Ma soeur vient de traduire du roumain un livre intitulé "Bêtes sauvages [mieux rendu en français par "Fauves"], anges et martyrs". Ecrit par une intellectuelle de haute volée, polyglotte, critique d'art, critique littéraire, le livre est la description déchirante d'un parcours de vie, la confession d'une femme qui, après dix ans d'enthousiasme pour le communisme, perd ses illusions, parvient à émigrer en Suède, y acquiert la nationalité suédoise et devient député du Parti Libéral.
Les Français, et particulièrement les hommes politiques, entretiennent sur la Suède des opinions et des jugements parfaitement infondés. Il y a là-bas des manifestations de haine de l'autre, des violences politiques, des points de vue totalitaires dont nous n'avons pas l'idée. L'auteur du livre a elle-même été menacée de mort, insultée, injuriéé ; elle a vu ses campagnes en faveur de l'euro boycottées par des foules de jeunes gens (elle souligne la jeunesse de ses contradicteurs) hystériques, venus de l'extrême-droite comme de l'extrême gauche, par exemple. Elle décrit comment fonctionne l'idéologie suédoise de l'éducation. La description fait peur. Elle a choisi de finir sa vie en France. C'est un hommage rendu à notre patrie par une femme qui parle notre langue parfaitement. (Il se trouve que je la connais en effet.)
Il est impossible de citer tous les passages importants ou décisifs du livre. C'est une critique impitoyable du totalitarisme, du communisme, de l'illusion groupale, de l'intrusion du Bouc Emissaire dans la vie sociale et politique, du fanatisme de parti, de la haine, de la violence politique. Inspiré explicitement d'Hannah ARENDT, implicitement de René GIRARD, l'ouvrage devrait avoir une énorme répercussion s'il trouve en France un éditeur suffisamment libre d'esprit, suffisamment courageux pour briser les murs de la bien-pensance politique et du politiquement correct. Son intérêt vient de la double expérience de l'auteur : celle du communisme roumain dont nous ne percevons pas encore l'horreur, celle de la "démocratie" suédoise dont nous ne voyons pas le côté oppressif et toxique.
Il est intéressant de relever le passage qui suit, au moment où des esprits forts prennent la défense de l'indéfendable en subventionnant l'exposition Piss Christ d'AVIGNON. N'ayant lu le livre qu'hier, je puis vous affirmer que je n'ai pas cherché à soutenir mon jugement sur l'exposition par des a priori faciles ; je trouve à cet extrait une pertinence incroyable :
"Beaucoup de mes compatriotes [l'auteur a pris la nationalité suédoise] ne croient pas en Dieu ; bien entendu, ils ont le droit de ne pas y croire. Mais beaucoup se croient obligés d'humilier les symboles de la croyances et d'humilier les croyants. Peut-être est-ce là une nouvelle forme de racisme, un racisme qui s'imagine devenir le rationalisme le plus élévé, et qui en fait donne libre cours à la haine."
Voilà pourquoi j'ajoute à ma protestation contre Piss Christ une protestation tardive mais énergique contre la parution dans un journal danois des caricatures de Mahomet. C'est une mauvaise action. Je crois bien plus à l'étude des origines de l'islam, à l'exégèse, à la critique historique pour mettre dans une perspective plus objective et plus éclairés certains choix politiques et sociétaux des régimes islamiques, des islamistes, et des fanatiques, mais je maintiens ici mon profond respect pour les croyants sincères de l'islam (i minuscule) qui s'efforcent de mettre en pratique les exigences de leur religion.
Pour dire vrai, si nous n'avions pas renié le Dieu de nos Pères, nous n'en serions pas au point où nous en sommes d'intolérance, de laïcité exacerbée, de haine et de violence.
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