jeudi 18 mars 2010

La laïcité est une croyance...

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Il y a quelques jours, je faisais allusion à un ouvrage fort intéressant de Cynthia FLEURY, intitulé Les pathologies de la démocratie. Elle tient sur la laïcité des propos qui me paraissent devoir être relevés et critiqués. Les voici :
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"Valeur de l'âge adulte, la laïcité l'est, de par notamment ce goût de la grandeur qui n'est pas celui du grandiose, mais qui demeure celui d'une certaine dignité et noblesse de l'esprit. Une culture de l'autonomie. En ce sens, pour les Français, lui préférer une laïcité dite ouverte, ce serait presque choisir de régresser en se maintenant dans un infantilisme déguisé qui consiste à préférer l'équivalence des idéologies à leur mise à nu (hautement plus déroutante) et à privilégier l'attachement avec (sic) la famille ou avec la communauté. Pour ceux qui sont issus de la tradition française, la laïcité à l'anglaise, appliquée soudainement en France, ressemblerait davantage à une règle de gestion des communautarismes, voire le choix de l'affect et de l'émotion contre celui de la raison. Ce refus de l'affranchissement idéologique pourrait alors masquer celui de grandir. C'est comme si toute une société se donnait un blanc-seing pour ne pas sortir de l'infantilisme. Grandir c'est d'abord se détacher, des siens et des autres, etc."
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Quelques lignes plus loin, l'auteur reprend en citant Michel FOUCAULT (L'herméneutique du sujet) : "L'enseignement est toujours 'Une critique du milieu familial, non pas simplement dans ses effets éducatifs mais [...] par l'ensemble des valeurs qu'il transmet et impose, c'est-à-dire, une critique de ce que nous appellerions dans notre vocabulaire l'idéologie familiale'."
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Il apparaît que la philosophe, dans ce texte, justifie l'entreprise totalitaire de l'Etat visant à détacher les personnes de leur milieu naturel, celui de la famille, par le moyen de l'enseignement prétendument laïc.
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Mais revenons au texte. En quoi la laïcité serait-elle une valeur de l'âge adulte (sous-entendu, il faut le dire par honnêteté, de la démocratie moderne et de l'homme adulte, mais exprimé dans un contexte tel que cela revient à sous-entendre l'infantilisme de toute croyance) ? A voir le nombre croissant d'adultes qui se convertissent, souvent, mais non exclusivement, au christianisme, on peut supposer qu'empêcher les jeunes élèves de trouver du sens à leur vie autrement qu'en analysant l'idéologie républicaine, aboutit à atomiser encore davantage la personne, réduite alors à la dimension de l'individu, et que, l'homme étant ce qu'il est, et cherchant du sens à sa vie, il est amené un jour à se poser les questions essentielles que l'enseignement refuse de poser à son bénéfice. Il serait juste, et scientifiquement fondé, d'étudier les effets de cette soi-disant et prétendue supériorité de la laïcité à la française sur les comportements civiques, sociaux et moraux.
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Continuons. Où Cynthia FLEURY voit-elle un goût de la grandeur dans la laïcité ? Une certaine dignité et noblesse de l'esprit, comme si une autre croyance n'embrassait pas ces perspectives ? La laïcité peut avoir de la grandeur, en effet, si elle s'appuie sur le stoïcisme. Il n'y a rien de tel dans les propos que je critique, même si on peut par sympathie pour l'auteur, imaginer qu'elle le sous-entend. Et en quoi les croyances seraient-elles des idéologies qu'il conviendrait d'opposer à la laïcité qui n'en serait pas une, et auxquelles il conviendrait de faire échapper les élèves ? Est-ce pour leur bonheur ? Mais pourquoi l'Etat se mêlerait-il du bonheur spirituel et intellectuel des citoyens, si ce n'est dans un but de contrôle social ? Et en quoi l'affect et l'émotion, composantes essentielles du psychisme humain, devraient-ils être évacués de l'enseignement (tout à fait théoriquement, seulement dans les mots ; il faut entendre l'émotion qui connote le discours du tenant de la laïcité à la française) ? Et si c'était là une des clés de l'échec scolaire que ce froid rationalisme ? "Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas", ne l'oublions pas.
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Mais les propos les plus dangereux sont ceux qui portent sur la famille. L'Etat contrôle la manière dont les parents s'occupent de la vie matérielle et de la santé de leurs enfants : PMI, vaccination, enquêtes sociales, lois et règlements, etc. Il sait condamner les parents qui ne traitent pas bien leurs enfants. Il reconnaît donc que ceux-ci ont une obligation à l'endroit de leur progéniture. Mais l'Etat, par l'enseignement viserait à ôter à ceux-ci le droit parfaitement naturel de leur transmettre des valeurs qu'ils jugent bonnes pour leur bonheur ? En quoi l'Etat serait-il mieux placé que les parents pour remplir cette tâche ? Et en quoi cette transmission serait-elle une idéologie familiale ? Ce serait vrai si cette transmission était érigée en système général dans lequel on ferait rentrer l'enfant.
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Si la laïcité ne voulait point prendre cette position surplombante et qu'elle s'examinât au même titre que les autres croyances, je croirais en l'honnêteté de son objectif. Jamais il n'y a eu sur la laïcité d'enseignement critique voulu par l'Etat. La valeur est imposée, sanctifiée, mythifiée. La laïcité est une croyance comme une autre. A ce titre elle mérite d'être interrogée comme toute religion. Au combat de la comparaison avec l'enseignement de Jésus, je doute fort qu'elle gagne.

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