mercredi 6 juillet 2011

De l'air

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Il est temps de prendre de la hauteur. Quand bien même l'air se raréfie avec l'altitude, il y est plus pur, plus respirable, plus roboratif.
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L'auteur dont je vais citer quelques aphorismes, n'était pas chinois, mais coréen. Il s'appelait YI I (1536-1584). Il fut un des moteurs de la diffusion du confucianisme en CORÉE. Son ouvrage principal, connu depuis peu en France sous le nom de Principes essentiels pour éduquer les jeunes gens vient en effet d'être traduit par Isabelle SANCHO et publié par les Éditions Les Belles Lettres dans sa remarquable collection Bibliothèque chinoise. YI I écrivit en chinois.
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Le chapitre II de son recueil (en réalité sa quatrième section, car il comporte en effet un Commentaire Royal inaugural, puis une Préface de l'auteur, avant le chapitre I et la suite) est intitulé : "Se débarrasser de ses vieilles habitudes". L'auteur commence par les déplorer et surtout, dans la sous-section 2, à les énumérer et à les décrire. Il vaut la peine de l'écouter :
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"La première [des mauvaises habitudes] consiste à relâcher son esprit et sa détermination en négligeant ses manières et son maintien, et à ne penser qu'à s'amuser et prendre du bon temps en ayant aversion pour toute forme de contrainte.
La seconde consiste à rechercher constamment à s'agiter en ne sachant pas se tenir tranquille, et à virevolter çà et là en passant ses journées à deviser.
La troisième consiste à ne priser que ce qui est familier pour rejeter l'inhabituel, en se soumettant aux usages courants, et à laisser s'amenuiser tout désir d'amélioration par crainte de paraître extravagant aux yeux du commun.
[...]
La septième consiste à envier la richesse en ayant horreur de la pauvreté, et à considérer que mauvais vêtements et mauvaise pitance sont choses profondément honteuses.
La huitième consiste à souffrir d'appétits et de désirs immodérés au point d'être incapable de s'en départir et de les maîtriser, et à trouver aux richesses, aux profits, à la musique et aux femmes un goût de sucre."
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La traductrice ajoute en note, à propos de la septième mauvaise habitude, que "ne pas craindre la pauvreté est un véritable topos de la rhétorique confucéenne, en particulier dans les Entretiens  de CONFUCIUS.
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Je trouve particulièrement remarquable ces descriptions, et si je n'ai pas exposé les quatrième, cinquième et sixième mauvaises habitudes, c'est qu'elles sont relatives à des pratiques inculturées (comme l'étude des Classiques ou le jeu d'échecs), de portée moindre que celles qui sont exposées ici.
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Avec ces descriptions, l'auteur fait le procès de l'impolitesse et de la paresse, de la distraction immodérée, de la mode, de l'envie, des désirs compulsifs. A croire que rien ne change sous le soleil, et que la CORÉE du XVIe siècle souffrait des mêmes maux, des mêmes travers, des mêmes perversions que notre civilisation contemporaine. Mais celle-ci a porté l'amour de ces vices à un niveau d'incandescence rarement atteint dans l'histoire. Et c'est pourquoi l'humanité risque de se trouver bientôt au pied du mur et de devoir choisir entre la réforme de ses moeurs ou la disparition. Et la réforme devra commencer dans l'enseignement et l'éducation des jeunes.
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Un lecteur voulait de la hauteur. Il est servi. Il appréciera.

2 commentaires:

Souffle a dit…

Merci pour votre compréhension et les prolongements donnés : si seulement les médias courants prenaient exemple...

tippel a dit…

Bienvenu Cher souffle, votre participation va faire plaisir à monsieur Hiver.