Je le croise presque tous les jours. Il est assis au bas des marches de l'escalier qui, à la station Michel-Ange Molitor donne sur le quai du métro de la ligne 10. Il tient son fils, un enfant de sept ou huit ans sur son coeur. Et j'ai la faiblesse d'avouer qu'il brise le mien. Il ne fait que murmurer, tout bas, des mots peu compréhensibles et l'on devine qu'il demande de l'aide. Il vient de Roumanie. Son visage exprime une tristesse infinie. A le voir ainsi presque tous les jours, j'ai fini par nouer des liens subtils, discrets et profonds avec lui. Nous nous saluons. Il m'arrive de donner quelques pièces, de parler, de dire un mot à l'enfant qui me sourit. Ah ! ce visage d'enfant !
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Je ne sais pas pourquoi, mais chaque fois que je voyais cet homme, je pensais à ce poème dont je ne connais plus que les premiers vers ; je l'avais appris lorsque je faisais de l'allemand : Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent ? C'est le père et son enfant. Il le serre en sûreté contre lui, il lui tient chaud... Wer reitet so spät durch Nacht und Wind. Es ist der Vater mit seinem Kind... Merveilleuse et sublime poésie.
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Etait-il possible que Noël se passât et que l'enfant n'en connaisse que l'odeur du métro et la chaleur rassurante de la poitrine paternelle ?
Non, l'enfant n'a pas connu que cela. Avez-vous vu déjà ce qu'est un sourire d'enfant émerveillé ?
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PS : j'ai écrit ce petit billet à l'intention d'un ami. Il se reconnaîtra et y verra la conjonction de son regard et du mien.
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