12 juin 2014. Nouvelles de la Résistance. Récit de la veillée du 10 juin

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Ce n'est pas l'ignorance qui nous empêche de devenir vrai, c'est la lâcheté, rien que la lâcheté.

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J'avais prévu de me rendre à la veillée organisée par Philippe à Maisons-Laffitte. Nous avons dû annuler au dernier moment, en raison d'une météo incertaine. Finalement, nous aurions pu la maintenir, car le ciel s'est éclairci dans la soirée. Du coup, nous avons décidé d'aller à la veillée de PARIS. J'y suis allé avec mon complice habituel, Antoine. Nous sommes partis de la Porte de Saint-Cloud à 20 heures, et sommes arrivés devant l'église Saint-Germain-des-Près vers 20 h 30. Il y avait déjà du monde. 

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Assis sur les marches du porche central dont la grille était fermée, il y avait quelques personnes assises. Je supposais, à tort, qu'il s'agissait de Veilleurs. J'ai pu trouver une petite place, entre homme d'âge mûr (une cinquantaine d'années) et une femme un peu plus jeune. Je supposais, avec raison, qu'ils s'agissaient de touristes intéressés par le va-et-vient de l'assistance qui commençait à affluer. Nous rentrons en conversation. Le monsieur est un homme d'affaire algérien. Il est d'origine kabyle (nous évoquons saint Augustin). La femme est son épouse. Elle est ingénieur chimiste. A côté d'elle, un adolescent d'une douzaine d'années. C'est le fils du couple. Je lui explique ce qui se passe, et il me dit combien il apprécie la France comme pays de la liberté. Je bémolise légèrement l'enthousiasme. Ce qui est certains c'est qu'il n'approuve pas, mais alors pas du tout, la loi autorisant le mariage des personnes de même sexe. Nous nous séparons, et Antoine peut venir s'asseoir sur la  marche.

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La veillée commencer par un très bel exposé du père Benoist de SINETY, curé de Saint-Germain-des-Près. Il brosse un tableau vivant de l'histoire de l'abbaye. Nous apprenons que les bâtiments conventuels ont disparu à la Révolution. L'Eglise abbatiale avait été transformée en dépôt de salpêtre, ainsi que ses annexes. Une bougie malencontreuse, tombée sur une réserve d'explosifs, entreposée dans ces magnifiques édifices les ont fait sauter ; il n'en reste plus rien. Heureusement, l'Eglise a pu être sauvée. Elle est rouverte peu après 1800 et rendue au culte, au titre d'église paroissiale.

En réalité, comme à la dernière veillée du boulevard Edgar Quinet, je n'ai pas pu écouter les interventions (je compte sur Antoine pour les résumer), car on demandait des volontaires pour faire partie des équipes de dialogue, si possible parlant anglais (et d'autres langues accessoirement : on verra que c'était utile). J'ai donc rempli cet office ; après que le responsable nous a donné quelques conseils et des dépliants dactylographiés, nous voilà partis. Il y a là des jeunes gens et jeunes filles, un quadragénaire (je constaterai qu'il parle un anglais parfait avec un accent digne des oxoniens), un monsieur plus âgé, coiffé d'un chapeau de paille (c'est la deuxième fois qu'il vient à une veillée ; il parle très bien allemand, comme j'ai pu aussi le constater, mais pas anglais). Philippe nous a rejoint.

Nous nous promenons et nous devinons, dispersés ici et là, que cinq ou six policiers en civils assistent à notre rencontre : est-ce pour nous protéger des antifas ? est-ce pour vérifier que nous ne voulons pas prendre d'assaut l'Elysée ? Mais, contrairement à bien des soirées, nous ne voyons pas de voitures de police.

Mon premier dialogue a lieu avec un couple qui attend le bus. A l'air étonné de la femme, je devine qu'elle se demande ce qui se passe. Nous échangeons. Elle est intéressée et prend le dépliant qu'on lui tend.

Je reviens vers le parvis. Deux jeunes gens, Alexandre et Claire (22 ans chacun, mais cela je le saurai après avoir échangé avec eux) sont là. Ils sont amoureux l'un de l'autre, cela est tellement visible et beau, que mon entrée en matière, jaillie spontanément, et avant même qu'ils aient posé des questions est de dire "Que c'est beau l'amour". Ces jeunes gens sortent tous les deux de l'ESCP (Supdeco Paris). Ils doivent aller bientôt à LONDRES pour des stages externalisés. Ils ne savaient pas ce qu'étaient les Veilleurs et sont très intéressés. Du coup, ils restent. Et je crois pouvoir affirmer qu'ils se souviendront de cet échange.

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Il y a beaucoup d'étrangers. Une femme, une française, est avec un indien. Nous rentrons en contact et elle me demande si je parle anglais. Je dis oui (mais mon anglais est franchouillard dans son accent, et littéraire dans sa syntaxe, ce qui fait un curieux mélange). J'explique un peu et nous sommes rejoint par ce monsieur qui parle parfaitement anglais et prend le relais.

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Et voici maintenant Renée, une adepte de l'Europe. Elle s'inquiète de savoir si les Veilleurs (qu'elle ne connaissait pas) sont contre l'Europe. Les consignes qui nous ont été données sont claires : il n'y a pas de doctrine officielle des Veilleurs. Nous sommes là à titre personnel et parlons en notre nom personnel. Je réponds que je n'ai jamais entendu parler contre l'Europe dans une veillée. Mais je lui dis que, personnellement, je ne suis pas pour une Europe de type fédéral. Je crois plus à la confédération et au principe de subsidiarité. Elle est rassurée. J'ai omis de dire que je suis souvent associé au monsieur au chapeau de paille qui se révèle être un interlocuteur hors pair, bienveillant et précis.

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Voilà de nouveau une américaine. Nous discutons. Un allemand s'approche qui parle anglais et écoute notre conversation, pose des questions et intervient. A tous les étrangers qu'il me sera donné de rencontrer ce soir, j'expliquerai le caractère très français, unique, mais exemplaire de l'initiative des Veilleurs. (De fait, un mouvement analogue est né en Allemagne et il existe déjà à Taiwan et en Italie).

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De nouveau Renée. Petits échanges amicaux. Puis un groupe de cinq ou six personnes s'est formé. Il s'agit d'Allemands qui sont là avec leurs enfants. Le responsable des équipes de dialogue parle un allemand parfait (il a vécu en Allemagne) tout comme le monsieur au chapeau de paille. Je me méprends un moment en m'adressant en anglais à une jeune fille que je prenais pour une allemande et qui se révèle être une veilleuse, membre des équipes de dialogue.

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Il commence à se faire tard. Philippe a rempli son office. Nous décidons d'aller prendre une bière avant de rentrer car je dois partir mercredi matin (comme je vous l'avais dit hier). Antoine reste et fera, je le lui demande avec insistance, un compte-rendu des propos tenus par les intervenants, des propos émaillés par des morceaux de cornemuse (merci à Eric) et par une belle prestation de la chorale des Veilleurs.

Ce qui se passe en ce moment est tout simplement incroyable. Une génération nouvelle est en train de naître. Les vieux caciques, les éléphants de gôôôôche, les responsables démonétisées de drouate continuent de papoter, de broyer du vent, de supputer un avenir parfaitement indéchiffrable, pendant que des Français de toutes origines se retrouvent, parlent comme jadis les citoyens d'Athènes sur l'Agora, tombent souvent d'accord et sur le diagnostic et sur les remèdes et changent l'atmosphère politique.

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MENTON-POINTU s'en moque comme d'une guigne ; monsieur HOLLANDE laisse madame MERKEL organiser l'Europe comme elle l'entend et ne s'intéresse qu'à sa ré-élection dans le seul cadre institutionnel existant, celui qui, avec 18 % de satisfaits, lui permet de durer.

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Notre pauvre patrie paraît mourante. A mon avis, il va y avoir des surprise.

Et puisque le thème de la Veillée était l'altérité, permettez-moi de conclure par une réflexion d'Emmanuel LEVINAS, un grand philosophe, parmi les grands philosophes.

"Le visage est seigneurie et le sans-défense même. Que dit le visage quand je l’aborde ? Ce visage exprimé à mon regard est désarmé. Quelle que soit la contenance qu’il se donne, que ce visage appartienne à un personnage important, étiqueté ou en apparence plus simple. Ce visage est le même, exposé dans sa nudité. Sous la contenance qu’il se donne perce toute sa faiblesse et en même temps surgit sa mortalité. À tel point que je peux vouloir le liquider complètement, pourquoi pas ? Cependant, c’est là que réside toute l’ambiguïté du visage, et de la relation à l’autre. Ce visage de l’autre, sans recours, sans sécurité, exposé à mon regard dans sa faiblesse et sa mortalité est aussi celui qui m’ordonne : « Tu ne tueras point ». Il y a dans le visage la suprême autorité qui commande, et je dis toujours : c’est la parole de Dieu. Le visage est le lieu de la parole de Dieu. Il y a la parole de Dieu en autrui, parole non thématisée." (In Altérite et transcendance, page 114.)

Voilà pourquoi, même si nous gouvernants m'horripilent prodigieusement (ce n'est pas un secret pour mes lecteurs), je me réfère à cet ordre divin, et partage entièrement l'option de non-violence prise par les organisateurs et fondateurs des Veilleurs.