mardi 19 avril 2011

Au même ami

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Dans les années 190-200, un auteur anonyme, habitant probablement ALEXANDRIE, écrivait à un certain DIOGNETE, un païen de haut rang, une lettre restée fameuse, connue justement sous le nom de lettre à DIOGNETE. A l'intention de cet ami, homme fin, cultivé, et que j'estime profondément, je donne ici l'un des plus fameux passages de cette lettre. Il correspond très exactement à ce que je pense, crois et m'efforce de vivre.

"Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes, ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n'habitent pas des villes qui leur soient propres, ils n'emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n'a rien de singulier. Leur doctrine n'a pas été découverte par l'imagination ou les rêveries d'esprits inquiets ; ils ne se font pas comme tant d'autres les champions d'une doctrine humaine.

Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l'existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s'acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tous le monde, ils ont des enfants, mais ils n'abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n'est pas une table ordinaire.

Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas mais on les condamne, on les tue et c'est ainsi qu'ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de riches. Ils manquent de tout et sont dans l'abondance. On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnient, et ils y trouvent leur justification. On les insulte et ils bénissent. On les outrage et ils honorent. Alors qu'ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis qu'on les châtie, ils se réjouissent comme s'ils naissaient à la vie. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers et les Grecs les persécutent ; ceux qui les détestent ne peuvent pas dire la cause de leur hostilité.

En un mot, ce que l'âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L'âme est répandue dans tous les membres du corps comme les chrétiens dans le monde. L'âme habite le corps, et pourtant elle n'appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent le monde mais n'appartiennent pas au monde. L'âme invisible est retenue prisonnière dans le corps visible ; ainsi les chrétiens : on les voit vivre dans le monde, mais le culte qu'ils rendent à Dieu demeure invisible. La chair déteste l'âme et lui fait la guerre, sans que celle-ci lui ait fait du tort, mais parce qu'elle l'empêche de jouir des plaisirs. De même le monde déteste les chrétiens sans que ceux-ci lui aient fait de tort, mais parce qu'ils s'opposent à ses plaisirs. [...]

Le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu'il ne leur est pas permis de déserter."

Ce texte admirable se suffit à lui-même. Ami très cher, il n'est pas nécessaire que je te le commente.

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