dimanche 15 avril 2007

Vous avez dit "information" ?

Il a donc fallu presque huit jours pour que les mass media présentent la mort du policier Reynal CARON à la foire du trône comme autre chose qu'un accident malheureux. Il suffisait pourtant qu'ils écoutent, sur RTL, au matin du drame, Marcel CAMPION, le responsable des forains de cette foire, pour avoir une relation exacte de ce qui s'était passé.
La première relation des faits, je l'ai lue sur "Métro", le journal gratuit distribué dans de nombreuses grandes villes. Sous le simple titre "Dernière minute", et dans un entrefilet d'une quinzaine de lignes, en bas à droite, le journal relatait sobrement cette tragique bagarre, et il concluait. "D'après les premiers éléments de l'enquête, la piste accidentelle est privilégiée." Je venais d'entendre la radio. J'étais scandalisé.
La vérité a peu à peu apparu. Le jeune était d'origine africaine ("jeune black" avait dit Marcel CAMPION). Il tentait de resquiller. Une rixe commençant avec le reponsable du manège, il avait fait appel aux copains de sa bande, africains eux aussi. La police (elle était bien de proximité, celle-là) était intervenue, et le jeune resquilleur avait poussé le policier, sans doute après l'avoir ceinturé. Il n'avait probablement pas l'intention de le tuer. Mais Reynal CARON, 31 ans, père d'une fillette, est mort sur le coup percuté par le bras d'une nacelle du manège.
Imaginez l'inverse. Imaginez qu'un policier ait poussé un jeune noir et que celui ait été tué. Je vois les gros titres des journaux : "Bavure policière ou crime raciste à la foire du trône ?" Et l'on aurait glosé sur l'inefficacité des mesures, sur cet ancien ministre de l'intérieur dont la politique aurait échoué, et l'on aurait pleuré sur ces pauvres jeunes.
Cette presse est lamentable, à l'origine de bien des dysfonctionnements de notre société, mais elle est irresponsable. Je vois dans les relations de ces événements d'innombrables témoignages de mépris : vis-à-vis de nombreux jeunes d'origine africaine ou nord-africaine, vis-à-vis de l'épouse et de la fillette de Reynal CARON, vis-à-vis du public, vis-à-vis de la police.
Ce n'est pas parce que ce jeune est noir qu'il est un voyou. Il est un voyou parce que l'école, la famille et la société dont nous sommes, ont failli dans l'exercice de leurs devoirs. Mais tous les jeunes africains ne sont pas des voyous. Ne pas mentionner l'origine de ce jeune, c'est englober tous ceux qui la partagent dans la même opprobre. Premier mépris. Ne pas exprimer de compassion pour madame CARON et sa petite fille est un insupportable signe de dureté de coeur. Second mépris. Nous prendre pour des imbéciles, incapables de réflexion, et tenter de dissimuler les effets politiques désastreux de ce drame, me met dans une colère noire. Troisième mépris. Enfin, ne pas souligner le difficile travail de la police, et le lourd tribut qu'elle paye à la racaille et aux voyous est tout simplement inconséquent. Quatrième mépris.
Alors, il est raciste Philippe ? Où avez-vous vu cela ? Les trois dernières années de ma carrière universitaire, j'ai donné, bénévolement, des cours de Biologie générale à des jeunes qui préparaient le DAEU B. Nombre d'entre eux, à chaque promotion, venaient des quartiers dits sensibles (Hautepierre, Neuhof, Les Ecrivains, etc.). Beaucoup étaient d'origine africaine, nord-africaine, asiatique, proche-orientale, moyen-orientale, gitane. Je les garde dans mon coeur comme un des cadeaux les plus précieux que j'ai reçu pendant ma vie professionnelle. Vifs, attentifs, chaleureux, sensibles, ces jeunes gens et ces jeunes filles ne méritent pas qu'on les enveloppe dans un monde qui s'appelerait "Les jeunes des quartiers sensibles". Dans ces quartiers, il y a des jeunes très divers. Certains sont des merveilles, dignes d'être encouragés, aidés, promus. D'autres sont effectivement des voyous et des racailles, et, n'en déplaise à monsieur LE PEN, ils ne viennent pas tous de l'immigration. Voilà des réflexions qui me semblent plus proches de la réalité que les généralisations, oiseuses mais politiquement juteuses pour l'extrême-droite comme pour la gauche, distillées volontairement par des médias acquis à la civilisation de masse, de consommation et d'anticulture.
Comme le dit Jacques MADIRAN : "L'information moderne, par nature, ignore ce qui est important ou n'en retient que l'écorce étrangère à la dimension intérieure et à la dimension historique... Les techniques de l'information moderne réclament d'abord de celui qui les manie qu'il se place hors des conditions humaines de réflexion, de méditation, de confrontation permettant de saisir la portée d'un événement".
Politis-Philippe

1 commentaire:

Serge a dit…

Bonjour Philippe,
ce commentaire est frappé au coin du bon sens et de l'équilibre.
Bien à vous
Serge