vendredi 12 mars 2010

La maladie de ma patrie

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Depuis plusieurs jours, je réfléchis à la maladie qui frappe ma patrie depuis des décennies, une maladie de langueur, de méfiance et de désespoir. Comment se fait-il que la France ait été le pays le plus puissant et le plus peuplé d'Europe, que sa langue ait été parlé par les élites intellectuelles et politiques de l'Europe entière, qu'il eût été impensable pour elles de ne pas écrire un français non seulement correct mais aussi élégant, qui avait la marine la plus puissante d'Europe, (cette marine dont un voyageur anglais disait pendant les heures sombres de la Révolution que ce que la Grande-Bretagne n'avait pu faire depuis des années, surpasser notre marine, la Révolution l'avait fait en deux ans qui l'avait anéantie), des écrivains, des voyageurs, des savants admirés et connus de tout le monde occidental et même en Chine, comment se fait-il qu'elle soit tombée si bas ?
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Avant de voir les causes, il convient peut-être d'examiner les faits. Avant la Révolution, en France en tout cas, un aristocrate ne pouvait se livrer au commerce ou à l'industrie sans déroger, c'est-à-dire sans perdre sa qualité de noble. Il se devait tout entier à la mise en valeur de ses terres, et nombre d'aristocrates de province l'ont fait avec compétence, humanité et au prix d'un travail acharné. Il suffit, par exemple, de se référer aux délibérations des Etats du Languedoc et aux actes officiels du gouverneur de cette province pour s'en assurer. Cela n'empéchait pas que les pouvoirs publics investissent dans de gigantesques travaux publics (gigantesques pour l'époque) : le canal du midi en est un exemple marquant, mais avant lui, les salines d'Arc-et-Senans par exemple encore. Bien entendu, il y avait une noblesse de cours, faite de courtisans parfois incapables, souvent paresseux, mais cependant toujours courageux à la guerre. Je possède un livre qui recueille toutes les lettres de démission de l'armée d'officiers nobles, qui ne pouvaient accepter de voir Louis XVI traité avec tant de mépris. Ces lettres sont toutes plus superbes les unes que les autres : dignes, respectueuses, et souvent désespérées.
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Vient la Révolution. Faite par les bourgeois qui excitent le petit peuple, elle bénéficie à ses instigateurs. Les spéculateurs accaparent les biens nationaux et édifient sur leurs débris des fortunes gigantesques. Chevaliers d'industrie, esprits souvent réalistes et entreprenants, dépourvus de tous scrupules sociaux, moraux ou religieux, ils se lancent dans les affaires : ce sont eux qui avec le développement industriel, créent le prolétariat. A cet égard, il est intéressant de noter que les ouvriers/artisans anglais s'étaient révoltés, bien avant la Révolution lorsque certains de leurs concitoyens avaient introduit dans leur petite entreprise les métiers à tisser pour augmenter la productivité et diminuer le nombre de leurs employés. Il est intéressant de noter aussi que c'est l'armée de la bourgeoisie "libertine" qui a écrasé la révolte des canuts de Lyon. Et savez-vous ce qu'ils réclamaient, les canuts de Lyon ? Le retour au Tarif Minimum de l'Ancien Régime qui leur garantissait un revenu minimum. La loi Le Chapelier était passée par là ; il n'y avait plus de syndicats, plus de corporations, l'employé était devenu ouvrier, livré au bon vouloir de son patron. On peut dire objectivement que la Révolution Française, tellement exaltée par nos beaux esprits, a créé les conditions objectives de l'exploitation de l'homme par l'homme, en détruisant les fondements sociaux, moraux et religieux d'une société essentiellement agricole.
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Réaction tout à fait normale, naissance du marxisme et du concept de la Lutte des Classes. Dans une perspective anhistorique, on approuve et on comprend ; dans la perspective marxiste du sens de l'histoire et de l'engendrement strictement déterminé d'une société par la société existante, cela se comprend aussi. Mais ces deux perspectives sont fausses. La première manque de profondeur. La seconde de liberté : elle revient à dire que, hormis la révolution violente, ultime avatar du développement historique, l'homme ne peut rien modifier à sa situation.
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Bien entendu, un moyen d'échapper à ce dilemme, c'est l'illusion démocratique dans laquelle nous vivons aujourd'hui, illusion qui nous fait tant de mal. Attention, la démocratie est le seul régime politique qui convienne à la société contemporaine, en son état actuel. Là-dessus, je ne ferai aucune concession. Encore faut-il que ce soit une vraie démocratie. L'illusion démocratique consiste à faire croire au peuple que la majorité des opinions est la seule qui puisse conduire la vie politique, alors que le beau, le bon, le vrai, sont les seuls éléments qui doivent être pris en compte dans la conduite des affaires [modification de cette phrase à la suite des remarques d'un lecteur]. L'illusion démocratique consiste à faire croire au Français qu'ils peuvent vivre mieux, avoir plus de pouvoir d'achat en travaillant moins, avoir des conduites personnelles irresponsables dont la société prendra en charge les conséquences néfastes. Elle consiste aussi à faire croire qu'il est normal que des banquiers gagnent des fortunes alors qu'ils ont par leur spéculation et leurs folies conduit l'économie mondiale au bord du gouffre, qu'il est normal que les industriels distribuent la quasi totalité des profits de l'entreprise aux seuls actionnaires, alors que la valeur capitalisée est largement tributaire du travail des salariés, etc.
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MONTESQUIEU disait que le régime monarchique est fondé sur l'honneur, le régime despotique sur la crainte, et le régime républicain sur la vertu. L'opposition accuse le Président d'être un monarque sans couronne ; mais que faut-il dire des Présidents socialistes de Région, madame ROYAL en tête (qui porte bien son nom), véritables seigneur de leur terre ? Que faut-il dire de ces hommes politiques sans honneur qui changent d'opinion ou de camp au gré de leurs intérêts, et qui condamnent les opinions de leurs adversaires avec mépris et sans autres arguments que celui de la bassesse ? Beaucoup n'hésite pas à dire que nous vivons sous un régime despotique ; mais je ne vois guère la crainte régner parmi les supporters du PSG qui attaquent les CRS ou la police, parmi les escrocs du métro, parmi les fonctionnaires de l'Education Nationale qui refusent de se soumettre à la loi, ou les agents de la SNCF qui font illégalement la grève. Parlons de la vertu, censée gouverner la République ; je la cherche, tel DIOGENE, avec une lanterne. Où que je me tourne, je ne vois que mensonge, manipulations, égotisme exacerbé, recherche de son profit personnel (pas forcément financier, du reste). Nous cumulons le déshonneur, l'irrespect du pouvoir et le mépris de la vertu. Ce régime là porte un nom : anarchie. Je précise que je parle ici de la partie visible de la société, c'est-à-dire tout ce qui est popularisé par les médias qui se repaissent de ces excréments.
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L'Ancien Régime avait bien des travers. Mais l'on n'accusait pas le Roi d'être responsable des effets de la canicule : on s'occupait des anciens, avec rudesse, sans doute, mais on s'en occupait. La solidarité vécue au sein des corps intermédiaires était solide, durable, constante. Et l'on aimait la vertu, au moins comme un idéal de vie, vertu que l'on enseignait dans les "petites écoles" (sorte d'écoles primaires de l'Ancien Régime : il y en avait 18.000 à la veille de la Révolution), dans les "Collèges" (nos actuels Lycées), et dans les Universités. Les choses ont commencé à basculer pendant les Lumières, avec VOLTAIRE, DIDEROT, et tant d'autres, qui pour se faire bien voir des puissants on flatté leurs vices ; ces vices ne demandaient qu'à s'exprimer du jour où l'on a considéré que l'homme était la mesure de l'homme, et que par conséquent tout partait de son nombril. DESCARTES a faut beaucoup de tort à la vertu. Le poisson pourrit toujours par la tête. Et c'est bien ce que nous voyons pour ceux des poissons visibles.
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Heureusement, et je mets là mon espoir, des milliers de Français continuent silencieusement à s'occuper des pauvres, à partager leur temps et leurs biens avec eux, à oeuvrer avec discrétion à l'avènement du véritablement humain dans l'homme. Je ne désespère pas de ces Français là. C'est à eux que nous devons à notre patrie de survivre tant bien que mal.
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Demain, je parlerai de Gérard LONGUET et Malik BOUTIH.

4 commentaires:

Roparzh Hemon a dit…

Cher auteur,

votre long billet d'aujourd'hui est globalement très beau et éloquent, cela justifie
d'autant plus que je relève un petit passage très pleutre :

"alors que le beau, le bon, le vrai, ont aussi leur mot à dire dans la conduite des affaires"

Comment, "leur mot à dire" ? Et Dieu aussi doit avoir droit à son petit bulletin
de vote lors des élections, je suppose ...
Il va de soi que "le beau, le bon, le vrai" doit être le but exclusif dans
la conduite des affaires, toutes les autres considérations devant en
découler.

A wir galon,

E. D.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Roparz Hemon,

Je ne peux me départir d'un grand amour pour les transcendantaux tellement bien vus par saint Thomas d'Aquin. Et dans mon esprit, ces mots ne sont pas plats. En fait, vous avez raison, et j'ai péché par excès de politiquement correct : seul le beau, le bon et le vrai doivent quider l'action politique. Hélas, on en est loin.
Désormais, je serai plus pugnace.
A wir galon.

Romrik a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Romrik a dit…

"FRA-TER-NI-TE!" comme dirait la seigneuresse du comté de Poitou!

L'étudiant rémois, qui se demande ce que signifie: "a wir galon"?
Et ce que sera son bulletin de dimanche car :"Que faut-il dire de ces hommes politiques sans honneur qui changent d'opinion ou de camp au gré de leurs intérêts, et qui condamnent les opinions de leurs adversaires avec mépris et sans autres arguments que celui de la bassesse ?"

PS:"Nous cumulons le déshonneur, l'irrespect du pouvoir et le mépris de la vertu.", je dirais même :nous les cultivons à notre époque.