Aujourd'hui, je ne ferai que vous citer les réflexions amères de Marcel GAUCHET. Et, pour faire plaisir à Charlotte (qui n'a pas répondu à mon billet d'avant-hier), il ne s'agira pas de la loi TAUBIRA, laquelle n'est que l'épiphénomène d'un mouvement plus profond d'aliénation démocratique du sujet :
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"Dira-t-on ainsi que dans notre société, la liberté et la possibilité, jamais vues à l'échelle de l'histoire, de lire, de penser, d'écrire, de publier débouchent sur une féconde et diverse autonomie intellectuelle ? Jamais on n'a vu, au contraire, pareil suivisme, pareil conformisme, pareille dévotion envers des oracles de bas étage qui n'ont pas besoin de K.G.B. pour faire répéter les plus grotesques de leurs propos, à prétention par surcroît dénonciatrice et pseudo-subversive.. [...]. Voit-on la liberté de mouvement, de mœurs, d'opinion mener à des conduites indépendantes, personnelles, intérieurement libres en un mot ? La privatisation, on l'a cent fois observé (mais le sujet mérite plus que jamais d'être creusé), marche de pair avec une massification des comportements et des modes de vie. Les droits de l'homme d'un côté, mais point de sujet autonome de l'autre côté pour les exercer : telle paraît être la formule vers laquelle se dirige nos sociétés.
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"L'émancipation de l'individu-homme et les droits qui la sanctionnent ne sont pas séparables d'une aliénation collective qu'ils tendent à alimenter : constat qu'il faut commencer par sérieusement méditer avant de se précipiter sur la formule magique des droits de l'homme comme la clé enfin trouvée du problème politique. Il est un envers menaçant - qui ne le sait à présent ? - d'une société libérée de toute oppression : la domination totale. Il peut y avoir aussi un revers à la lutte naïve pour l'accroissement de la sphère des droits de l'individu : le renforcement du rôle de l'Etat, l'approfondissement de l'anonymat social, l'aggravation encore du désintérêt pour la chose publique et la banalisation angoissée des conduites. Aliénation : c'est, en son sens précis, le terme générique qui s'impose ici. Car ce dont il s'agit en chacun de ces points, C'EST D'UNE DISJONCTION PRIVATIVE ENTRE LE POINT DE VUE INDIVIDUEL ET LE POINT DE VUE COLLECTIF (majuscules de votre serviteur). On est individuellement libre, mais à l'intérieur d'une société prise en charge par l'Etat ; on se sent soi, on se vit sur le mode de la particularité par devers soi, mais on est n'importe qui du point de vue d'ensemble de l'organisation où l'on s'insère. On est du dehors indépendant en tant qu'atome social, mais on est du dedans incapable, d'une part incapable de penser parmi les autres ; et, d'autre part, incapable de prendre ses distances et d'assumer sa différence par rapport aux autres."
In Marcel GAUCHET. La démocratie contre elle-même. Collection Tel, Gallimard, Paris, 2002.
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Voilà le résultat de la démocratie contemporaine en général, et de la démocratie française actuelle en particulier, une aliénation du sujet dans sa dimension politique. C'est pourquoi, recouvrant l'autonomie chère à nos pères grecs, les Veilleurs dont je suis, redonne au civisme et à la politique leur dimension interpersonnelle, et cela contre les dictateurs prétendument démocratiques aux petits pieds qui entendent nous imposer leurs vues. Venez tous nombreux demain à 17 h 30, Esplanade de la Défense, pour déambuler dans l'espace public, en libres citoyens, pour participer au rassemblement des Veilleurs.
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