dimanche 27 janvier 2013

Je défends la cause de celui qui ne parle pas !

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Des amis très chers, qui se partagent entre l'Alsace et la capitale, m'envoient ce dialogue imaginaire entre un enfant et son père qui vit en couple avec un autre homme. On doit ce dialogue à Maurice VIDAL, que par ailleurs je ne connais pas. L'intérêt du texte vient de ce qu'il se place du point de vue de celui que l'on n'interroge jamais, l'enfant (infans : celui qui ne parle pas), que jamais il ne met en doute l'amour de père homosexuel pour son enfant ("mon chéri" dit ce père à son fils, et il n'y a pas lieu de douter de ce chérissement), ni l'amour du père pour son compagnon, amour que du reste reconnaît le fils ; ce texte soulève les questions essentielles que peut se poser un enfant et que nous nous sommes sans doute posées quand nous étions nous-mêmes un enfant, nous interrogeant sur l'amour de nos parents pour nous et que nous sondions le mystère de nos origine et de notre naissance. Et que l'on vienne pas me parler des enfants qui ne seraient pas aimés, des enfants de famille dites "monoparentales", des enfants maltraités (le juges savent que la maltraitance n'enlève rien à l'attachement de l'enfant pour ses géniteurs, mais ne fait que mettre en évidence le manque cruel d'amour). La question, la seule, la vraie question à poser est celle-ci : quelles sont les conditions qui font qu'un petit enfant se développent harmonieusement dans une famille classique ? Et à quoi cette harmonie, cet équilibre, ce bonheur manifeste sont-ils dus ? Le fait que ces bonheurs ne soient pas toujours au rendez-vous de la famille n'enlèvent rien à celui qu'ils peuvent l'être et plus souvent qu'on ne l'imagine.
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Voici le dialogue, que je persiste, avec mes amis, à trouver poignant.
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"- Dis, papa, c’est qui mon papa ?
- C’est moi, mon chéri
- Mais alors, pourquoi j’ai deux papas ?
- Parce que ton papa aime ton deuxième papa, et que tes deux papas s’aiment tellement qu’ils se sont mariés, pour pouvoir t’élever ensemble.
- Mais pourquoi tu me dis que c’est toi mon papa ? Mon second papa, c’est pas mon papa ?
- Si, mon chéri, c’est ton papa, comme moi.
- Mais tous mes copains, à l’école, ils ont qu’un papa !
- Ton second papa, c’est ton papa, qui t’aime autant que moi, mais moi je suis celui qui t’a conçu.
- Ça veut dire quoi «conçu» ?
- Ça veut dire que ton papa a déposé dans le ventre d’une dame la petite graine qu’il porte en lui, et c’est comme ça qu’il t’a eu. C’est très difficile à comprendre quand on est petit, tu sais, mais bientôt on te l’apprendra à l’école, et tu verras alors que c’est simple.
- Dis-moi, papa, c’est qui cette dame ?
- Cette dame, c’est celle qui t’a mis au monde. C’est comme ça que tu es né.
- C’est ça qu’on appelle une maman ?
- Oui, mon chéri.
- Mais alors c’est ma maman !
- Oui, mon chéri.
- Et pourquoi elle est pas avec moi, ma maman ? Elle m’aime pas ? Tu m’as dit que les parents qui aiment leurs enfants sont toujours avec eux, qu’ils les abandonnent jamais, même quand ils vont travailler. Elle m’a abandonné ma maman ? Elle travaille tout le temps ?
- Tu sais, mon chéri, on peut aimer quelqu’un même quand on n’est pas avec lui.
- Ça veut dire que tu aimes ma maman ? Mais alors pourquoi tu es jamais avec elle ? Tu es bien tous les jours avec mon deuxième papa, que tu aimes ? Peut-être que tu l’aimes pour de faux ma maman, mais moi je l’aime pour de vrai parce que c’est ma maman.
- …
- Je pourrais voir une photo d’elle pour voir comment elle est ? J’aimerais la connaître ma maman. A l’école, j’ai plein de copains qui ont tous une maman. A la sortie, moi je les regarde les mamans : elles sont jolies, tu sais. La mienne aussi doit être jolie… J’aimerais tant qu’elle vienne me chercher ! Tu sais quoi, papa ? J’aimerais être comme mon ami Paul : il a une vraie maman, et aussi un papa ! Il a de la chance, lui, tu crois pas ? Même que Brigitte, ma copine de classe, elle m’a dit la même chose que pour Paul, parce qu’elle aussi elle a deux mamans, et qu’elle voudrait connaître son papa. Elle m’a même dit qu’on lui avait dit que pour avoir un enfant il faut un papa et une maman. Même toi tu me l’as dit. Alors, tu vois, c’est pour ça que moi je comprends pas pourquoi j’ai deux papas ! Je trouve que c’est pas juste, parce que moi, je l’aime maman, même si elle est pas avec moi.

Maurice Vidal."

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