Dans un essai, daté de 1999, qu'il n'a pas publié et qui porte sur la nécessaire adaptation de l'entreprise au monde en mutation, François LAGANDRE constate ceci, qui me paraît fort juste :
"Avec le développement de la mondialisation des rapports commerciaux et de la circulation des capitaux, le montants des flux financiers enregistrés actuellement représente environ quarante fois celui des échanges de marchandises ; quant aux transactions quotidiennes sur le marché des changes, leur montant est plus important que l'ensemble des réserves de toutes les banques centrales. [...] Le poids des sommes mises en oeuvres devient tel que les gouvernements et les directions d'entreprises voient remettre en cause leur liberté d'action. [...] ainsi les attaques contre une monnaie peuvent-elles mettre en jeu des capitaux dont le montant est hors de proportion avec les réserves que des États, même puissants, sont en mesure de mobiliser."
C'est proprement effrayant, incontrôlable.
Je ne peux pas m'empêcher de rapprocher ce constat lucide de ce que disait Simone WEIL dans son essai sur les Causes de la liberté et de l'oppression sociale :
"L'extension formidable du crédit empêche la monnaie de jouer son rôle régulateur en ce qui concerne les échanges et les rapports des diverses branches de la production ; et c'est bien en vain que l'on essaierait d'y remédier à coups de statistiques. L'extension parallèle de la spéculation aboutit à rendre la prospérité des entreprises indépendante, dans une large mesure, de leur bon fonctionnement, du fait que les ressources apportées par la production même de chacune d'elle comptent de moins en moins à côté de l'apport perpétuel de capitaux."
Et voilà. La boucle est bouclée. C'est le renversement du rapport entre la fin et les moyens qui aboutit à l'immense gâchis que nous voyons s'étendre et grossir sous nos yeux. L'argent est devenu une fin ; l'entreprise n'est plus jugée en fonction de son utilité sociale, mais des juteux bénéfices que l'on peut tirer de la spéculation sur ses actions. C'est la spéculation qui est ignoble et qui doit être interdite par tous les moyens : à cette fin, un seul moyen, taxer les plus values en fonction du temps de détention de l'action par son propriétaire. Il n'est pas normal d'acheter le matin pour vendre le soir. Ou de vendre le matin pour acheter le soir. C'est économiquement idiot, moralement insupportable, politiquement gros de dangers. Il convient donc de taxer à 95 % les plus-values réalisées sur ce très court délai de rétention. Celui qui garde une action plus de 5 ans devrait pouvoir la revendre avec bénéfices sans payer d'impôt sur les plus-values.
Non, tout honnête homme ne peut qu'être révulsé à l'idée que la ronde infernale de l'argent, la danse du ventre devant le dieu Mammon, gouverne la vie du monde, des états, et des familles. Si vous trouvez mon idée juste, dites- le en commentaire.
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