Les philosophes médiévaux, occidentaux comme orientaux, identifient en l'homme trois facultés : la sensibilité, l'intelligence, et la volonté. C'est par la sensibilité que l'on accède au beau, par l'intelligence que l'on accède au vrai, et par la volonté que l'on accède au bien. Notez que ces trois facultés s'exercent par l'intermédiaire des organes des sens pour la sensibilité, du cerveau pour l'intelligence, et des nerfs moteurs pour le bien (on agit en vue d'un bien, et l'action est liée à un mouvement).
Jusqu'ici, je ne pense pas que l'on puisse nier cette évidence. On ne niera pas non plus que c'est au cerveau qu'échoit la fonction de traiter les informations sensorielles et de les traduire (ou non) par des actes.
Toute la question est donc de savoir si les choses et les êtres ont en eux un principe d'intelligibilité qui est détecté par notre cerveau après être passé par nos sens (nihil in intellectu quod non prius fuerit in sensu, dit Thomas d'Aquin) ou si l'intelligible est infusé par notre intelligence dans les choses perçues par ces derniers. La question est d'une importance politique capitale. Si les choses et les êtres ont en eux un principe d'intelligibilité qui ne dépend pas de ce que nous pensons d'eux, alors il y a en eux du transcendant.
Il n'est pas inintéressant de constater qu'en grec, le mot "vérité" se dit "alethaia", qui signifie mot à mot "ce qui est sorti du sommeil". Pour nos ancêtres dans la culture, il n'y a pas de doute : chercher et trouver la vérité consiste à repérer l'intelligible dans les choses. Un tel constat est d'une importance politique capitale. Et de mon point de vue, c'est ce qui différencie fondamentalement une sensibilité ou une polique dite "de gauche" d'une sensibilité ou d'une politique dite "de droite". Ce n'est pas le goût de la justice, pas même celui de la démocratie ou de la liberté qui est la pierre de touche de la différence. Pour une sensibilité de gauche, la matière n'a pas de forme et il importe que l'homme lui en donne une. Comme chacun de nous portons une idée personnelle de la dite forme, il faut pour faire triompher une des formes possibles (a) conditionner tous les citoyens par le biais de l'information et de la culture à intérioriser une forme unique pour éviter le désordre et le chaos, et limiter les conflits ; (b) et pour ce faire arriver par tous les moyens au pouvoir suprême : d'où l'âpreté des luttes politiques. Pour une sensibilité dite de droite (j'entends une "vraie" sensibilité de droite), il n'y a pas de bonne politique qui irait à l'encontre de la nature des choses (de l'intelligible qu'elles portent en elles, en vertu de leur être et par l'intermédiaire de leur forme).
Comment agir en toute justice si l'on croit que sa propre analyse, même partagée par les gens de son clan, est la seule qui vaille ? On l'imposera par la force, par la ruse même. Si l'on croit qu'il n'y a pas d'acte juste qui aille l'encontre de la nature des choses, on recherchera ce qui en elles est intelligible, pour agir en conformité avec leur nature. Et de mon point de vue, c'est la définition du bien.
Considérée de la sorte, on comprend pourquoi la culture et l'enseignement ont été et sont des enjeux politiques capitaux. L'idéalisme contre le réalisme, voilà le vrai combat des idées. Et pour moi, l'idéalisme est le père de tous les totalitarismes. On comprend aussi pourquoi un parangon de la modernité disait son "réconfort" pour ne pas dire son exultation, à l'idée que "l'homme est une invention récente, une figure qui n'a pas deux siècles, un simple pli dans notre savoir, et qu'il disparaîtra dès que celui-ci aura trouvé une forme nouvelle".
Eh oui ! Vous avez bien lu. C'est une ânerie de plus à mettre au compte de ce "philosophe". Il aurait mieux fait de relire les grecs, la bible et les philosophes arabes du moyen-âge. Mais pour Michel FOUCAULT, la culture n'est pas ce qui est transmis et enrichi à chaque génération humaine. La culture, c'est sa propre et délirante production. Jamais on aura mis tant d'énergie à utiliser le legs antique (les catégories de la logique d'Aristote) pour le démolir. C'est là une contradiction dont il ne peut se relever. Mais il n'est pas le seul, le pauvre, à gésir sur le fumier de la "déconstruction".
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