samedi 6 mars 2010

Art contemporain à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts

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Admirable exposition à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts ; elle est consacrée artistes flamands de l'époque baroque. Logée au Cabinet des dessins Jean BONNA, elle offre à nos regards émerveillés des dessins de Van DYCK, de RUBENS ou de JORDAENS, entre autres. Puisés dans le fond des quelques 500.000 dessins, gravures et photos de l'école, ils ont été choisis avec soin ; ils ne sont pas nombreux, une trentaine au plus, et l'on peut ainsi admirer à loisir des dessins préparatoires à des tableaux monumentaux, le portrait d'un archiduc d'Autriche de toute beauté ou des études de mains, des paysages, des scènes mythologiques ou religieuses. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus, la vigueur du dessin et de la touche dans les esquisse préparatoires, les jeux d'ombre et de lumière qui font chatoyer le soyeux d'une soie ou la douceur d'un velours, l'harmonie des compositions, dans les dessins achevés. Bref une splendeur.
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Ragaillardi par cette visite, on peut se promener sous la grande verrière du palais des Études, fort bien restaurée, se perdre dans le cloître adjacent à la cour Bonaparte ou rêver sur le perron qui monte au Palais des Études.
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Patatrac ! On a la curiosité de prendre le programme culturel proposé par l'École pour le mois de mars. C'est là que les choses se gâtent. On apprend, par exemple, que le 9 mars à 17 heures, il y aura une projection-rencontre autour des films L'impossible - Pages arrachées, 3e partie ou La lutte de l'homme pour sa survie. Jusque-là, rien à dire. Mais il faut aller au commentaire. Le premier des films est ainsi commenté : Paris. manifestations du 19 mars 2009. Fonctionnaires, étudiants, précaires, immigrés sans papiers, chômeurs, retraités... battent le pavé. Jusqu'à ce que celui-ci brûle, entre rage et colère, et que des voix se délivrent en s'inscrivant dans le temps. Jusqu'à ce que l'Etat réprime avec violence et arbitraire, et que soient condamnés des corps-nègres, innocents. Le second film, 12ème épisode de La lutte de l'homme pour sa survie, malgré tout encore plus loin traite, je cite, des révoltes étudiantes dans les années soixante-dix de par le monde.
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Alors on s'interroge, et l'on devine comment est manipulée l'opinion par les agents culturels de l'Etat. On commence par mettre sur le même plan les étudiants, les précaires, les immigrés sans-papiers, etc. qui n'ont en commun que leur rancoeur contre un régime qui n'en fait pas assez, selon eux, pour leur permettre de réaliser leurs désirs personnels. On passe ensuite à la condamnation de la violence de l'Etat, de son arbitraire, de sa répression aveugle, et l'on transforme le tout en une lutte légitime des prolétaires (que l'on ne nomme pas) contre les bourgeois (assimilés à l'Etat). Moi j'aurais aimé que l'on projette aussi, par esprit de justice, un film sur le monde paysan ; les suicides de désespoir y sont dix fois plus nombreux que dans la population générale. Ou encore que l'on nous montre la lutte des artisans et des petits entrepreneurs pour leur survie en cette période de crise. Mais ils ne sont pas salariés, et ne doivent qu'à leur travail la possibilité de vivre. Il n'entre pas dans la catégorie des exploités. Un fonctionnaire pourtant aura toujours sa retraite ; un paysan ou un artisan, ou un entrepreneur, qui y contribuent par leurs impôts, ne sont pas assurés de toucher la leur. Un tel programme dans une institution financée par nos impôts me dégoûte.
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Mais poursuivons la lecture du programme. On est tout à fait intéressé de voir comment des seaux de pompiers sont mis à contribution pour interférer avec des ondes ultrasonores. Le cite : En même temps que [Lucinda Childs] balance les seaux à l'intérieur des faisceaux des ultrasons, les signaux réfléchis des seaux sont mixés au signal original de 70 khz, et la fréquence résultante du son, tombe dans la gamme audible. Ces sons sont transmis aux douze hauts-parleurs situés autour de l'Armory. La chose est filmée, mais je suppose que l'on veut faire aussi de la musique aléatoire.
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Il se peut que l'artiste ait une intention artistique. Mais celle-ci me paraît tellement alambiquée, elle est si peu accessible au commun des mortels, elle est tellement artificielle, qu'elle perd ce qui est un élément constitutif de l'oeuvre d'art : la volonté de transmettre une émotion, certes, mais dans un contexte de simplicité et d'intelligibilité. S'il faut sortir d'une grande école d'acoustique pour comprendre ce travail, alors ce n'est plus de l'art, c'est de l'ingénierie.
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Je ne puis que rappeler ce que Marcel De CORTE dit dans un ouvrage que j'ai déjà évoqué dans d'anciens billets, L'intelligence en péril de mort :
"Avec ses faux airs sublimes, son pharisaïsme, sa béate élévation de pensée et de coeur, sa tartuferie dont la profondeur est telle qu'elle s'ignore elle-même, l'idéalisme dont meurt l'intelligence moderne est sans doute le plus grand péché de l'esprit.
Sa gravité est d'autant plus nocive qu'elle est contagieuse. On n'a pas assez remarqué que l'idéalisme - et ses suites - s'apprend, tandis que le réalisme et sa réceptivité active à toutes les voix du réel ne s'apprend pas. L'idéalisme s'apprend parce qu'il est un mécanisme d'idées fabriquées par l'esprit et qu'il est toujours possible d'enseigner tel un art manufacturier, un recueil de procédés et de recettes. L'idéalisme est une technique qui vise à emprisonner la réalité dans des formes préconçues, et le propre de toute technique est d'être communicable."
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C'est pourquoi l'Ecole des Beaux Arts a formé tant de rapins et si peu de génies... Réfléchissez, je vous en prie, au texte de De CORTE, et voyez comment il s'ajuste comme un gant au programme culturel de cette prestigieuse institution.
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