J'aurais pu donner à ce billet un titre drôle, cruel, et qui aurait fait mouche, en disqualifiant un peu la personne à qui je désire dire non ! Je veux parler de monsieur Pierre BERGE qui déclare que le Téléthon vient parasiter la générosité des français, et accuse l'Association Française contre les Myopathies (AFM) d'investir les sommes recueillies dans l'achat de bâtiments. Désireux de mettre en pratique la décision d'infléchir mes remarques dans un sens plus argumenté et plus objectif, je n'ai pas cédé à la tentation de la facilité.
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Pour répondre à monsieur BERGE, je vais me prévaloir de deux réalités : la première a trait à l'AFM. Son actuel directeur scientifique, le Dr Serge BRAUN, est un de mes élèves. Il a réalisé son travail de thèse dans le laboratoire dont j'étais le responsable ; puis y est revenu pour un second séjour post-doctoral, après en avoir passé un premier à l'Université de Californie, à LOS ANGELES, dans le laboratoire du Pr Valérie ASKANAS. Notre laboratoire a bénéficié pendant des années de subventions de l'AFM destinées à soutenir nos recherches sur l'amyotrophie spinale progressive, et - je l'ai déjà dit - nous avons pu faire des travaux qui ont marqué un tournant dans la compréhension de la pathogénie de cette maladie. Grâce à l'AFM, la France est devenue l'une des toutes premières nations du monde en matière de recherche sur les maladies génétiques et de décryptage du génome humain. Le Généthon d'Evry, centre de séquençage de l'ADN, a été un modèle du genre, copié dans le monde entier. Le soutien au Centre d'Etude du Polymorphisme Humain a été également décisif pour placer notre pays au tout premier plan dans ce domaine. L'AFM ne se borne pas à subventionner des recherches sur les maladies musculaires ou neuro-musculaires. Elle subventionne aussi de très nombreuses recherches sur d'autres maladies orphelines (maladies qui ne frappent que quelques dizaines de personnes par an). Il faut bien comprendre qu'il est impossible à la recherche publique de subventionner des travaux sur des maladies qui ne sont pas un problème de santé publique (comme le cancer, le SIDA, la maladie d'Alzheimer, ou les maladies cardiovasculaires). Il est donc logique de faire appel à la générosité privée.
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Monsieur BERGE se dit atteint d'une myopathie. Je dis bien "une", et non pas "de". Il n'est pas atteint de myopathie de Duchenne de Boulogne, car il ne serait plus ce monde ; il l'aurait quitté en atteignant l'âge de 20-25 ans. Il existe des dizaines de "myopathies" de topographie, d'intensité et de gravité variables. Je ne rentre pas dans les détails, inutiles pour mon propos. Mais je souligne qu'il y a un risque de confusion entre cette très grave myopathie, celle que connaissent la majorité des gens, et les très nombreuses autres formes d'atteinte musculaire.
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La deuxième réalité est mon engagement à l'Association Tibériade, qui accueille des séropositifs. La vérité m'oblige à dire que nos accueillis approuvent la sortie de monsieur Pierre BERGE, lui-même séropositif et président du SIDACTION dont Line RENAUD est vice-présidente. La vérité m'oblige à dire aussi que j'avais sollicité madame Line RENAUD pour qu'elle vienne rendre visite à Tibériade, et que je n'ai jamais eu de réponse. Elle n'a sans doute jamais eu mon message, car je le lui avais envoyé par le biais de son Association.
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Les réactions de nos accueillis sont purement émotionnelles. On peut les comprendre. Quoique l'on fasse et dise, nos amis s'identifient à leur "maladie" (je mets des guillemets, car la séropositivité n'est pas une maladie, mais un état immunitaire particulier), et ils réclament une attention de tous les instants, une bienveillance inépuisable. Ils sont en grande détresse. Et c'est le regard que porte notre société qui en est responsable en grande partie. La raison de ce regard oblique est facile à comprendre : hormis les accidents transfusionnels (aujourd'hui rarissimes), le principal mode de transmission du virus de l'immunodéficience humaine est bien connu : addiction à la drogue utilisée par voie parentérale ; pratiques homosexuelles (encore que la transmission hétérosexuelle augmente en fréquence, en raison du vagabondage sexuel, et que la tranmission post-natale de la mère à l'enfant, en Afrique soit un très réel problème). Une chose est de ne pas condamner les personnes ; une autre est de considérer ces pratiques comme normales, tant sur le plan personnel que sur le plan social. Le fait est cependant que le SIDA est devenu une question de santé publique, du fait de ces comportements personnels à risque. Il y a là une grande différence d'avec une maladie génétique dont le porteur n'est en rien responsable de son état.
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Monsieur BERGE croit, ou feint de croire que le Téléthon siphonne l'argent privé et détourne la générosité des particuliers, au détriment de la recherche sur le SIDA. C'est faux. L'ANRS subventionne par millions d'euros des recherches fondamentales et appliquées (vaccin) sur le SIDA, et la France est un des tout premiers pays du monde dans ce domaine. Monsieur BERGE reproche au Téléthon de susciter la pitié des donateurs potentiels en leur montrant des enfants en fauteuil roulant. Voyez-vous, j'en ai vus et beaucoup, qui sont venus visiter notre laboratoire. Et j'en avais le coeur serré. Il n'est pas normal de mourir à 12 ans, à 16 ans ou à 20 ans... On ne meurt plus du SIDA, ou plus exactement des infections opportunistes liées à la séropositivité. Et rien ne prouve que l'argent soustrait au Téléthon irait dans les poches du SIDACTION. Je crois même pouvoir affirmer qu'il n'irait certainement pas pour les raisons que j'ai dites et que je résume. On n'est pas responsable d'une maladie génétique qui n'intéresse pas les pouvoirs publics ; on a une responsabilité certaine dans sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine. Et ceci explique cela. Je regrette de devoir dire ici non, monsieur BERGE, vous n'avez pas raison.
2 commentaires:
et moi je dirais OUI cher PP vous avez raison!
OUI!
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