Les médias, hormis Le Monde, n'ont pas parlé d'un événement très grave survenu récemment en Chine, le lynchage d'un cadre d'une usine sidérurgique (Tonghua and Steel, dans la Province de JILIN [Chine du Nord]). Le nouveau Directeur venait d'annoncer aux salariés une vague de licenciements, après la fusion de son établissement avec une autre entreprise de production d'acier. Il a été battu à mort, après avoir menacé de se débarrasser de 30.000 ouvriers dans le cadre de cette fusion. Le rachat de l'usine et la fusion ont été annulés. La production d'acier est considérée comme stratégique en Chine ; elle est étroitement contrôlée par l'Etat chinois, c'est à dire le Parti Communiste.
Plusieurs remarques. D'abord la manière dont Le Monde annonce l'événement est assez curieuse, et montre combien l'Occident prend des gants avec le géant asiatique quand il s'agit de parler business ; la présentation de ce lynchage est faite en effet dans un entrefilet de 15 lignes, ayant pour titre Sidérurgie : La vente d'une usine chinoise annulée après la mort d'un cadre. L'entrefilet est publié dans la page Économie. On aurait pu imaginer qu'il fût placé en page Politique, et qu'il portât un autre titre, par exemple : Un cadre lynché par des ouvriers chinois en colère après l'annonce de 30.000 licenciements. Non. Vous n'y êtes pas. Un cadre est mort. On annonce l'annulation de la fusion. Quelle neutralité de ton ! Mais le même journal glosera très longuement sur le suicide d'un employé du Pôle Emploi, surmené par le travail. Différence de traitement : Vérité en deçà des Pyrénées...
Cet événement aurait pu être l'occasion, pour le journal, de faire le point sur les pratiques sociales d'un des derniers États communistes du Monde. Il aurait pu faire état du livre de CAI ZHONGGUO, ou de Thierry WOLTON (je vous en ai déjà parlés), ou encore de celui de Marie HOLZMAN et CHEN YAN (Ecrits édifiants et curieux sur la Chine du XXIe siècle). Il aurait pu inciter les lecteurs à plus de discernement dans leurs pratiques de consommation. Il ne faut pas acheter de produits chinois, selon moi ; ils sont fabriqués dans des conditions sociales épouvantables qui auraient provoqué chez nous une Révolution. Nous n'avons pas à cautionner ces pratiques d'un autre âge. Mais l'argent n'a pas d'odeur.
Il aurait pu aussi pousser à une réflexion plus approfondie sur les conséquences nécessaires de l'industrialisation, si bien analysées par Simone WEIL dans ses Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale.
Le journal Le Monde se pique de penser à gauche et de faire réfléchir ses lecteurs. Il convient de lui rendre hommage pour avoir pris le (très faible) risque de porter à notre connaissance ce lynchage, et de lui demander de poursuivre sa réflexion en portant à notre connaissance les multiples exactions, exploitations, réductions en esclavage d'une main d'oeuvre paysanne, taillable et corvéable à merci. Dans de prochains billets, je vous décrirai quelques unes de ces monstrueuses pratiques que nous feignons de ne pas voir, alors qu'en Chine même, des défenseurs des pauvres risquent leur vie pour les défendre.
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