Marie,
jeune volontaire française partie pendant un an pour s’occuper de enfants des
quartiers défavorisés de TACNA au Pérou, avec l’organisation INIGO, met à mal
la théorie du genre et parle du football péruvien.
"[...].
Ma
mission au Centre Cristo Rey continue de bien se passer. Je continue d’animer
mon atelier d’art plastique le lundi ce qui est toujours un défi. Les garçons
ne veulent jamais se mélanger avec les filles, comme si elles avaient la lèpre.
En même temps, c’est l’âge. Ils ont entre 7 et 11 ans et beaucoup d’entre eux
m’ont déjà affirmé qu’ils ne sortiraient jamais avec une fille. Donnant
généralement le même exercice aux deux groupes, je me suis retrouvée plusieurs
fois confrontée à la même difficulté : les filles nécessitaient toute l’heure
pour dessiner et peindre car elles travaillaient avec soin et prenaient leur
temps tandis que les garçons finissaient toujours 30min avant et finissaient
par courir dans toute la cantine en criant et riant. Attention, je n’ai pas dit
que les filles sont naturellement calmes et soignées et les garçons bruyants,
impatients et peu consciencieux. Néanmoins, on sait bien que les petites filles
sont éduquées (et encore plus ici) pour se tenir bien et donc réussissent
souvent mieux à l’école (du moins, au début) alors qu’on tolère davantage que
les garçons soient agités. Il est normal qu’un garçon ait besoin de sortir et
de se dépenser. Ça l’est un peu moins pour une petite fille que l’on va alors
trouver « agitée ». Au-delà de mes considérations sociologiques, le problème
restait le même : que faire pour que les garçons se tiennent tranquilles
jusqu’à la fin de la journée ? J’ai finalement choisi deux options que j’ai
combinées : ne dessiner que la moitié du modèle pour les garçons et enseigner
quelques postures de relaxation à faire à deux, une fois les oeuvres terminées.
On voyait Yerson tirer les bras de son camarade pour lui détendre le dos. De
jolis souvenir lundi dernier où tout s’est finalement bien passé.
[…].
Autre
événement que je ne peux mettre entre parenthèses : France/Pérou un jeudi
matin. Cela faisait des mois que mes amis péruviens me parlaient de ce match et
tout le monde l’attendait avec impatience. Comme le match tombait pendant les
heures de cours, nous avions dû demander l’autorisation. De toute façon ici,
quand le Pérou jouait, même dans les entreprises, toutes les activités étaient
suspendues et les salariés étaient autorisés à regarder le match. Nous avions
un écran télé mais il ne fonctionnait pas. Heureusement, nous avions une
antenne à la maison que nous avons apportée. Fe avait préparé des cookies au
chocolat. Yohan, un de nos élèves, s’était chargé des pop-corn et de mon côté,
j’avais fait une limonade. L’image était mauvaise, je voyais les joueurs en double
et pourtant, j’avais mes lunettes. Nous étions tous assis en ligne, sur les
petites chaises d’enfants. Alors que le professeur préparait des cornets en
papier pour manger nos pop-corn, les adolescents, dans un silence recueilli, se
préparait à affronter l’équipe adverse. La charge émotionnelle était lourde. Il
faut bien comprendre deux choses importantes dont j’ai pris conscience pendant
mon volontariat. Tout d’abord, le football touche directement à l’identité
nationale du pays. Si nous nous sommes fières de notre culture, de nos musées,
de notre histoire, de notre french touch, de l’idée de liberté que nous
portons et de notre esprit révolutionnaire, les Péruviens sont fiers de leur
équipe. Tout le monde connaît l’hymne national et l’hymne de sa région. Il n’y
a pas de peur nationaliste ou de gêne à être patriote. Ici, tout le monde est
fier d’être Péruvien. Soutenir son équipe, c’est rejoindre le corps entier de
la société. Par ailleurs, comme la société reste encore assez machiste, les
hommes ne doivent pas pleurer. Les hommes ont donc parfois des difficultés pour
exprimer leurs émotions. La sensibilité alors accumulée et cachée se transpose
dans le football. Combien d’adolescents j’ai vu les larmes aux yeux pendant les
matchs que disputait le Pérou. Quand le Pérou a perdu contre la France,
impossible de fêter ma joie de voir mon pays gagner, l’ambiance était trop
lourde. J’avais tout de même le cœur serré car j’aurais voulu voir le Pérou
mettre au moins un goal. J’avais gagné mes paris (2 dîners, un déjeuner préparé
par Nuria et une barre de chocolat) mais j’avais perdu mes amis. Les
adolescents et enfants, qui portaient tous le maillot du Pérou, ont été
silencieux toute la journée. Ce matin, alors que la France joue dans quelques heures contre
la Belgique, les enfants, qui faisaient du sport, arboraient tous le drapeau de
la Belgique. Évidemment. On ne va pas soutenir ceux contre qui on a perdu. Les
jours suivants, les professeurs avaient demandé aux enfants de répondre à des
QCM qui portaient uniquement sur le football et la prochaine coupe du monde.
Ils devaient également expliquer le jeu de chacun des joueurs français et
péruviens.
[...]."
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