lundi 16 juillet 2007

Toujours la révolution

Dans un salon parisien, au début de l'année 1788.
Il y a là CHAMFORT, CONDORCET, VICQ- D'AZYR, de NICOLAÏ, BAILLI, MALESHERBES, ROUCHER, LA HARPE, la duchesse de GRAMMONT et CAZOTTE, dont nous avons déjà parlé. CAZOTTE - nous devons ce témoignage à LA HARPE qui a fixé la scène dans un texte remarquablement écrit - poussé par l'assistance va prophétiser. Toutes ses prophéties se réaliseront dans les moindres détails.
On commence par brocarder la religion. On récite les vers (philosophiques) de cet affreux bonhomme de DIDEROT : "Et des boyaux des derniers prêtres, Serrer le cou du dernier roi".
CAZOTTE se tait. On continue. "Il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie". On suppute sur les chances qu'ont les uns et les autres de voir advenir le règne de la raison. CAZOTTE continue de se taire. On le presse de prendre la parole : "Messieurs, dit-il, soyez satisfaits, vous verrez tous cette grande et sublime révolution que vous désirez tant." On se moque, car CAZOTTE se targue d'avoir de dons de prophétie. CONDORCET le provoque : ..."un philosophe n'est pas fâché de rencontrer un prophète. - Vous, monsieur de CONDORCET, vous expirerez étendu sur le pavé d'un cachot ; vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau". Quelques temps après, tandis que la conversation s'anime : "C'est au nom de la philosophie, de l'humanité, de la liberté ; c'est sous le règne de la raison qu'il vous arrivera de mourir ainsi". Et à CHAMFORT : "Vous, monsieur CHAMFORT, [...] vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n'en mourrez que quelquels mois après. [...] Vous, monsieur VICQ-d'AZYR, vous ne vous ouvrirez pas les veines vous-même, mais après, vous les ferez ouvrir six fois dans un jour, [...], et vous mourrez dans la nuit. Vous monsieur de NICOLAÏ, sur l'échafaud ; vous, monsieur BAILLY, sur l'échafaud." ROUCHER, qui croit être fin, s'esclaffe : "Ah ! dieu soit béni, il paraît que monsieur n'en veut qu'à l'Académie ; il vient d'en faire une terrible exécution ; et moi, grâce au ciel ! - Vous, vous mourrez aussi sur l'échafaud." L'assistance proteste : "il a juré de tout exterminer" et CAZOTTE : "Point du tout ; je vous l'ai dit, vous serez alors gouvernés par la seule raison. Ceux qui vous traiteront ainsi seront tous des philosophes, auront à tout moment les mêmes phrases que vous débitez depuis une heure, répéteront toutes vos maximes, citerons comme vous, les vers de Diderot et de la Pucelle." CAZOTTE achève en prophétisant l'exécution de la duchesse de GRAMMONT sur l'échafaud, sans le secours de la confession, et celle de LOUIS XVI, le seul des condamnés qui aura droit à cette faveur. LA HARPE a survécu à la révolution. C'est à lui que nous devons ce témoignage connu sous le nom de "Prophétie de Cazotte".
"Et des boyaux des derniers prêtres, Serrer le cou des derniers rois." disaient-ils.
Pendant que ces messieurs dansent sur un volcan, les hommes d'Eglise eux s'activent. Mgr de BARRAL, évêque de Castres, fait distribuer aux curés de son diocèse, dès 1765, 20 ans avant PARMENTIER, des tubercules de pommes de terre dont il impose la plantation pour éviter les famines. Son successeur Mgr de ROYERE fait ouvrir quatre routes et construire plusieurs ouvrages d'art pour donner du travail aux chômeurs. En Provence, Mgr de BOISGELIN fait dessécher des marais, construire des routes et des ponts, Mgr de BAUSSET crée un RMI avant la lettre, pour les pauvres de son diocèse, donne des allocations aux vieux et aux chômeurs, augmente la dotation de l'hôpital, établit et défend le projet de creusement du nouveau port de Fréjus. Dans le Dauphiné, l'évêque de Grenoble organise un bureau d'assistance judiciaire gratuite. En Bourgogne, l'évêque de Langres crée un système d'assurance contre les incendies. Mgr de la MARCHE, évêque de St-Pol-de-Léon en Bretagne, se fait lui aussi le propagandiste de la culture de la pomme de terre. En Artois, Mgr de PARTZ de PRECY, évêque de Boulogne, crée un séminaire gratuit et fonde une institution qui permet de doter dans chacune des paroisses de son diocèse une jeune fille pauvre obligée de travailler de ses mains. En Picardie, Mgr de MACHAULT, évêque d'Amiens, donne tous ses revenus aux chômeurs de la "Fabrique" anéantis par la concurrence anglaise et vit dans la plus grande pauvreté. A Paris, Mgr de BAUMONT fait réparer des métiers à tisser et crée ainsi 2.000 emplois. Son successeur, Mgr de JUIGNE, pour réduire la disette et la misère du peuple, pendant que ces messieurs discutent dans les salons luxueux du Faubourg Saint-Germain, vend sa vaisselle, pendant l'hiver 1788, et engage son propre patrimoine pour contracter des emprunts élevés destinés à soulager la misère. Etc., etc., je dis bien etc. [Merci à Jean DUMONT qui donne ces détails dans son livre remarquable (La Révolution Française ou les prodiges du sacrilège. Criterion, Paris, 1984.)]
"Et des boyaux des derniers prêtres, Serrer le cou du dernier roi..."
Est-ce si bien vu de la part de Philosophes qui ont inlassablement tressé la corde destinée à les pendre ? Car la Révolution, qu'ils appelaient de leurs voeux et qu'ils ont engendrée, a dévoré ses enfants. Ce n'est que logique ; c'est une constante de toute révolution.
L'invention du RMI, des assurances, des allocations de vieillesse, des allocations de chômage, l'assistance judiciaire gratuite, sont des créations de l'Eglise, n'en déplaise à nos "socialistes" contemporains. Tout le reste est du mensonge, du bourrage de crâne, un déni de justice et un viol de la vérité.
Je suis un scentifique invétéré, et je dis que les faits ont la tête dure. D'oùce rappel, que je vous invite à fixer dans vos mémoires. Pardonnez-moi l'inhabituelle longueur de ce billet. Mais nous venons de fêter le 14 juillet. Quelques rappels ne me semblaient pas superflus. Mais attention, je suis solidaire, de fait, de l'histoire de ma patrie. Je l'aime, dans ses grandeurs, comme dans ses petitesses, et si je déplore ses crimes et ses excès, j'accepte d'en assumer l'héritage.
Politis-Philippe

Aucun commentaire: