mercredi 27 juillet 2011

La France

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Comme souvent je le fais, je suis aller rendre visite très tôt ce matin au box dans lequel je range les milliers de livres qui ne peuvent prendre place dans ma bibliothèque, un box où j'ai aussi entreposé une magnifique cisaille qui me sert à couper les cartons destinés à la reliure. J'avais emporté avec moi le Tome 4 de l'ouvrage (fort rare), publié en 1858  par le père HUC et intitulé Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet qui me servirait de gabarit pour couper deux cartons aux bonnes dimensions et que je destinais à la reliure du Tome 1, encore broché. Je le feuilletais machinalement tout en attendant le métro qui m'emporterait jusqu'au Pont de Sèvres. Et puis mon attention a été attirée par quelques passages de la conclusion que le très connu missionnaire apostolique (comme il se somme lui-même) donne à son ouvrage  monumental.
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Commentant, au chapitre IX, les guerres que les Européens mènent contre la Chine et son peuple, le père HUC dit ceci qui témoigne d'un solide bon sens :
"Nous ne saurions prévoir à l'heure qu'il est quelles seront les conséquences de l'expédition des Européens en Chine ; mais il nous est permit de penser qu'il eût mieux valu pour la France agir seule, pour son propre compte, et sans épouser la querelle un peu compromettante des Anglais. L'année dernière, longtemps avant la prise de CANTON, nous faisions imprimer les paroles suivantes : 'On comprend que la politique de la France et celle de l'Angleterre ne peuvent pas être indissolublement liées dans la question chinoise... Nous avons à demander au gouvernement de Péking des comptes qui ne sont pas de même nature que ceux de la Grande-Bretagne. Nous n'avons pas à sauvegarder dans ces mers lointaines de puissants intérêts mercantiles ; nous n'avons pas non plus à lutter contre le mauvais vouloir et la haine des populations. Pendant que les marchands anglais épuisaient le sol de ces riches contrées et abrutissaient les habitants par le trafic immoral de l'opium, nos missionnaire travaillaient sans relâche à faire germer parmi eux les lois civilisatrices du saint Évangile. Nous pouvons donc nous présenter seuls à ces populations qui nous sont si sympathiques et auxquelles nous n'avons fait que du bien. [...] 
[...]
Au lieu de traiter de ses propres affaires, La France, trop généreuse peut-être, et craignant sans doute de paraître profiter des embarras de l'Angleterre dans les Indes, a jugé opportun de laisser les deux drapeaux également unis dans le Céleste Empire comme ils l'avaient été en Crimée. Nous craignons que cette union n'ait eu pour résultat de nous attirer une partie des rancunes et des haines de la Chine contre les Anglais, et, s'il faut tout dire, ce serait à nos yeux une faible compensation que d'avoir été de moitié avec eux dans la gloire de la prise de CANTON. Dieu veuille que nous n'ayons pas compromis pour longtemps vis-à-vis de la Chine nos meilleurs intérêts, et qu'un jour l'Angleterre ne nous fasse pas regretter notre chevaleresque dévouement à l'alliance."
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Et à la section IV de sa conclusion, HUC ajoutera ceci  qu'il emprunte au journaliste Louis VEUILLOT (L'Univers, 28 avril 1858) : " L'Angleterre est un trafiquant ; la Russie est un despote. Comme celle-là veut de l'or, celle-ci veut veut des âmes ; le Christ qu'elle adore [Note du transcripteur : il s'agit ici de la Russie] n'est pas le Christ qui s'est donné à tous les peuples ; c'est le sien, le Christ dont elle est le pontife, dont son empereur se proclame l'unique vicaire ; et la croix, devant laquelle elle veut incliner le genre humain n'est que la poignée de son épée. si la Russie arrache l'univers au pape trafiquant, qui vend du poison enveloppé dans les feuillets d'une bible empoisonnée [Note du transcripteur : comprenez les Anglais, la guerre de l'opium, et leurs missionaires protestants, comme LEGGE, par exemple], elle voudra imposer son pape à cheval, entouré d'armées plus que barbares, entouré d'espions, de savants et de bourreaux, et sur la couronne duquel, au lieu de la colombe, planera l'aigle à deux têtes pour dévorer tout, comme la croix a deux bras pour tout embrasser. L'Anglais dit au reste du monde : Vis pour m'enrichir ; le Russe lui dira : Vis pour m'adorer [...].
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En un moment où madame Eva JOLY fait des propositions contestées, où l'on semble confondre patriotisme et extrémisme, où l'on se triture les méninges pour savoir sur quoi repose l'identité de la France, il est intéressant de retrouver dans ce passages des mots, des idées, des ardeurs qui me semblent bien être ceux de notre peuple encore aujourd'hui : le refus du mercantilisme, une large ouverture au monde, un désintéressement chevaleresque, un respect des alliances nouées, allât-il contre l'intérêt matériel de la patrie, le sens de l'honneur. Voilà ce qu'il fallait dire messieurs les gribouilles qui avez torpillé le débat sur l'identité nationale. Car ce débat vous aurait révélé que les valeurs qui fondent notre patrie, notre vouloir vivre ensemble sont précisément celles que vous vous efforcez de confiner dans l'espace privé. Que voulez-vous, même déchristianisée, même laïcisée, même boboïsée, la France vit encore sur son antique foi en Jésus-Christ. Pour combien de temps encore ? Du train où vont les choses, on peut s'interroger. Mais il y en a des qui résistent.
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