antidate cette sensation en
retournant en arrière dans le temps de 475 ms !"
Les neurophysiologistes matérialistes ont essayé
par tous les moyens de démonter cette expérience, en élevant diverses
objections auxquelles LIBET a inexorablement répondu en montrant qu’elles
étaient fausses et reposaient sur des hypothèses intenables.
LIBET insiste bien sur le fait que ce saut dans
le temps ne se produit pas le monde physique mais dans le monde subjectif.
Jean STAUNE conclut ainsi toute cette section :
"La seule conclusion logique d’une telle
situation — s’il est confirmé qu’il faut bien 500 millisecondes à la conscience
pour être consciente de quelque chose — est qu’un retour en arrière dans le
temps permet de synchroniser nos sensations avec les événements, que ce saut
dans le temps est réel, que la
conscience peut l’accomplir facilement parce qu’elle n’est pas (totalement)
immergée dans le monde physique et que, donc elle n’est pas une PRODUCTION du
cerveau et que, donc, le cerveau est davantage un poste de radio qu’un lecteur
de disques."
Cette conclusion est parfaitement importante
pour comprendre pourquoi, scientifiquement, l’état pauci-relationnel de Vincent
LAMBERT n’exclut nullement que ce dernier puisse avoir un rapport désynchronisé
avec son entourage, sans potentiel évoqué d’origine extérieure, ce qui, par
conséquent, ne nous permet pas de connaître son état mental.
Rajouté après publication :
Rajouté après publication :
Prog Neurobiol. 2006 Feb-Apr;78(3-5):322-6. Epub 2006 May 3.
Reflections on the interaction of the mind and brain.
Libet B1.
Abstract
Problems associated with the topic of the mind-brain interaction are reviewed and analyzed. If there is an interaction, then the "mind" and "brain" are independent variables; the mind represents subjective experience and is therefore a non-physical phenomenon. This fact led to the need for a field theory, termed here the "cerebral mental field" (CMF). By definition, the CMF is a system property produced by the appropriate activities of billions of neurons. An experimental test of this theory is possible and a test design is presented. The most direct experimental evidence has been obtained by use of intracranial stimulating and recording electrodes. Important information has also been developed, however, with extracranial imaging techniques. These can be very fast (in ms), but the cerebral neuronal events that produce changes in physiological properties require a time delay for their processing. A number of surprising time factors affecting the appearance of a subjective somatosensory experience are described, and their wider implications are discussed. Among these is a delay (up to 0.5 s) in the generation of a sensory awareness. Thus, unconscious cerebral processes precede a subjective sensory experience. If this can be generalized to all kinds of subjective experiences, it would mean that all mental events begin unconsciously and not just those that never become conscious. In spite of the delay for a sensory experience, subjectively there appears to be no delay. Evidence was developed to demonstrate that this phenomenon depends on an antedating of the delayed experience. There is a subjective referral backward in time to coincide with the time of the primary cortical response to the earliest arriving sensory signal. The subjective referral in time is analogous to the well-known subjective referral in space. In conclusion, features of the CMF can be correlated with brain events, even though the CMF is non-physical, by study of subjective reports from the human subject.
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