J'ai croisé ce matin, sur le boulevard Saint-Michel, des étudiants qui distribuaient des tracts pour expliquer le sens de leur grève. Eh bien, je dois avouer que je me suis mis en colère et que je les ai laissés interdits par la violence de ma réaction. Il faut dire qu'ils étaient mal tombés. En somme, ce qu'ils veulent c'est qu'il y ait une égalité absolue entre les diverses Universités françaises, qu'il n'y ait entre elles aucune concurrence, que les meilleures d'entre elles ne soient pas présentées comme telles. Et qu'elles finissent par crever de l'égalitarisme. C'est d'une rare hypocrisie, c'est d'une rare bêtise, et c'est en plus d'une rare incohérence. Je vais m'en expliquer.
Hypocrisie. Croient-ils vraiment que l'enseignement de la physique à la prestigieuse Université de Grenoble ait exactement la même valeur que le même enseignement dispensé à l'Université de... allez, pour ne fâcher personne, je vais dire de SAINT-CUCUFA. Celui qui a eu la chance d'avoir pour professeur de Biochimie Paul MANDEL, de regrettée mémoire, est certainement l'un des plus motivés, des mieux formés qui se puisse imaginer dans l'univers de la Biochimie française. Tous les étudiants n'ont pas eu BERGSON comme professeur de philosophie. Ainsi, de par son corps enseignant, une Université a un visage et une identité à nuls autres pareils. Dire le contraire est de la pure hypocrisie.
Bêtise. Refuser l'autonomie des Universités, c'est retomber dans un centralisme intolérable. Il y a vingt ans, une Université ne pouvait pas acheter une machine offset sans l'accord du Ministère. Est-cela que veulent nos contestataires ? Et pourquoi faudrait-il que l'Université de Strasbourg se prive de l'aide de la grande industrie pharmaceutique pour développer, dans le cadre du pôle de compétitivité Innovation thérapeutique, ses activités de recherche, qu'il serait IMPOSSIBLE de développer ailleurs ?
Incohérence. Dans un monde qui ne jure que par la liberté individuelle, et qui admet comme un fait scientifique avéré ce qui n'est qu'une théorie (l'évolution ; voir mon précédent billet), il faudrait donc éviter, allant contre le sens de la vie, une compétition qui permettrait de développer les meilleurs au détriment des moins bons. Il faudrait de plus admettre que la supériorité manifeste d'une Université dans un domaine particulier (A Strasbourg, par exemple, la Chimie supramoléculaire dirigée par le Pr Jean-Marie LEHN, Prix Nobel de Chimie ; ou la Génétique animée par le Pr Jean-Louis MANDEL, également Professeur au Collège de France), vaut pour tous les autres domaines. C'est bien évidemment faux. Ainsi, chaque Université a ses domaines d'excellence et il lui revient avec son corps enseignant, ses étudiants, les acteurs économiques et politiques locaux, de les identifier, de les promouvoir, et d'attirer les meilleurs étudiants dans ses meilleures filières. Pour cela, il nous faudrait des jeunes gens et jeunes filles qui habitent leur vie, aiment le risque, ne soient pas vieux avant l'âge, croient en leurs talents personnels, et participent avec enthousiasme à la vie collective de leur établissement. Nous crevons de manque d'ambition, nous ne nous donnons pas les moyens QUALITATIFS (évaluation, tutorat individualisé, parrainage de groupes d'étudiants par telle figure de proue de la région, sélection, mais oui, à condition d'admettre que tout un chacun a des talents irremplaçables qu'il lui faut d'abord identifier ET valoriser, etc.) de la réussite de nos Universités. Ce que veulent nos étudiants est tout le contraire de ce qu'il faut faire. Souvent, ils veulent bachoter le dernier mois de l'année académique, faire la fête tout le long des jours qui précèdent le bachotage, passer un examen en une fois pour s'en débarrasser, et ne rien inscrire dans la durée de leur formation universitaire. C'est du moins l'impression que donne l'examen de leurs "revendications". Elles reflètent en vérité des préoccupations politiques ; elles sont alimentées en sous-main par les chefs de l'opposition dont les objectifs sont à la hauteur de ceux du régime de Vichy : la sécurité avant la vie, la protection avant le progrès, quelle qu'en soit le prix, y inclus la dégringolade de notre patrie. Ils comptent sans doute sur monsieur ZAPATERO, monsieur PRODI ou monsieur BROWN et tous les socio-démocrates européens pour nous sortir de notre médiocrité ? Je crois qu'ils peuvent encore attendre longtemps. Leurs collègues, eux, n'ont pas pris cette direction mollassonne et indigne d'un grand pays.
Je les accuse formellement de vouloir transformer notre jeunesse en une masse d'assistés qui un jour réclamera une carte Vitale pour payer sa nourriture, son logement et ses habits et considérera que ses revenus doivent être consacrés aux seuls loisirs. Ils veulent les transformer en petits vieux avant l'âge ; je crains fort qu'ils n'y réussissent.
Grâce au ciel, je pourrais donner dix exemples de jeunes qui se sont bien gardés de les écouter et qui ne s'en portent pas plus mal !
2 commentaires:
Finalement on en revient toujours à ce principe (eh oui, même si ce terme est malheureusement de plus en plus gâché par une connotation négative, rétro, dépassée etc.) - donc à ce principe de base que le fondement de tout, la vérité, la valeur ( misère! encore un autre mot dévalorisé...) du gouvernement ou de la gouvernance de chaque entité ou cellule humaine et sociale résident dans la personne qui en est le moteur.
Cela paraît évident et vérifiable : même si le chemin de l'apprentissage est long et en fait il ne s'arrête jamais, pourquoi alors s'arrêter et se bloquer en premier lieu tout le temps sur les structures et l'idéologie du "changement" ( = un idéal qui est présenté comme la panacée de tous les problèmes : il faut "changer" et ça ira mieux...)? - alors que la première étape constitutive de tout progrès (normalement une avancée)est issue de l'intelligence, du coeur de la personne qui agit, surtout dans l'exercice de son métier si elle a la chance d'en avoir un -ou / et de ses tâches dites domestiques.
N'est-ce pas là le premier "travail " , à considérer aussi bien dans l'ordre de la priorité comme celui de l'importance, plutôt que de proposer sans cesse de travailler uniquement pour consommer?
Ce ne sont pas que de belles idées mais un vrai programme.
Cher lecteur,
Encore des remarques de bon sens, justes et profondes, qui viennent compléter ce que j'ai dit d'une manière peut-être polémique. Mais j'ai fréquenté les universités allemandes, suisses et belges, et puis vous dire que nous en sommes loin quant à l'organisation, la gouvernanc et la liberté d'action.
Nous continuons de crever de l'idéologie qui confond les systèmes d'idées et le réel. Et ça continue.
Il n'est de richesses que d'hommes. Choisissons pour nos Universités les meilleurs enseignants, et pour cela, utilisons l'autonomie gagnée récemment, enthousiasmons nos jeunes par un enseignement à la pointe de la recherche, en les écoutant, les conseillant, les aidant et les sanctionnant le cas échéant. Faisons-leur confiance, développons le travail en équipe, les recherches personnelles. Tout le reste est de la littérature et relève de la lutte idéologique stérile qui nous détruit depuis des décennies.
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