dimanche 8 mai 2011

Il a dit la vérité

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Qui ne se souvient de la chanson de Guy BEART (je cite de mémoire le titre) : Ce jeune homme a dit la vérité, il doit être exécuté. C'est sans doute pour n'avoir jamais cessé de dire la vérité, de la rappeler, de la clamer que Jean CLAIR, Conservateur général du patrimoine fut taxé de fasciste et traité aujourd'hui encore de réactionnaire.
J'ai lu avec passion l'interview de cet homme de culture qu'a conduite avec beaucoup d'intelligence et de respect Josyane SAVIGNEAU et que Le Monde a miraculeusement publiée dans sa livraison datée du samedi 7 mai. Comment cela a-t-il pu se faire ? Il ne semblait pas être introduit dans les bonnes sphères de la rédaction du journal.


Question : vous parlez de "L'hiver de la culture" (Flammarion, Paris, 2011), ce qui suppose un printemps à venir, or vous décrivez une dévastation.

Réponse : NIETZSCHE avait le sentiment de vivre son temps comme un "automne de la culture", une apocalypse de la modernité et une interminable catastrophe, une plénitude à laquelle la guerre de 1914 viendra mettre fin. Ce que nous vivons aujourd'hui, en cet autre tournant, est un temps de glaciation, de gel des sentiments et des idées. Pourtant j'ai le sentiment parfois que la génération actuelle, acide et désenchantée, est en train de se forger des armes assez puissantes pour casser ce pack glaciaire où la culture s'est prise en culturel marchandisé.


Question : Comment voyez-vous ce "culturel" que vous dénoncez ?

Réponse : La volonté de culture a cessé d'être un mouvement transcendant - que ce soit la foi envers les dieux, l'appétit du savoir des Lumières, la spiritualité ou bien encore un idéal révolutionnaire. En un mot, l'aspiration à un monde supérieur [...], qu'il soit d'ordre divin ou d'ordre social a disparu. Reste le culturel comme divertissement profane, éphémère, trompeur et décevant. Je semble railler les foules qui se pressent aux expositions, mais il ne s'agit pas d'élitisme : je me demande, inquiet, ce que ces gens innombrables attendent de la vision d'une oeuvre.


Question un peu longue et qui porte sur la situation matérielle des artistes contemporains.

Réponse : Beaucoup de grands artistes meurent aujourd'hui inconnus. Cela fait quarante ans que je fréquente leurs ateliers. A côté des rares qui sont reconnus, muséifiés, mercantilisés et qui atteignent des cotes extravagantes, il existe tout un monde d'artistes de grande valeur qui n'ont jamais été reconnus et qui meurent dans la misère. Quand je dis cela, on me prend pour un fou qui croit aux "artistes maudits". Mais la situation est pire, car à l'époque de VAN GOGH, CEZANNE ou GAUGUIN, il y avait de grands collectionneurs comme EPHRUSSI pour MANET par exemple.

Et un peu plus loin Jean CLAIR parle de ces "nouveaux riches sans culture et sans goût, un milieu étroit de spéculateurs qui ne collectionnent pas pour le plaisir mais pour afficher un statut social, avec une nécessité de rentabilité à court terme qui n'a jamais existé en art. Ils exposent, non sans morgue et mépris, leurs collections dans des sortes de showrooms comme on le fait dans le domaine de la mode. Et quand les musées entrent dans ce système pour accorder leur caution publique, on est près de la fin"




Bonjour monsieur AILLAGON ! Vous avez bien dormi, vous qui ne cessez de défigurer le château de VERSAILLES avec des expositions d'art contemporain ignobles, d'artistes très connus et très cotés certes mais dépourvus de tout talent ? Bonjour monsieur Yvon LAMBERT. L'exposition dans votre showroom d'AVIGNON et son Piss Christ est-elle rentrée dans ses frais grâce à l'attrait du scandale et aux soutiens des imbéciles qui l'ont subventionnée ? Bonjour monsieur Frédéric MITTERRAND : heureux d'être l'objet de l'adulation intéressée de moults quémandeurs en quête de mécénat public, et qui ne peuvent gagner leur pitance auprès des gens de goût en raison de leur manque absolu de talent ? Que voulez-vous, tout le monde n'est pas Louis XIV, tout le monde n'a pas le talent des génies que le goût du roi soleil avait su détecter. Bonjour tous les critiques d'art qui rendez compte avec un pathos désespérant et un amphigouri pathétique de ces expositions où des vieux vêtements agités par des ventilateurs sont présentés comme des sculptures dynamiques. Tout cela serait risible si ce ne cachait une situation désespérante, un déni de justice à ceux que la naissance n'a pas fait baigner dans une culture classique, un goût formé, un attrait irrésistible pour les oeuvres des génies, un discernement infaillible entre le tape-à-l'oeil et le cri venu du fond des entrailles et du coeur d'un véritable artiste.


Poursuivons encore au risque de vous lasser.


Question : Que pensez-vous de de la tendance à utiliser les excréments, le sang, le sperme, etc. ?

Réponse : Avec le goût de l'abjection, de l'immonde, la fascination pour les humeurs corporelles senties et goûtées telles quelles, une esthétique du dégoût semble avoir pris la place de l'esthétique du goût qui aura dominé l'art de ses origines jusqu'aux théoriciens de l'esthétique. La position de l'artiste contemporain "tout-puissant", c'est celle de l'enfant qui impose aux autres la vision de ses excréments.


On ne saurait mieux dire. Et si ce n'est pas au nom de l'offense faite à l'image du Christ qu'il fallait protester contre l'infâme exposition d'AVIGNON (Bonjour madame ROIG, salut monsieur VAUZELLE), c'est au moins en raison de celle dont on blessait le goût qu'il fallait le faire.


Et Jean CLAIR conclut cet entretien par une mélancolique réflexion, qui va dans le sens de ce ROUGEMER disait dans l'un de ses commentaires sur la décadence de la société rurale française :

"Je suis revenu [sur les lieux de mon enfance] pour vérifier que le milieu rural dont je venais avait un jour existé. Quand je vivais là, les paysans étaient 52 % de la population. Aujourd'hui, 3 % à 4 %. Une telle disparition m'a sans doute poussé à changer de nom pour écrire."


Jean CLAIR a le noble profil d'un sénateur romain, des yeux profonds qui regardent légèrement vers le ciel, perdus qu'ils sont dans la contemplation d'une beauté constamment attaquée par les imbéciles de tous poils, par les parvenus qui nous empoisonnent la vie, et par ces parasites dépourvus du moindre talent qui hantent les ministères à la recherche d'une commande alimentaire, avec pour seul résultat l'encombrement de l'espace public par du laid, du vulgaire, de l'archi-nul, de l'in-sensé (au sens étymologique). Il est grand temps de donner un coup de pied dans la termitière. Vite, lisons le livre de Jean CLAIR pour renforcer notre décision de résister et de lutter contre tous ces ravageurs.

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