lundi 23 juillet 2007

Nihil novi sub sole

Déjà, en 1878, un voyageur français écrivait en introduction de l'ouvrage qui racontait son long séjour en Chine, ce que voici : "Ce qui frappe le plus le voyageur à mesure qu'il s'éloigne de la France, c'est de voir quelle petite place elle tient dans les contrées lointaines. Tandis que l'Angleterre remplit tout de son nom, de son commerce, de sa langue, le renom de la Fance s'affaiblit au contraire d'autant plus vite que celui de sa voisine grandit.
C'est avec tristesse que le Français constate cet effacement de la patrie. Mais ce qui l'attriste encore plus au retour, c'est de reconnaître que les causes de cette infériorité sont dues à l'indifférence et au dédain de ses compatriotes pour les autres peuples en proportion de leur éloignement.
Il faudrait les convaincre que le meilleur moyen d'assurer l'influence de leur pays, c'est de se répandre au dehors, et que la première condition de ce progrès, c'est de connaître les autres peuples, leur civilisation, leur caractère et leurs besoins, d'imiter en un mot l'Angleterre et de lutter avec elle sur ce terrain fécond, où la France pourrait lui disputer, sinon l'empire commercial, du moins, l'empire moral et civilisateur du monde."
Les choses, depuis, ne se sont guère améliorées, et si l'empire américain, s'est substitué à l'empire anglais, les rapports entre les deux cultures, anglo-américaine d'une part, française de l'autre, sont dans la même dissymétrie. D'où cela vient-il ? Le texte même de ce voyageur désabusé porte en lui la réponse, mais sa proximité d'avec un mode de pensée qui n'a cessé de nous abaisser depuis qu'il est devenu la référence des "intellectuels" ne lui permet pas d'aller au bout de la démarche qu'il esquisse.
Pourquoi les français s'intéresseraient-ils en effet à des pays dont la culture, à leurs yeux, n'a pas atteint le degré d'universalité propre à celle de leur patrie ? Nous sommes victime de cette illusion d'optique qui veut que toute pensée française vaut pour le monde entier. Vous savez, "l'exception française".
Voici une anecdote qui illustrera ce que je veux dire. Je discutais avec un collègue et ami de l'Université de Lausanne, un biochimiste connu internationalement, francophone de naissance. Et il me disait, avec un petit sourire narquois : "Vous, les Français, vous ne pouvez pas vous empêcher de pensée à l'échelle du monde. Notre pensée à nous s'arrête aux frontières de notre canton natal." Voilà notre limite, voilà notre faiblesse, voilà le défaut de notre cuirasse : nous croyons, depuis le siècle des Lumières, que nos "Philosophes" ont apporté au monde une pensée universelle, et, depuis la Révolution, que la France a fait naître l'humanité à la Liberté et aux Droits de l'Homme. Cette façon de voir la vie et le monde, de ne contempler que notre nombril, nous interdit de rentrer profondément dans la pensée des autres peuples. Il faudrait pour cela comprendre que la Fance ne peut incarner à elle toute seule les valeurs universelles, même si elle a puissamment contribué à l'approfondissement d'une pensée "valable pour tous les hommes, en tout temps, et en tout lieu". C'est une contribution, pas une somme définitive.
Il est assez caractéristique de voir que Léon ROUSSET, professeur à l'arsenal de Fou-Tchéou (Fu-Zhou), ne cherche pas tant à disputer à l'Angleterre l'empire commercial que l'empire moral et civilisateur du monde. Il trahit ainsi, sans le vouloir et pour les raisons que j'ai dites plus haut, cette prétention française à l'Universel qui nous a fait tant de mal.
Le Président de la République veut mettre fin à l'influence de mai 68 sur l'Esprit Public ; il serait bon que les "intellectuels" lui suggèrent d'entreprendre le même travail pour ce qui concerne l'arrogante prétention des Lumières à éclairer le monde.
Philippe POINDRON
Citation de
Léon ROUSSET.
A travers la Chine.
Librairie Hachette et Cie, Paris, 1878.
(Je possède ce livre fort intéressant.)
PS : bien que je m'efforce de relire avec soin mes textes, je laisse encore des fautes de typographie (peu graves) et d'orthographe (inexcusables !) Que mes lecteurs soient indulgents. Je les invite vraiment à commenter et à s'inscrire comme membre du Blog. Mon ambition est de créer un courant de pensée susceptible de contriber au renouveau de l'esprit public, par une contestation raisonnée des idées reçues et des idéologies. Si je me suis attaqué surtout aux idéologies socialistes, je passerai aussi à la moulinette de la critique réaliste les idéologies libérales et néo-libérales. Comme elles sont les plus disputées et critiquées par les médias, il me semble plus urgent de pourfendre leurs symétriques qui font des ravages.

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