Dans son édition d'hier, le journal gratuit Métro publie (édition de Paris), en page 4, en bas à droite, un petit entrefilet ainsi intitulé : "Un ex-salarié assassin ?"
Et il poursuit :
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"L'employé de la société de transport qui aurait tué vendredi à Toulouse son patron et le fils de ce dernier a été mis en examen pour assassinats. Selon le vice-procureur du parquet de Toulouse, le suspect, âgé de 47 ans, avait évoqué lors de son audition 'des idées suicidaires'. Il avait annoncé sa démission deux jours avant le drame."
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Je dois dire que cette manière de présenter les choses est pour le moins surprenante, et même scandaleuse. Pourquoi ? Il suffit de procéder à une analyse de la typographie et des temps verbaux utilisés pour se convaincre que le Journal tend à présenter les faits comme hypothétiques, et cherche à trouver des excuses à l'assassin.
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L'homme a tué, le fait est avéré. Pourquoi mettre un point d'interrogation au titre ? Pourquoi utiliser un conditionnel qui jette le doute sur la matérialité des faits ("aurait tué"). Rapporter les faits n'est pas condamner. La justice est là pour instruire l'affaire et établir le degré de responsabilité et d'implication personnelle et libre dans l'acte homicide. Il me parait impossible que le journal ait ignoré ce point. Il faut donc qu'il ait une intention. Soit une intention de prudence : tout accusé est présumé innocent avant son jugement, et le journal ne tient pas à être mis en examen par la défense de l'homme qui a tué, soit, et plus vraisemblablement, une utilisation juridique subtile entre un assassinat et un meurtre, le premier impliquant la préméditation, utilisation qui fait qu'il ne ment pas mais se contente de jouer sur les mots. "L'homme a tué, mais je me garderai bien de dire qu'il l'a fait avec préméditation" semble dire le journal. Un lecteur pressé ou peu au fait de la qualification des crimes ne peut faire autrement que de se demander si l'homme a vraiment tué ou non, d'autant que le conditionnel est bien utilisé : "aurait tué" ; à la rigueur et pour donner de l'épaisseur à l'utilisation subtile du mot "assassin" dans le titre, le Journal aurait pu dire "qui aurait assassiné" etc.
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En quoi les idées suicidaires peuvent-elles atténuer l'horreur des faits ? Et fallait-il pour s'en purger ôter la vie à deux personnes ? On aurait pu comprendre que par désespoir ou vengeance l'homme s'en prenne à son patron et à son fils. Mais il n'a pas été licencié, il a démissionné. Certes, je ne sais s'il l'a fait sous une intolérable pression intérieure, puisque, dit Olibrius dans un commentaire, lui-même avait une entreprise de transport, rachetée semble-t-il par son patron (ou, dans ce cas son nouveau patron). L'idée de n'être plus son propre chef a pu lui être intolérable. La justice le dira. Mais on m'accordera qu'il n'était pas obligé de vendre son entreprise, et qu'il a dû trouver son intérêt dans cette transaction.
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De tout cela, pas le moindre mot dans la presse. C'est un patron qui a été tué, et son fils. Ce n'est si grave que ça... On va gloser pendant des pages et des pages sur la mort, certes épouvantable, de deux jeunes qui se jetés contre une voiture de police, et qui ont tout de même une part de responsabilité dans cette tragédie. Mais on passe par pertes et profits un événement (la violence en train de se développer entre les patrons et les salariés) que l'on présente comme un fait divers, pour mieux présenter des faits divers comme des événements. Signe des temps, vous dis-je, et curieuse manière d'informer.
2 commentaires:
La curieuse manière d'informer est un lieu, malheureusement,commun de la presse d'aujourd'hui.
L'information devient une interprétation à imposer aux lecteurs qui n'ont pas d'avis a priori et qui prennent d'emblée celle qu'on lui offre. Comme l'interprétation est opposée aux soi-disant puissants, elle est appréciée. Mais les puissants sont ceux qui ne s'imposent plus aux autres aujourd'hui tant ils sont décriés avant de pouvoir s'expliquer. Et s'ils s'expriment, c'est qu'ils sont sur la défensive disent les media et leurs lecteurs. Aussi les enfoncent-on davantage. Alors que l'interprétation est une valeur bienveillante: elle est destinée à éviter les malentendus et les contresens. Ainsi dans l'Evangile, les apôtres interprétaient la parole de Dieu pour la partager et en comprendre toutes les richesses. Et pas pour juger avant d'avoir bien écouté et entendu. " Beaucoup de prophètes , beaucoup de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l'ont pas entendu. (Mt 13-17)
Cher lecteur,
Dans l'entrefilet auquel je fais allusion dans ce billet, la manière de présenter les faits est absolument insupportable. Encore une fois, l'homme qui a tué a bien tué, et c'est une curieuse manière de purger ses pulsions suicidaires que d'aller tuer son patron et l'un de ses fils. L'interprétation donné par le journal à ce fait consiste à nous laisser entendre qu'il n'y a pas de fumée sans feu, et que ma, foi ce patron avait sans doute des choses à se reprocher. Dans l'état actuel de l'enquête, la seule chose qui est certaine est qu'un homme armé d'un fusil a tué deux de ses semblables, que l'un était son patron et l'autre le fils de celui-ci. A force de taper à bras raccourcis sur des hommes qui par leur travail ont socialement et matériellement réussi, on finira par sedresser les uns contre les autres, commes HOBBES l'avait dit : la lutte de tous contre tous.
Dans l'interprétation biblique, interprétation qui ne finit pas et qui est une caractérisque de la relation du chrétien à son Dieu, c'est toujours la bienveillance, le point de vue de Dieu, Père avant tout, qui sont privilégiés.
Partagez-vous ce point de vue ?
Amicalement.
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