vendredi 25 janvier 2013

Albert Camus parle de Louis XVI

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Ceci n'est pas encore une réponse à Aerelon sur la décadence de la France (je dirai la France légale ; car je vois se lever une jeunesse magnifique et se dépenser des dizaines de femmes et d'hommes murs pour leurs prochains dans mon entourage proche ou un peu plus lointain) depuis la Révolution. C'est un éclairage qui vient compléter mon billet intitulé "Révolution pas morte".
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"Le 21 janvier 1793, il y a 220 ans, le roi Louis XVI était exécuté. En mémoire, voici ce texte d’Albert Camus, prix Nobel, écrivain humaniste, infatigable combattant contre les totalitarismes, extrait de son livre L’homme révolté :

« Le 21 janvier, avec le meurtre du Roi-prêtre, s’achève ce qu’on a appelé significativement la passion de Louis XVI. Certes, c’est un répugnant scandale d’avoir présenté, comme un grand moment de notre histoire, l’assassinat public d’un homme faible et bon. Cet échafaud ne marque pas un sommet, il s’en faut. Il reste au moins que, par ses attendus et ses conséquences, le jugement du roi est à la charnière de notre histoire contemporaine. Il symbolise la désacralisation de cette histoire et la désincarnation du Dieu Chrétien. Dieu, jusqu’ici, se mêlait à l’histoire par les Rois. Mais on tue son représentant historique, il n’y a plus de roi. Il n’y a donc plus qu’une apparence de Dieu relégué dans le ciel des principes.

Les révolutionnaires peuvent se réclamer de l’Evangile. En fait, ils portent au Christianisme un coup terrible, dont il ne s’est pas encore relevé. Il semble vraiment que l’exécution du Roi, suivie, on le sait, de scènes convulsives, de suicides ou de folie, s’est déroulée tout entière dans la conscience de ce qui s’accomplissait. Louis XVI semble avoir, parfois, douté de son droit divin, quoiqu’il ait refusé systématiquement tous les projets de loi qui portaient atteinte à sa foi. Mais à partir du moment où il soupçonne ou connaît son sort, il semble s’identifier, son langage le montre, à sa mission divine, pour qu’il soit bien dit que l’attentat contre sa personne vise le Roi-Christ, l’incarnation divine, et non la chair effrayée de l’homme. Son livre de chevet, au Temple, est l’Imitation de Jésus-Christ.

La douceur, la perfection que cet homme, de sensibilité pourtant moyenne, apporte à ses derniers moments, ses remarques indifférentes sur tout ce qui est du monde extérieur et, pour finir, sa brève défaillance sur l’échafaud solitaire, devant ce terrible tambour qui couvrait sa voix, si loin de ce peuple dont il espérait se faire entendre, tout cela laisse imaginer que ce n’est pas Capet qui meurt, mais Louis de droit divin, et avec lui, d’une certaine manière, la Chrétienté temporelle. Pour mieux affirmer encore ce lien sacré, son confesseur le soutient dans sa défaillance, en lui rappelant sa « ressemblance » avec le Dieu de douleur. Et Louis XVI alors se reprend, en reprenant le langage de ce Dieu : « Je boirai, dit-il, le calice jusqu’à la lie ». Puis il se laisse aller, frémissant, aux mains ignobles du bourreau. » "
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CAMUS a tout vu, et l'a dit admirablement. Il n'y a pas lieu que la République s'enorgueillisse de sa naissance sanglante. Tout n'est qu'une ignoble continuité depuis ce meurtre qui n'a rien résolu. Et François-Normal Ier s'inspire des mêmes principes que ceux que hommes trop aveugles ont mis en oeuvre pour condamner Louis XVI. Lui et ceux qui nous gouvernent (monsieur PEILLON ou madame DELAUNAY pour ne citer que les plus a- ou anti-chrétiens) avec lui, ne voient pas que le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu de l'incarnation ("Le Verbe s'est fait chair") et qu'ils sont, eux, les divinités éthérées des idées et des  systèmes, insensibles au sort des hommes concrets qu'ils ont à gouverner. A propos, avez-vous entendu ce qu'a déclaré un syndicaliste à la radio ? Je crois qu'il était de FLORANGE. C'est flatteur pour messieurs SARKOZY et FILLON, et assassin pour monsieur HOLLANDE.

Je n'ai pas pu, en raison de mon absence, faire mémoire, le 21 janvier, de ce Roi qui fit s'étrangler MARAT de rage (sic) quand il vit la dignité, la maîtrise et l'admirable grandeur, celle d'un vrai roi, d'un souverain au-dessus de la misérable haine de ce tueur, à l'annonce de sa condamnation à mort (MARAT la lui avait portée). J'ai fait, il y a quelques années un billet sur ce MARAT et la relation qu'il a faite de sa rencontre avec Louis XVI à la veille de son exécution. Je vous jure que ça vaut la peine de voir où se situent la justice et la bonté : pas du côté de celui qui devait prendre des bains en permanence en raison d'une sorte de maladie de peau et d'un prurit rebelle. Que voulez-vous, je préfère Louis XVI à MARAT.

2 commentaires:

tippel a dit…

Et moi aussi je préfére JEAN MARIE LE PEN à FRANCOIS HOLLANDE.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Magnifique texte d'Albert Camus, qui révèle bien la grandeur d'âme de ce penseur hors normes. En même temps, c'est une lumière crue mais pleine de vérité qui est jetée sur l'atrocité révolutionnaire dont est issue, par des voies tortueuses, notre médiocre république.
Merci de nous avoir remis en mémoire ces mots, monsieur Poindron.