samedi 11 septembre 2010

Je radote, mais tant pis

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Je radote, mais tant pis. Combien de fois depuis l'ouverture de ce Blog vous ai-je parlé de cette oeuvre roborative de BERNANOS, La France contre les robots. Je lis et relis ce livre ; il est jouissif, jubilatoire, drôle, incisif. Allons, encore une petite perle prise dans ce fleuve impétueux d'imprécations contre le système.
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"Lorsqu'on prononce devant vous le mot d'ordre, vous savez tout de suite ce que c'est, vous vous représentez un contrôleur, un policier, une file de gens auquel le règlement impose de se tenir bien sagement les uns derrière les autres, en attendant que le même règlement les entasse pêle-mêle cinq minutes plus tard dans un restaurant à la cuisine assassine, [...], dans un wagon sale et puant. Si vous êtes sincère, vous avouerez peut-être même que le mot de liberté vous suggère vaguement l'idée du désordre - la cohue, la bagarre, les prix montant d'heure en heure chez l'épicier, le boucher, le cultivateur stockant son maïs, les tonnes de poissons jetées à la mer pour maintenir les prix. Ou peut-être ne vous suggèrerait-il rien du tout, qu'un vide à remplir - comme celui, par exemple, dans l'espace... Tel est le résultat de la propagande incessante faite depuis tant d'années par tout ce qui dans le monde se trouve intéressé à la formation en série d'une humanité docile, de plus en plus docile, à mesure que l'organisation économique, les concurrences et les guerres exigent une réglementation plus minutieuse. Ce que vos ancêtres appelaient des libertés, vous l'appelez déjà des désordres, des fantaisies. "Pas de fantaisies ! disent les gens d'affaire et les fonctionnaires également soucieux d'aller vite, le règlement est le règlement, nous n'avons pas de temps à perdre pour des originaux qui prétendent ne pas faire comme tout le monde."
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Je reviendrai sur ce livre prophétique, écrit au Brésil (où l'auteur s'était exilé après les honteux accords de Münich) en 1944 ! Rien n'a changé. A droite, comme à gauche, à Paris, comme à Bruxelles, on continue de croire qu'il suffit de pondre une loi pour que les hommes d'affaires et les fonctionnaires soient satisfaits et puissent jouir de paisibles digestions. Ah ! tout de même ceci encore de BERNANOS, dans le même ouvrage : "Qui ne défend la liberté de pensée que pour soi-même [...] est disposé à la trahir. Il ne s'agit pas de savoir si cette liberté rend les hommes heureux, ou si même elle est rend moraux. Il ne s'agit pas de savoir si elle favorise plutôt le mal que le bien, car Dieu est maître du Mal comme du Bien. Il me suffit qu'elle rende l'homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d'homme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle, car celui que la Liturgie de la Messe invite à la participation à la Divinité - divinatis consortes - ne saurait rien renoncer de son risque sublime..."
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Je revendique hautement le droit de penser librement et je l'exige aussi pour autrui. Merde au politiquement correct, oui à la pensée, au dialogue, au respect de la différence.
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3 commentaires:

tippel a dit…

Les accords de Münich seront signés en 1938, peut-être que je radote encore !

Philippe POINDRON a dit…

Cher monsieur, BERNANOS est parti au Brésil deux mois avant les accords de Münich qu'il avait vus venir. Il était honteux de l'attitude capitularde de la France. Il a quitté l'Amérique du Sud en 1945. Il a écrit son livre vers la fin de l'année 1944, et il l'a remis au Président du Comité de la France Libre du Brésil, Auguste RENDU. je possède l'édition de "La France contre les robots" parue en 1947 chez Robert LAFFONT. Sans doute me suis-je mal exprimé ; je n'ai jamais voulu dire que BERNANOS est parti au Brésil en 1944. L'eût-il voulu, qu'il ne l'eût pas pu. J'espère que ces précisions remettront à l'heure nos pendules historiques. Amicalement.

tippel a dit…

Je reconnais mon erreur, suite à une mauvaise lecture de votre texte, j'avais sauté vos parenthèses. Amicalement