mercredi 11 novembre 2009

Identité nationale : les vues de René Girard

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Il est impossible d'extraire d'une oeuvre aussi riche et foisonnante que celle de René GIRARD une citation étroitement applicable à la notion d'identité nationale. René GIRARD - qui s'est opposé à plusieurs reprises à LEVI-STRAUSS dans ses livres - a un autre point de vue que l'ethnologue. Il se place plus en anthropologue et philosophe qu'en observateur des sociétés humaines, même s'il utilise abondamment les travaux de ceux qui font profession d'étudier les peuples.
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J'en suis donc réduit à résumer ce qui dans la théorie lumineusement exposée (entre autre) dans Des choses cachées depuis la fondation du monde peut éclairer le propos du jour.
Pour René GIRARD, notre désir n'est jamais autonome ; nous désirons ce qui est proposé à notre désir. Il en découle que nous désirons d'autant plus le désir de l'autre que nous lui sommes proche. Qu'y-a-t-il de plus proche que des frères ? Caïn tue Abel ; Etéocle et Polynice s'entretuent ; il s'en est fallu de peu que les fils de Charlemagne ne s'étripent, à la mort de leur père qui sagement pourtant, avait procédé au partage équitable de son Empire entre eux. Il s'agit là d'exemples que l'on peut étendre à d'autres ressemblances : ainsi plus près de nous, la rivalité mimétique entre "deux amis de trente ans", messieurs BALLADUR et CHIRAC. En somme, plus nous nous ressemblons, et plus nous faisons bouillir en nous la marmite des violences. René GIRARD observe que dans les périodes de crises, les distinctions sont abolies, les rôles eux-mêmes parfois inversés ; il en est ainsi dans les bacchanales ou le carnaval ; il en a été ainsi pendant la Révolution Française, et ce n'est pas pour rien que le Duc d'Orléans a pris le nom de Philippe Egalité, lui qui a péri finalement sur l'échafaud. La seule situation attestée où une telle rivalité mimétique n'explose pas est celle de Jean-Baptiste et Jésus, et elle est dans l'Evangile : Jean est le cousin de Jésus ; il baptise et Jésus aussi. Les disciples de Jean vont lui rapporter que Jésus l'imite, et ils s'en offusquent. La réponse du Baptiste est tranchante : "Il importe qu'il croisse et que je diminue ; opportet eum crescere, me autem minui".
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On voit par ces quelques explications très sommaires que la rivalité mimétique explose quand la ressemblance, ou plus exactement l'indifférenciation, l'indistinction des personnes est à son paroxysme. Voilà pourquoi le concept d'égalité est imbécile dans la manière dont il est présenté et surtout compris par nos concitoyens.
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Sommes-nous si loin de la question de l'identité nationale ? Certes non. Nous vivons sur un sol, nous avons un paysage, une histoire que chacun peut s'approprier. Mais en même temps, nous savons qu'il est nécessaire qu'il y ait de la différenciation, pour exister tout simplement. A mon avis, il ne faut pas voir ailleurs que dans cet effort de différenciation la création et la prolifération des bandes ethniques dans les banlieues. Mais d'un autre côté, en vertu de la cohabitation et du partage non pas d'une même culture, mais des mêmes besoins, biens et habitudes de confort, nous rentrons dans cette violence mimétique : lui, il a une Porsche, moi pas. J'en veux une.
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Où est l'issue de ce qui se présente comme une impasse politique ? Je n'en vois pas d'autre que le maintien d'une différenciation par le retour dans leur pays d'origine des étrangers clandestins, et par une assimilation (et non pas une intégration) des Français d'origine étrangère dans le respect de la spécificité d'origine tant qu'elle ne prétend pas s'imposer aux autres. Cela porte un nom et même plusieurs : fraternité, respect, amour.

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