dimanche 31 janvier 2010

Les deux fléaux de la modernité

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Il ne vous a pas échappé que j'essaye depuis fort longtemps, mais très imparfaitement, d'exposer le plus objectivement possible les raisons pour lesquelles je crois que la civilisation moderne en général, occidentale en particulier, me semblent aller droit dans le mur. Très récemment, il m'est venu à l'esprit comme deux évidences. Je vous les livre.
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(a) La civilisation moderne est devenue folle de la technique et dédaigneuse de la connaissance. Qui dit technique dit investissements en recherche et développement très coûteux, et investissements non moins coûteux en matériel, machines, usines, et par conséquent une disjonction de plus en plus grande entre ceux qui conçoivent, et dont le nombre va nécessairement se réduire en raison de la complexité des connaissances et des aptitudes intellectuelles requises par cette activité, et ceux qui exécutent. Il n'est pas dit, du reste, qu'avec la mécanisation, la robotisation, l'informatisation, le nombre des exécutants lui-même ne se réduise pas comme peau de chagrin. On peut donc imaginer une situation où les très peu nombreuses personnes, détentrices d'un très grand savoir, exercent sur leurs congénères un pouvoir sans partage, et que ces derniers ne puissent vivre d'autre manière que de subventions diverses, octroyées selon le bon vouloir des puissants. Quant à ceux qui exécutent, s'il en reste, il leur faudra toujours dégager une plus-value sur leur travail pour assurer les investissements requis par les progrès techniques et par l'amortissement d'un très dispendieux matériel. Ainsi, même si les capitaux viennent de l'état, la question de la plus-value, et donc de l'exploitation selon MARX, ne peut être éludée. Elle ne le pourrait que si la course au progrès technique était stoppée, et que l'on accepte de rentrer dans un cycle de décroissance des moyens de production. J'attends de pied ferme mes contradicteurs sur ce point crucial.
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(b) Le deuxième élément de la modernité me semble venir de la corruption du sens moral et de son corollaire, la recherche à tout prix de responsables en cas de dysfonctionnement d'un ou plusieurs rouages de la société. D'où cette manie de la transparence, de la traçabilité et de la réglementation. Celle-ci n'a d'intérêt que parce qu'elle permet de remonter les étapes d'un processus de production (matérielle ou non) et ainsi d'identifier le(s) responsable(s) qui a (ont) supervisé, exécuté, ou contrôlé l'étape éventuellement litigieuse. Pendant longtemps, on a produit des yaourts, des fruits, des médicaments, que sais-je encore, avec la plus grande conscience professionnelle, et il ne semble pas que les accidents et incidents survenus à l'usage de ces produits, pendant ces époques bénies, aient été plus fréquents ou plus graves que ceux qui surgissent aujourd'hui ici et là. La conscience professionnelle suppléait à l'absence (relative) de l'exigence de traçabilité. Cette tendance à vouloir tout maîtriser nous vient tout droit des Etats Unis, pays dans lequel les avocats sont à la recherche de tout ce qui peut être exploité par de possibles justiciables pour engranger de l'argent, et qui contraint les industriels à prendre un maximum de précautions pour se prémunir de ces prédateurs juridiques.
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Une fois que j'ai dit cela, je n'ai sans doute pas fait beaucoup avancer les choses, mais il est possible que mes réflexions incitent tel ou tel de mes lecteurs à différer l'achat d'un téléphone portable ultraperfectionné qui ne sert à rien qu'à des activités oiseuses, ou à faire preuve de plus d'attention dans l'exécution de ses tâches professionnelles.
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Ainsi, s'il m'a manqué quelques billets pendant ce mois de janvier, j'aurai quand même donné pour son dernier jour un avis qui me tient à coeur.
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9 commentaires:

tippel a dit…

Sans connaissance point de technique nous ne sommes plus a l'âge de la pierre. Quant a vivre de subvention selon le bon vouloir des puissants, c'est oublier que l'homme recherche toujours sa liberté même si elle est parfois très longue à obtenir. La transparence, de la traçabilité est un mal nécessaire dans la mondialisation de marchandises qui circulent si vite sur les divers continents. L'homme occidental en particulier est un créatif impénitent on ne l'arrêtera pas, pas plus qu'on ne pourrait arrêter le mécanisme de l'océan. Mais tout cela, PP le sait.

olibrius a dit…

Pour faire suite à tippel et dans un autre ordre d'idéee, il m'arrive de temps à autre à me sentir comme ce que vous dénoncez dans votre premier paragraphe et ce, vis à vis, de vous.
Aie,aie,aie, PP va se fâcher avec moi. Si c'est le cas je me plaindrais à MF et B. Nah!

Philippe POINDRON a dit…

Cher Olibrius,

Vous bénéficiez sur moi d'un avantage que je n'ai pas : vous me connaissez et moi pas. Cela rend la communication difficile.

Je dis ce que je crois vrai. Le reste m'importe peu. Et il me semble mettre dans mes propos - quoi que vous puissiez en dire - les nuances nécessaires et la distinction indispensable entre les faits (tels que du moins vous et moi pouvons les connaître) et l'opinion que je peux avoir.

"Les deux fléaux de la modernité" ne constituent pas une condamnation de la modernité, mais se bornent à constater que l'évolution de la technique et la sollitation permanente du désir par la publicité (nécessaire à la rentabilisation des investissememnts) conduisent à développer les techniques au détriment de la connaissance, d'une part, et à remplacer en conséquence la nécessaire éducation de la conscience morale par des lois toujours plus nombreuses et souvent inapplicables.

Sentez-vous libre, pour le reste, d'avoir à mon égard les sentiments que vous jugez appropriés. Cela ne m'empêchera pas de vous assurer de mon amitié.

Philippe POINDRON a dit…

Réponse à Tippel.

Cher lecteur, je vous invite à lire avec attention la réponse que j'ai faite à Olibrius. Pour ce qui est de la recherche de la liberté, constat qui est fondamentalement vrai, il est évident qu'il y a bien des moyens de la conduire. Je connais nombre de gens totalement assistés, qui se sentent et sont libres, qui accueillent avec un rare cynisme les multiples aides qui viennent de-ci et de-là, et les utilisent pour faire exactement ce qui leur convient.

Il se trouve qu'en matière de traçabilité, j'ai l'expérience d'un responsable des "Standard Operating Procédures" dans une petite entreprise de recherche sur contrat (CRO) qu'avec quelques collègues, nous avions créée sur le Parc d'Innovation d'Illkirch, Neurofit, pour la nommer. En cette matière, il y a des exigences méthodologiques qui font sourire... Je me suis efforcé de les suivre avec une précision qui vous étonnerait. Je sais donc de quoi je parle.

Quant à la mondialisation, qui se généralise, il est peut-être intéressant de la questionner, et de porter sur elle un jugement critique (au sens où les grecs l'entendaient). Son extension à la Chine, par exemple, introduit dans ce pays une exploitation incroyable des pauvres ; nous en profitons en achetant une paire de chaussettes ou un slip, fabriqués en Chine, à moins d'un euros, pendant que des paysans "mingong", chassés de leurs terres, exploités dans les usines de SHANGHAI ou ailleurs, crèvent de sommeil, d'épuisement et de misère, pour assurer notre pouvoir d'achat.

La créativité de l'homme occidental moderne me semble devoir être mise très sérieusement en question. Elle n'est plus tournée vers le bien de tous, elle n'a plus cette vertu universaliste qui a fait sa force et en a été le moteur. Elle est consumériste et mortifère.
Bien amicalement

Philippe POINDRON a dit…

Toujours à Olibrius,

Pour en revenir aux sentiments que vous pourriez avoir, ou plus exactement au ressenti que vous avez vis-à-vis de moi ou de mes propos, je ne suis pas certain d'avoir compris ce que vous voulez dire. Car le premier paragraphe de ce billet me paraît assez neutre et dépourvu de toutes connotations positives ou négatives sur quoi que ce soit. Si vous faites allusion au premier paragraphe du billet d'hier sur les principes qui font bon ménage avec ceux qui les violent, alors j'aimerais avoir des explications.
Amitiés.

olibrius a dit…

cher PP
Je n'ai aucun mauvais sentiment à votre égard. Je l'ai déjà dit, c'est ce que j'appelle votre absolutisme, la sensation que j'ai et qui m'est donnée par vos mots de "toujours avoir raison", l'obnubilation envers tout ce qui est un peu rose (ce qui emmène certains de vos partenaires à être presqu'extrémistres à droite via leurs écrits naturellement) donc tout cela m'écrase un peu surtout lorsque c'est trop intello et qu'il y a nombre de mots et/ou expression que je ne comprends pas.

Je vous connais oui,combien de^pistes vous ai-je laissé pour que vous avanciez dans ma découverte et puis si vous ne trouvez pas ... c'est de votre faute.

Bien amicalement naturellement.

olibrius a dit…

A l'aide! Au secours!

Je viens de m'apercevoir qu'il y une petite poubelle sous mes derniers messages. Sont ce les chinois qui sont sur ma trace?

Philippe POINDRON a dit…

Cher Olibrius,

Il n'y a aucun absolutisme dans mes propos. Si je tape sur le PS, c'est que j'enrage de voir qu'il ne joue pas son rôle d'opposant et qu'il se borne à critiquer la surface des choses, alors qu'il y aurait tant à dire sur les fondements idéologiques de certaines décisions du pouvoir actuel. Il se contente de débiter des lieux communs, glanés dans les manuels d'économie politique du XIXe siècle. A plusieurs reprises, faut-il que je vous le rappelle, j'ai indiqué que l'analyse économique de MARX était tout à fait pertinente (du reste ce billet le montre). Simplement, ni lui, ni ses supporters ne vont au bout de leur conviction, pas même Olivier BESANCENOT. Je maintiens que le progrès technique effréné est le meilleur agent de promotion de l'exploitation des salariés. Curieusement, mais je ferai un billet, personne n'analyse la situation économique des artisans et des professions libérales qui ne doivent qu'à leur travail leur moyen de vivre et qui, par leurs économies et leur épargne, dégage justement une plus-value qui leur permet d'assurer et leurs vieux jours, et l'entretien de leur outil de travail.

Quant à l'extrême-droite dont vous insinuez ou supposez ou hypothétiser que je pourrais être le suppôt, je lui laisse l'entière responsabilité de ses appréciations de mes billets. On peut, sans être d'extrême-droite, tenir un discours cohérent, sensé et moralement fondé, sur les limites de l'immigration, sur le droit à une patrie, et sur le respect que les accueillis doivent à ceux qui les accueillent. C'est bien là tout le piège qu'a tendu monsieur MITTERRAND à notre pauvre patrie. Qu'on ne vienne pas se plaindre, le jour où l'on se verra imposer des lois, des moeurs et des coutumes que nous ne voulions pas.
Amicalement.

olibrius a dit…

Mais cher PP. Je suis à plat ventre!!!! Vous n'avez absolumet pas compris ce que j'ai écrit, bien sur que vous n'êtes pas tout ce que vous dites edans votre réponse. Mais cela prouve que si moi il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas de vous c'est pareil dansl'autre sens. Ah là là phiphi!!!