Le ciel est d'une pureté absolue. Le crépuscule s'étend lentement sur le majestueux estuaire de la Loire. Devant la sous-préfecture de SAINT-NAZAIRE une petite foule, une centaine de personnes, s'apprête à rentrer en veillée. Nous pensions nous installer sur le quai, devant un monument, sans doute le monument aux morts. Mais, réflexion faite, il a paru plus judicieux aux animateurs de la soirée de nous installer sur la plage, au bas d'un escalier dont les parapets serviront de siège pour les veilleurs au dos récalcitrant (ce qui est mon cas). Les lumières des bourgs qui bordent l'estuaire commencent à briller ainsi que les phares qui jalonnent la côte. Je suis un peu inquiet. En effet, lors de la préparation de la veillée qui s'est faite autour d'un pot dans un bistrot du bord de mer, il m'est demandé de parler des limites de la science dans le domaine du corps. Ce n'est pas ce qu'il avait été convenu puisque je devais parler de la procréation. Tant pis, j'improviserai.
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En arrivant aux abords de la sous-préfecture, j'avais rencontré un groupe de veilleurs-marcheurs. Beaux échanges, notamment avec Adrienne, et avec un jeune homme dont j'ignore le prénom. Pendant que nous bavardons, une voiture de police s'arrête devant nous. Deux policiers fort courtois et souriant viennent déposer une enveloppe dans la boîte aux lettres ; curieusement, je n'y vois pas inscrit d'adresse. Mes yeux m'ont-ils trompé ? Nous engageons une conversation amicale ; ils ont mission non point de nous surveiller, mais de passer de temps en temps. En fait, nous ne les verrons pas.
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La veillée commence. Chant de l'espérance, puis très belle intervention d'un veilleur sur la liberté d'expression. Son dernier point porte sur la liberté d'expression en France. Il apparaît qu'elle n'est guère respectée... De très belles lectures aussi. Vient mon tour. On me présente d'abord sous mon prénom, ce qui me convient tout à fait. Et puis (ce qui me gène un peu), on précise mon "titre" et mon nom. Je commence par cette citation dont je ne connais point d'origine. Un de mes lecteurs, peut-être, me la précisera : "Si j'étais Dieu, je redonnerai aux mots leur sens". Et, avant d'exposer ce que sont la procréation médicalement assistée, et la gestation pour autrui, j'insiste bien sur la différence entre l'éthique (qui définit les comportements socialement acceptables en un moment donné d'une civilisation et de l'histoire, ce qui n'exclut pas, bien sûr, que l'éthique se désintéresse des valeurs ; elle est simplement extérieure aux consciences des personnes) et la morale qui est la science de la vie bonne et se propose de donner des réponses à la question "Qu'est-ce qu'avoir une vie bonne ?" ou "Comment puis-je avoir la vie bonne ?". SENEQUE ou KANT ont donné chacun des réponses différentes, et d'autres philosophes aussi, mais tous font intervenir la délibération intérieure, le libre arbitre, la relation à l'autre. Je fais aussi la différence entre connaissance et technique. Et puis j'embraye sur la PMA et la GPA. Il m'a été demandé dans une seconde intervention de faire état de mon expérience personnelle en matière d'utilisation d'embryons humains, puisque j'ai parlé de cette expérience lors de la réunions de préparation.
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Au terme de cette première intervention, un ministre qui est venu incognito à la veillée, et a tenu à le demeurer, vient me saluer et me dit merci. Marianne nous lit un superbe texte. J'admire la maîtrise de Gauthier en manière de conduite d'assemblée, j'admire l'activité de Jean-Baptiste, de Charles, la méticuleuse préparation de la veillée par Emmanuelle et Annabelle. Et je me dis aussi qu'il n'y a pas de hasard. Parmi les veilleurs-marcheurs, il y a Philippe, que je n'avais pas vu depuis... 60 ans, et qui, entendant mon nom patronymique (alors qu'on buvait une bière) me dit qu'il connaissait à MAISONS-LAFFITTE une famille de ce nom. Que le monsieur était pharmacien - c'était mon père lui dis-je - lequel avait un fils qui était etc... - c'est moi, lui redis-je ! Nous tombons dans les bras l'un de l'autre !
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Au cours de ma deuxième intervention, je parle de cette expérience terrifiante pour moi et mes collègues du laboratoire. Nous avions demandé au comité nationale d'éthique l'autorisation d'utiliser des embryons humains de 12 semaines, obtenus par des méthodes abortives non délabrantes. Quand nous recevons ces embryons (les mamans savaient que l'enfant en puissance qu'elles ne pouvaient ou voulaient garder pourrait servir à des recherches scientifiques, sans en avoir la certitude), aucun de nous n'a le courage d'en prélever la moelle épinière que nous pensions mettre au contact de cellules musculaires humaines en culture, déjà fusionnées en myotubes ; jusque là nous utilisions des explants de moelle épinière d'embryons de rat. Celui qui n'a jamais vu un petit être en puissance, peut, tant qu'il veut, faire des lois. Il regarde dans son cerveau, pas dans la réalité. De ce jour date mon opposition absolue à toute recherche sur les embryons humains. (Cette opposition est antérieure à un événement qui a bouleversé ma vie et n'appartient qu'à moi.) Je parle encore de la réduction embryonnaire, du tri préimplantatoire, des perspectives d'eugénisme qu'ouvre la maîtrise des techniques de biologie moléculaires. Guillaume, du Journal des Veilleurs me demande mes coordonnées, Charles fait de même : il est impliqué dans la préparation de la veillée du 31 août à PARIS. Il se pourrait qu'il me demande une intervention. Je reste ouvert à cette perspective, sans la souhaiter ni la refuser ; la Providence pourvoira, sans aucun doute.
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A 23 heures, nous nous dispersons en silence. J'espère que Jean-Baptiste aura pu récupérer son pull ; il me l'a gentiment prêté car il fait frais. Un veilleur marcheur m'a dit qu'il le lui rendrait, car il voyait que je cherchais mon généreux prêteur. Expérience inoubliable de fraternité, de vérité (le premier intervenant a parlé merveilleusement des rapports de la liberté et de la vérité).
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Rendez-vous sur l'esplanade de la Défense le 31 août à 17 h 30 pour une marche jusqu'à la Concorde. J'y serai (un peu en retard, car j'aurai auparavant dit au-revoir à mon fils, et sa famille qui parte pour un an faire le tour du monde).
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En arrivant aux abords de la sous-préfecture, j'avais rencontré un groupe de veilleurs-marcheurs. Beaux échanges, notamment avec Adrienne, et avec un jeune homme dont j'ignore le prénom. Pendant que nous bavardons, une voiture de police s'arrête devant nous. Deux policiers fort courtois et souriant viennent déposer une enveloppe dans la boîte aux lettres ; curieusement, je n'y vois pas inscrit d'adresse. Mes yeux m'ont-ils trompé ? Nous engageons une conversation amicale ; ils ont mission non point de nous surveiller, mais de passer de temps en temps. En fait, nous ne les verrons pas.
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La veillée commence. Chant de l'espérance, puis très belle intervention d'un veilleur sur la liberté d'expression. Son dernier point porte sur la liberté d'expression en France. Il apparaît qu'elle n'est guère respectée... De très belles lectures aussi. Vient mon tour. On me présente d'abord sous mon prénom, ce qui me convient tout à fait. Et puis (ce qui me gène un peu), on précise mon "titre" et mon nom. Je commence par cette citation dont je ne connais point d'origine. Un de mes lecteurs, peut-être, me la précisera : "Si j'étais Dieu, je redonnerai aux mots leur sens". Et, avant d'exposer ce que sont la procréation médicalement assistée, et la gestation pour autrui, j'insiste bien sur la différence entre l'éthique (qui définit les comportements socialement acceptables en un moment donné d'une civilisation et de l'histoire, ce qui n'exclut pas, bien sûr, que l'éthique se désintéresse des valeurs ; elle est simplement extérieure aux consciences des personnes) et la morale qui est la science de la vie bonne et se propose de donner des réponses à la question "Qu'est-ce qu'avoir une vie bonne ?" ou "Comment puis-je avoir la vie bonne ?". SENEQUE ou KANT ont donné chacun des réponses différentes, et d'autres philosophes aussi, mais tous font intervenir la délibération intérieure, le libre arbitre, la relation à l'autre. Je fais aussi la différence entre connaissance et technique. Et puis j'embraye sur la PMA et la GPA. Il m'a été demandé dans une seconde intervention de faire état de mon expérience personnelle en matière d'utilisation d'embryons humains, puisque j'ai parlé de cette expérience lors de la réunions de préparation.
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Au terme de cette première intervention, un ministre qui est venu incognito à la veillée, et a tenu à le demeurer, vient me saluer et me dit merci. Marianne nous lit un superbe texte. J'admire la maîtrise de Gauthier en manière de conduite d'assemblée, j'admire l'activité de Jean-Baptiste, de Charles, la méticuleuse préparation de la veillée par Emmanuelle et Annabelle. Et je me dis aussi qu'il n'y a pas de hasard. Parmi les veilleurs-marcheurs, il y a Philippe, que je n'avais pas vu depuis... 60 ans, et qui, entendant mon nom patronymique (alors qu'on buvait une bière) me dit qu'il connaissait à MAISONS-LAFFITTE une famille de ce nom. Que le monsieur était pharmacien - c'était mon père lui dis-je - lequel avait un fils qui était etc... - c'est moi, lui redis-je ! Nous tombons dans les bras l'un de l'autre !
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Au cours de ma deuxième intervention, je parle de cette expérience terrifiante pour moi et mes collègues du laboratoire. Nous avions demandé au comité nationale d'éthique l'autorisation d'utiliser des embryons humains de 12 semaines, obtenus par des méthodes abortives non délabrantes. Quand nous recevons ces embryons (les mamans savaient que l'enfant en puissance qu'elles ne pouvaient ou voulaient garder pourrait servir à des recherches scientifiques, sans en avoir la certitude), aucun de nous n'a le courage d'en prélever la moelle épinière que nous pensions mettre au contact de cellules musculaires humaines en culture, déjà fusionnées en myotubes ; jusque là nous utilisions des explants de moelle épinière d'embryons de rat. Celui qui n'a jamais vu un petit être en puissance, peut, tant qu'il veut, faire des lois. Il regarde dans son cerveau, pas dans la réalité. De ce jour date mon opposition absolue à toute recherche sur les embryons humains. (Cette opposition est antérieure à un événement qui a bouleversé ma vie et n'appartient qu'à moi.) Je parle encore de la réduction embryonnaire, du tri préimplantatoire, des perspectives d'eugénisme qu'ouvre la maîtrise des techniques de biologie moléculaires. Guillaume, du Journal des Veilleurs me demande mes coordonnées, Charles fait de même : il est impliqué dans la préparation de la veillée du 31 août à PARIS. Il se pourrait qu'il me demande une intervention. Je reste ouvert à cette perspective, sans la souhaiter ni la refuser ; la Providence pourvoira, sans aucun doute.
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A 23 heures, nous nous dispersons en silence. J'espère que Jean-Baptiste aura pu récupérer son pull ; il me l'a gentiment prêté car il fait frais. Un veilleur marcheur m'a dit qu'il le lui rendrait, car il voyait que je cherchais mon généreux prêteur. Expérience inoubliable de fraternité, de vérité (le premier intervenant a parlé merveilleusement des rapports de la liberté et de la vérité).
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Rendez-vous sur l'esplanade de la Défense le 31 août à 17 h 30 pour une marche jusqu'à la Concorde. J'y serai (un peu en retard, car j'aurai auparavant dit au-revoir à mon fils, et sa famille qui parte pour un an faire le tour du monde).
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