lundi 28 février 2011

Les mandarins font de la résistance

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Je vous demande mille pardons. Mais, à des fins de comparaison, je vais en revenir à la Chine. Nombre d'historiens, chinois, comme occidentaux, considèrent que la longue stagnation de l'Empire du Milieu est imputable à la classe des Mandarins qui, pendant des siècles, se sont opposés à toutes réformes pour maintenir leur domination et leurs avantages. On peut en tirer des conclusions valables pour les élites de notre propre patrie.
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Certes, le livre est touffu et d'abords rébarbatifs. Mais c'est une mine d'informations. Je ne saurais vous en recommander la lecture si vous n'avez guère le temps de vous poser et de prendre des notes. Ce sont là privilèges de "retraités". Mais je me sens en droit de vous en donner un petit extrait. Dans leur "Histoire et institutions de la Chine ancienne", Henri MASPERO et Etienne BALAZS conclut ainsi le chapitre consacré à l'oeuvre unificatrice des Empereurs de la dynastie SUI :
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"Une longue expérience de domination avait enseigné aux Lettrés qu'ils ne pouvaient remplir leur rôle qu'en réduisant au minimum indispensable la charge écrasante qui incombait aux peuples des campagnes. Ils se sont donc toujours efforcés d'atténuer les rigueurs des travaux publics : en théorie du moins, ils n'ont jamais renoncé à se proclamer les gérants désintéressés de l'intérêt public en général et du paysan en particulier, prêts à défendre celui-ci contre les empiètements d'un monarque absolu. En réalité, les Lettrés-fonctionnaires ne se sont jamais décidés à prendre la défense du peuple qu'au moment où leurs propres intérêts étaient en jeu : chaque fois qu'un Empereur d'une envergure exceptionnelle menaçait d'exercer un régime autocratique et de les priver ainsi de l'initiative des mesures despotiques, ils criaient haro sur le tyran pour mieux préserver leurs prérogatives de tyrannie..."
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Quelle lucidité dans l'analyse ! Et quelle leçon pour nous ! Remplacer Lettrés-fonctionnaires par Énarques, Magistrats, Hauts Fonctionnaires, 'Élites' (hum...!) politiques, remplacez peuple des campagnes et paysan par salariés et employés, remplacez charge écrasante par impôts, et vous pourrez dire exactement la même chose de ces élites françaises que tente de bousculer avec raison un Président de la République, brouillon peut-être, maladroit sans doute, mais certainement lucide et courageux, et qui aura fait bouger en cinq ans la France plus qu'aucun Président depuis trente ans. N'oubliez jamais qu'il a dit un jour "je ne suis pas du sérail !". Tare impardonnable pour les importants qui prétendent nous dire ce qui est bon pour nous (et qui est surtout bon pour eux).
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C'est ainsi que des Magistrats prétendent défendre les justiciables en demandant plus de moyens, mais ne sentent nullement gênés de mettre cinq, six, dix ou douze ans, pour déposer les conclusions de leurs instructions afin d'ouvrir les voies d'un procès. Les mêmes ne se scandalisent point que l'on puisse maintenir en prison pendant des dizaines de mois des justiciables injustement soupçonnés de pédophilie et lavés ultérieurement de tous soupçons. L'un d'eux s'est suicidé ? Pertes et profits. Un autre a vu sa famille exploser ? Pertes et profits. Un délinquant qui aurait dû être suivi par le service de probation a sans doute commis un meurtre ignoble sur la personne d'une jeune fille ? Pertes et profits. Il nous faut des moyens, disent-ils. Et encore des moyens. Nous pourrons ainsi ne travailler que quand ça nous chante.
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C'est ainsi qu'une indispensable réforme territoriale suscite la résistance des élus locaux locaux de tous bords. En vertu des grands principes, ils arguent du service public, de la nécessité d'entretenir une proximité étroite entre le citoyen et ses élus, bien entendu réclament des moyens supplémentaires, mais ne privent point d'organiser, aux frais du contribuable, de coûteux voyages d'études qui les éloignent (temporairement bien sûr, et pour leur bien) de leurs mandants, cumulent mandats et présidences d'instances aussi diverses que juteuses qui honorent la polyvalence supposée de leurs talents, arrosent des associations à la douteuse utilité, et dispense à leur clientèle électorale, les uns des cartes de transport gratuites, les autres des préservatifs et des chèques contraceptions, pour ne citer que quelques menues grâces qui sont faites à des concitoyens qu'au fond d'eux-mêmes ils méprisent.
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C'est ainsi que les Lettrés-fonctionnaires de l'Education Nationale se refusent à toutes réformes qui mettraient tant soit peu en cause leurs prérogatives de toute puissance pédagogique, et qui, incapables de tenir une classe de trente élèves, réclament des moyens pour en tenir une qui n'en ferait que vingt-cinq. Ils réclament des moyens pour mieux aider les élèves de milieux défavorisés, mais refusent qu'on sanctionne ceux-ci au motif qu'ils ne sont pas responsables de ce qui leur arrive.
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Ah, j'oubliais. Les Lettrés-fonctionnaires de l'Empire du Milieu détestaient les marchands, les méprisaient, leur faisaient rendre gorge au moyen de taxes de tous genres, alors que ceux-ci étaient de puissants agents d'enrichissement pour la Chine. Remplacer marchands par chefs d'entreprise, et vous avez l'exacte correspondance de la situation de la Chine ancienne avec celle de la France contemporaine.
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Je ne dis pas qu'il faille accabler les salariés de charges. Je ne dis pas qu'il ne faut pas examiner en détail l'organisation de la justice et améliorer le travail des magistrats, je ne dis pas davantage que les chefs d'entreprise sont des saints. Je dis que les Lettrés-fonctionnaires et nombre d'e membres de l'élite sociale sont irresponsables, gèrent avec une redoutable inefficacité le ministère de la parole, et que nombre d'entre eux ressemblent à un général italien qui crierait à ses troupes, en levant le menton : "Armons nous ! Et partez...".
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Les Mandarins font de la résistance. S'ils défendaient l'intérêt public, ils prendraient des initiatives qui illustreraient la sincérité de leurs propos :
*Pour les élus : un seul mandat, non renouvelable. Possibilité de passer d'un type de mandat à l'autre à l'échéance du premier. Interdiction d'accepter des Présidences d'instances semi-publiques du genre "Autorité du Port autonome", "Société d'Aménagement", etc. Gestion de leur patrimoine par un organisme dépendant de l'ordre judiciaire (le système de la tutelle et de la curatelle existe après tout) avec - c'est tout à fait normal -garantie d'un rendement raisonnable.
*Pour toutes les élites, accès aux responsabilités, au terme de concours ouverts à tous, et placé sous la dépendance d'un jury ANONYME, comprenant des personnalités étrangères, et constitué par tirage au sort avant le concours.
*Pour les Magistrats, interdiction de se syndiquer, interdiction de faire la grève, acceptation de leurs responsabilités et de sanctions en cas d'erreurs manifestes. Il n'y a pas une justice de droite, et une justice de gauche, mais une justice unique qui s'appuie sur la loi. Il n'y a pas d'infaillibilité de la justice ; elle doit reconnaître ses erreurs, ses manquements, accélérer ses procédures, utiliser une langue compréhensible.
*Suppression des grandes écoles, et surtout des grands corps de l'état, en tout cas au moins, de leurs prérogatives (du genre "Prime d'égout" des Conseillers d'Etats). Recrutement, au moins temporaire, de chefs d'entreprises, de responsables économiques, de travailleurs manuels, d'agriculteurs, à des postes de responsabilité ou de conseillers, élus par leurs pairs. J'ai toujours trouvé ridicule qu'un plumitif de bureau puisse décider du diamètre optimal des pommes susceptibles d'être vendues sur les marchés, ou de la largeur des pneus permettant de chausser les voitures.
*Véritable éducation morale et civique des citoyens ; privation des droits civiques en cas de violation des règles élémentaires de la vie en commun, pas plus, pas moins.
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De l'air, de l'air, de la confiance, de la confiance. Et des élites moins arrogantes, moins sûres d'elles, plus à l'écoute. Mais les mandarins font de la résistance.
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C'est tout pour l'instant.

5 commentaires:

tippel a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Geneviève CRIDLIG a dit…

" De l'air! De l'air! "

C'est ce que je souhaite dans un autre domaine, celui du contenu des commentaires de M. Tippel:

Je les lis et les reçois de plus en plus, non comme des commentaires directement branchés sur les billets proposés à notre réflexion mais comme des présentations des positions du FN.

Il n'y a souvent plus de rapport du tout : il me semble que votre blog ne sert que d'occasion pour lui d'être une tribune servant à exposer des idées ou des exemples de son parti qui ne font que se répéter d'une manière rigide et fermée.
Il profite ainsi de votre audience et bloque le but de votre initiative, en tentant de vous enfermer par X compliments dans une toile d'araignée, de manière à ce que les lecteurs soient déstabilisés et croient que vous êtes de son bord.
Il se produit un effet de détournement.

Du moins c'est ainsi que je ressens ses interventions qui me deviennent vraiment oppressantes.
Je respecte évidemment la liberté d'appartenance à toute option ou choix politique mais un peu d'écoute réelle est espérée.

Philippe POINDRON a dit…

Merci, Jade.
Je précise en effet que je demande aujourd'hui et formellement à mes lecteurs de commenter, positivement ou négativement, les opinions que je présente ici à titre personnel. Mais je m'abstiendrai désormais de répondre à tous commentaires qui déborderaient le cadre des propos du billet du jour.
Je précise que je ne partage pas du tout les vues du FN.
J'aime ma patrie. Mais je ne suis pas nationaliste. Je ne suis pas xénophobe ; et si je trouve normal d'accueillir les étrangers en difficulté, je trouve non moins normal qu'il respecte nos lois, nos modes de vie, et nos coutumes. A de multiples reprises, j'ai ici précisé que je déteste les généralisations, les systèmes de pensées tout faits. La réalité est d'une grandee complexité, et nous avons rarement en main tous les éléments qui nous permettraient de juger d'une situation donnée ; nous ne connaissons des événements que ce que les médias et les hommes politiques veulent bien nous dire, c'est à dire fort peu de choses. Je reproche à ces faiseurs d'opinions de ne sélectionner dans la réalité que les faits qui vont dans le sens de leurs idées, lesquelles coïncident souvent avec leurs intérêts personnels. Ce n'est pas une raison pour ne pas s'informer ou pour gober tout cru leurs propos. Il me semble que l'esprit critique doit se joindre à un minimum d'humilité.
Je terminerai en disant que j'essaye d'avoir le plus d'honnêteté intellectuelle possible ; bien entendu, je ne parle pas d'un lieu anonyme, je puis me trtomper, et je me trompe souvent. J'ai toujours dit que par profession, je me situais (hélas et sans doute trop) du côté des "intellectuels", mais par dessus-tout et par engagement personnel, je me réfère autant qu'il m'est possible à Jésus, lequel n'a jamais dit qu'il fallait détester ou rejeter l'étranger, mais qu'il fallait A LUI AUSSI annoncer la bonne nouvelle du salut. C'est une manière de voir peut-être trop décalée, ou "nuancée" ou "subtile" mais je ne peux pas faire autrement.

tippel a dit…

J’avais d’ailleurs remarqué que JADE avait du mal à respirer depuis une bonne quinzaine de jours. Une mélenchonite aiguë troublait ses nuits. La lecture de mes infectes proses nauséabondes l’ont privée d’oxygène. Si j’avais su cela plutôt, j’aurais parlé du merveilleux travail réalisé par la CIMADE, par exemple en faveur de nos amis émigrés en rétention.
L’air impur est une des expressions favorites des bobos socialistes, de Benoit Hamon, leur porte-parole, toujours bien inspiré, à Frédéric Mitterrand, le bobo de droite, qui l’ont prononcée, ils prononceront encore cette formule car la menace populaire, plutôt populiste, arrive avec les élections de 2012.
Eh oui, trop dénoncer c’est nauséabond. JADE, non contente que les électeurs du Front National ne disposent que d'un minimum de temps d'antenne pour défendre leurs idées, voudrait totalement épurer les commentaires d’un blog. Je pourrai dire ce que je pense, à condition que cela concorde avec son opinion, celle des bien-pensants dirigeants socialistes. Vous ne manquez pas d’air par contre pour me contester le droit de dénoncer les chiffres truqués : ceux de l'inflation, de l'immigration, des avortements, de la natalité, de la violence urbaine, de la délinquance, des églises profanées chaque jour, des chrétiens assassinés dans le monde, non trop, c’est trop ! Et puis, de temps à autre, un petit coup de repentance, voire une petite pique contre le FN, on devient fréquentable ça redonne une virginité. Ils veulent nous obliger à croire autrement, eh bien, au nom du droit à la libre pensée, ce que je dis pue ! Eh bien, je réclame ce droit, nauséabond comme tant d'autres de vos amis se donnent le droit de se torcher avec le drapeau français, ou de chier sur la croix.
Comme d’autres ne veulent pas être nationalistes, je suis populiste et fier, car dans populiste, il y a le mot « peuple ». Contrairement à ce que vous dites, vous ne respectez pas, je vous cite « la liberté d'appartenance à toute option ou choix politique». Il est ahurissant de constater que le flot de haine que déversent certains rappeurs contre la France et les Français vous laisse indifférente. Hier ou aujourd'hui, libre, je lutterai contre votre inquisition et les cortèges sanglants de bûchers et d'abjurations, de repentance que vous alimentez probablement sans le savoir.

tippel a dit…

COURAGEUSE JADE qui prend les lecteurs de ce blog pour des incultes, je la cite « Il tente de vous enfermer par X compliments dans une toile d'araignée, de manière à ce que les lecteurs soient déstabilisés et croient que vous êtes de son bord. Il se produit un effet de détournement » Je ne revendique pas l’amitié de Philippe Poindron et probablement il n’en voudrait pas. Je ne lui cire pas les pompes et il le sait. Il a régulièrement, comme hier, rejeter le Front National qu’il considère comme xénophobe. Rassurez vous il vous confirmera en privé qu’il n’est pas en danger de changer de camp. NON le Parti National n’est pas xénophobe ni raciste : Le Front National est un parti constamment harcelé, ses permanences incendiées, les domiciles personnels des militants ou de ses élus saccagés, ses membres assassinés, ses meetings attaqués, harcèlement dans le cadre du travail ou universitaire, pressions sur les maires signataires de parrainages, un «traitement de faveur» dont ne bénéficie ni le PCF, ni la LCR. Et pour cause. Le FN est attaqué parce que ses ennemis sont certains de leur impunité : aucune représaille même quand les agresseurs sont identifiés, mollesse de la police dans le déroulement des enquêtes, clémence de la justice inversement proportionnelle à sa sévérité contre le FN. Ce dernier est une proie facile car il ne riposte pas. Et il ne riposte pas car il n’est pas fasciste.