samedi 14 juillet 2007

Lettre de cachet

Je rentre du défilé du 14 juillet. S'agitent en moi des sentiments divers : fierté d'être français quand je vois à quel niveau de perfection atteint le défilé, quand je respire la beauté de la ville qu'autour de moi américains, japonais, italiens ou autres, admirent, chacun dans leur langue ; tristesse aussi de voir que tant d'argent est dépensé pour faire la guerre, fût-t-elle préventive ; tristesse encore quand je me rappelle les événements que nous commémorons. Mes compatriotes croient que le 14 juillet fête la prise de la Bastille ; c'est une erreur. Le 14 juillet commémore la Fête de la Fédération qui eut lieu un an plus tard. De fédération, ma patrie ne connaît plus rien ; le jacobinisme le plus étroit, le sectarisme le plus étriqué des "Philosophes" et de leurs séides (les Girondins que l'on a raccourcis en savent quelque chose), l'idéologie la plus désincarnée l'a chassée de l'espace public. Quant à la prise de la Bastille, symbole de l'arbitraire, il y a lieu de se demander si elle a vraiment expulsé ce vieux démon de nos moeurs collectives. Le pauvre gouverneur de LAUNAY qui a cru en la bonne foi de la populace lui a ouvert les portes de la forteresse. Il a été massacré. De prisonniers, il semble me souvenir qu'il n'en restait qu'un dans la forteresse. Il est bon de rappeler que les lettres de cachet qui condamnaient à la prison des sujets sans qu'ils fussent jugés, étaient souvent prises à la demande de la famille. Personnellement, je ne verserai pas une larme sur l'emprisonnement du marquis de SADE, embastillé pour ses moeurs scandaleuses sur la requête de ses proches. Pour reprendre les critiques pro-révolutionnaires, il est vrai qu'un seul homme, le Roi, avait le pouvoir de mettre à l'ombre des sujets encombrants, et que c'est difficilement acceptable pour une conscience moderne.
Adoptons le point de vue des structuralistes et voyons s'il existe de nos jours , dans notre pays, un homme seul qui a le pouvoir d'emprisonner sans jugement. Cet homme existe, démultiplié à des centaines d'exemplaires : c'est le juge d'instruction qui peut littéralement embastiller sans procès des justiciables sans autre motif que son intime conviction. La détention préventive, vous connaissez ? C'est ainsi que monsieur Fabrice BURGAUD a pu garder à l'ombre, non pas un, mais plus de deux dizaines de nos compatriotes, pendant près de trois ans, avant qu'ils ne fussent déclarés innocents. L'un d'eux n'a pas eu la patience d'attentre le jugement et s'est donné la mort. Je ne vois pas pourquoi on dénierait aux souverains de l'Ancien Régime le bon sens et l'intime conviction qui les amènaient à embastiller, et qu'on donnerait ce droit exorbitant à des magistrats dont le bon sens et la légitimité ne sont pas forcément les qualités les plus évidentes. Certes, à la différence des prisonniers de l'Ancien Régime embastillés, les accusés d'OUTREAU ont eu droit à un procès ; c'est ce qui fait la très grande différence ; cependant qui leur rendra les trois ans de vie perdus par la faute d'un seul ?
Croyez bien que je n'exprime pas cette opinion par esprit réactionnaire. Je l'exprime parce qu'elle me paraît juste et qu'elle est le fruit d'un très longue réflexion sur la violence légitime, réflexion que j'ai commencée après la lecture des oeuvres de René GIRARD.

4 commentaires:

Jobove - Reus a dit…

very good blog congratulations

salutations from Reus Catalonia

Philippe POINDRON a dit…

Merci

Philippe POINDRON

gosein a dit…

Bonjour Philippe,
La relation de l'homme à son espace (préciser espace ?) nous entraîne dans les sciences du virtuel, de l'inachevé, de la complexité, de l'émergence où les phénomènes ne sont pas déterminés.1789 est-il un espace mythique intersubjectif ? La pensée créatrice, l'émergence de la parole, le sentiment du sacré, le mythe, la littérature semblent devenir autant d'objets improbables ou impossibles pour les sciences expérimentales. Certes, l'espace existe par la langue et la parole qui le créent. Mais, l'espace est-il aussi physique, matériel, utopique et même métaphysique (indépendant du sujet ?) dont la représentation échappe à la seule clôture linguistique : ces espaces déterminent les croyances comme des variants, aux contours, sans cesse différents. 1789 est donc une utopie, un espace que nous dèconstruisons ou reconstruisons selon l'éspce que nous sommes capables de produire et d'y inviter nos contemporains. Il est donc nécessaire que la pensée contemporaine s'ouvre sur de nouveaux horizons.( quelles créent ?)
Amitié
Francis

gosein a dit…

Bonjour Philippe,
La relation de l'homme à son espace (préciser espace ?) nous entraîne dans les sciences du virtuel, de l'inachevé, de la complexité, de l'émergence où les phénomènes ne sont pas déterminés.1789 est-il un espace mythique intersubjectif ? La pensée créatrice, l'émergence de la parole, le sentiment du sacré, le mythe, la littérature semblent devenir autant d'objets improbables ou impossibles pour les sciences expérimentales. Certes, l'espace existe par la langue et la parole qui le créent. Mais, l'espace est-il aussi physique, matériel, utopique et même métaphysique (indépendant du sujet ?) dont la représentation échappe à la seule clôture linguistique : ces espaces déterminent les croyances comme des variants, aux contours, sans cesse différents. 1789 est donc une utopie, un espace que nous dèconstruisons ou reconstruisons selon l'éspce que nous sommes capables de produire et d'y inviter nos contemporains. Il est donc nécessaire que la pensée contemporaine s'ouvre sur de nouveaux horizons.( quelles créent ?)
Amitié
Francis