Nous vivons une époque étrange parce que marquée par un phénomène qui va s'amplifiant : celui de l'autonomie absolue de nos jugements et de nos actions. Dans ce court billet, je voudrais d'une part répondre au commentaire d'un lecteur sur l'absence de réglementation de l'euthanasie active, et la nécessité de mettre fin à un "vide juridique" en cette matière, et d'autre part réagir aux opinions de monsieur de VILLEPIN sur le Président de la République. Ces contributions me permettront de donner mon avis personnel sur le phénomène que j'évoquais au début de ce billet : l'autonomie absolue des jugements et des actions.
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(a) Sur l'euthanasie.
Il est inexact de dire qu'il n'y a pas de réglementation et de loi sur l'euthanasie active. Celle-ci est assimilée à un homicide volontaire et elle est jugée sur cette incrimination. Il est exact que les tribunaux font souvent preuve d'indulgence en cette matière, mais les magistrats n'hésitent pas à appliquer le droit en poursuivant les auteurs de tels actes. Dire qu'il n'y a pas de loi sur l'euthanasie revient à supposer le problème résolu et à demander qu'on l'encadre par des critères les moins subjectifs possibles. La question, me semble-t-il, n'est pas là. L'euthanasie active pourra être légalisée ; elle n'en demeurera pas moins un homicide, fût-il commis avec l'assentiment de la personne euthanasiée. Il convient de rappeler ici l'histoire de cette infirmière qui pour soulager la souffrance réelle ou supposée de ses malades abrégeait volontairement leurs jours et fut condamnée pour cette raison. Ainsi, la ligne de démarcation reposerait sur la seule volonté du malade de voir ses jours abrégés. Il me paraît juste de se demander si une telle demande est libre. La souffrance est assez mauvaise conseillère. Il me paraît préférable de développer les soins palliatifs et les traitements de la douleur que de résoudre "le problème" en l'éliminant. Nous touchons donc là à la différence qui existe entre ce qui est légal, légitime et moral.
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(b) Les propos de monsieur de VILLEPIN.
L'ancien Premier Ministre déclare que la politique conduite par le Président de la République est illégitime et qu'il convient de mettre fin à ce qu'il appelle une "parenthèse politique". Un tel jugement est proprement effarant dans la bouche d'un responsable de ce niveau. Ce ne sont pas les manifestations orchestrées par les syndicats de salariés (de la fonction publique en général, et relevant le plus souvent des régimes spéciaux) qui rendent illégitime la réforme des retraites. J'ai beaucoup discuté avec beaucoup de nos concitoyens sur le sujet. Si tous regrettent de devoir quitter un peu plus tard leur travail, je n'en ai pas rencontré beaucoup qui contestaient le bien fondé d'une réforme. Tout le monde n'est pas Bernard FRIOT (dont j'ai enfin reçu le livre) et ne manie pas avec autant de facilité les sophismes, l'idéologie, l'approximation, les préjugés, et l'utopie. Monsieur de VILLEPIN devrait donc prendre garde : déclarer illégitime une loi au motif qu'elle déplaît, crée des contraintes et suscite des oppositions est extrêmement dangereux. Vous imaginez des manifestations pour protester contre les impôts ?
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En vérité, chacun de nous veut être aujourd'hui le législateur de ses propres comportements. Peu importe s'ils gênent autrui. Il suffit qu'ils rencontrent nos désirs pour que nous les déclarions dotés de valeur absolue, et donc légitimes. Le mot autonomie dit bien du reste ce qu'il veut dire : la loi par soi-même. Or l'homme est un sujet social, et il ne peut exister sans le concours des autres. Ignorer ces derniers, violer leurs droits élémentaires, dont le droit à la vie, est illégitime. Est légitime ce qui a été voté par des représentants régulièrement élus par le peuple pour autant que la morale et le droit naturel ne soient pas violés. La réforme des retraites est votée dans ces conditions ; elle est promulguée ; elle ne heurte pas le droit naturel, dans la mesure où les dispositifs de solidarité sont, en France, parmi les mieux élaborés du monde. Une loi sur l'euthanasie violerait le droit naturel, elle serait légale puisque votée, mais elle serait illégitime moralement.
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Je maintiens donc qu'une loi sur l'euthanasie active est illégitime car immorale et qu'une loi légitime peut n'être ni morale ni immorale, mais neutre. Je terminerai ce billet par l'exhortation que Paul de TARSE envoyait à son disciple TITE dans la célèbre épître qui porte le nom du dédicataire : "Fils bien-aimé, rappelle à tous qu'ils doivent être soumis aux gouvernants et aux autorités, qu'ils doivent leur obéir et être prêts à faire tout ce qui est bien ; qu'ils n'insultent personne, ne soient pas batailleurs, mais pleins de sérénité. [...] (Ti 3, 1)". Voilà de sages recommandations, non ? Je reconnais que souvent, j'en suis loin.
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5 commentaires:
Oui, super! Mais Jésus n'at-il pas dit: A Dieu ce qui est à Dieu, à l'étât ce qui est à l'étât"....
C'est précisément parce que ce qui est à Dieu est à Dieu, qu'il y a des Lois illégitimes. Elles le sont quand elles se proposent de se mettre à sa place et de dire, à sa place, le bien et le mal. C'est le péché d'Adam et Eve, que d'avoir mangé le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. C'est pourquoi Paul prend bien soin de dire que s'il est nécessaire d'obéir aux autorités, c'est pour être prêt à faire le bien, celui que Dieu veut pour nous.
le role du droit n'est pas d'interferer avec la morale. la vrai question de l'euthanasie est la suivante: la loi, abstraite, génerale et obligatoire peut elle et a t'elle le droit de se prononcer sur la situation si particulière, si concrète et si intime qu'est la mort? il me semble que la solution juridique n'est pas adaptée ici. en effet, comme le rapel Jean Carbonnnier, pour qu'une société ne bascule pas dans le totalitarisme, il faut qu'elle presèrve des espaces ne non droit, c'est à dire des situations où le droit n'est ni bafoué, ni oublié, mais où il doit laisser place à la morale. la mort en fait partie , et c'est pourquoi je trouve que l'attitude d la loi française cet égard est légitime: délégitimer l'acharnement thérapeutique, adopter la tolérance lorsque l'acte , face à trop de souffrance, a été commis (question de l'opportunité des poursuites) et privilégier la recherche de l'amélioration des soins palliatifs. Bacon définit ainsi le role de la médecine: "soigner et guérir"; quand on ne peut plus guérir, on peut toujoours soigner.
rien à voir avec ce qui précède. Avez-vous lu "Jésus, l'homme qui était Dieu" le dernier bouquin de Max Gallo? SI oui, cela vaut-il le coup d'acheter?
Je partage assez le point de vue d'Armagnac. (a) Il y a des situations d'extrême souffrance qui ne peuvent être résolues en conscience que par les acteurs, médecins, famille, et bien entendu, patient surtout patient, te non par la loi. Tout compte fait, c'est la même chose pour l'avortement. Je conçois parfaitement qu'il puisse y avoir des situations où ce peut être un moindre mal. Faut-il légiférer en des matières qui relèvent de la seule conscience ? (b) je rappelle à mes lecteurs que j'ai fait pendant toute ma carrière unversitaire des recherches sur des maladies réputées incurables, en collaboration avec des médecins du CHU de Strasbourg. Aucun d'eux ne m'a jamais dit qu'il trouvait nécessaire une telle loi. Beaucoup m'ont dit qu'ils laissaient au patient la liberté de refuser les soins imposés par leur état, et qu'ils soulageaient leurs souffrances par des traitements ayant des effets secondaires, et abrégeant la vie. Ce n'est pas la même chose. Question extrêmement compliquée que ne peut résoudre une loi.
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