dimanche 26 janvier 2014

Nouvelles de la Résistance : mon parcours avec les manifestants

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Il est 17 h 38 au moment où je commence à rédiger ce billet, avant que les journaux officiels de la bienpensance n'assaisonnent la journée de leur vinaigre hargneux et condescendants. Tout d'abord, des photos de quelques banderoles, des photos que j'ai trouvées sur le site du salon beige, comme toujours.







Il s'agit-là d'un échantillon. J'en ai vu d'autres, Place de la Bastille. Je n'ai pas eu la présence d'esprit de les noter toutes. Une, pourtant, à retenu mon attention alors que nous étions Boulevard des Invalides et que j'avais presque remonté la totalité du cortège. Elle était portée par des jeunes gens et jeunes filles, représentant les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants qui "refusent d'être des cobayes".
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Voici un petit récit, croqué sur le vif, de ce que j'ai vu et entendu. J'ai quitté la Porte de Saint-Cloud à 13 h 30. Arrivé à la Gare d'Austerlitz à 14 h, je suis sorti par la sortie indiquée "Boulevard de l'Hôpital". Le dispositif policier était relativement discret. Quelques véhicules de CRS étaient garés le long des trottoirs du quai d'Austerlitz, tandis que la chaussée longeant la Seine en direction du centre de Paris était interdite à la circulation. J'ai traversé le Pont d'Austerlitz et j'ai noté que des CRS, par groupes de 2 jalonnaient le parcours qui mène à la Place de la Bastille (Carrefour de l'Avenue Ledru-Rollin, notamment et entrée du Boulevard de la Bastille). Le cortège avait déjà démarré quand j'y suis arrivé, et avait parcouru environ le tiers du Boulevard de la Bastille. La Place était noire de monde. Je me suis mis derrière la banderole des catholiques en colères. J'ai noté que du côté de la Place donnant sur le bassin de l'Arsenal, il y avait un groupe de jeunes dont je n'ai pu reconnaître l'affiliation mais qui me semblaient déterminés dans leur opposition.
Je suis allé de groupe en groupe, en remontant progressivement vers la tête du cortège. Voici ce que j'ai remarqué. 
(a) D'abord, de manière anecdotique, des faits menus mais révélateurs : une petite bonne femme d'origine asiatique, sans doute vietnamienne, portait une pancarte ainsi libellée : "Mes ancêtres n'étaient pas des Gaulois ; ceux de mes petits enfants le seront". Manifestement, elle voulait signifier son attachement à la patrie où elle a choisi de vivre. Un grand monsieur porte un chapeau à grelot, comme en portaient jadis les fous du roi ; je note quantité de personnes portant des bonnets rouges, ou des bonnets d'un rose vif, sans doute parce qu'il ne leur a pas été possible de trouver chez Armor Lux des bonnets de la couleur idoine. Il y a des joueurs de tambour ; un manifestant souffle à tue-tête dans une corne de brume. Au 156 Boulevard Montparnasse, perché sur son balcon du 5ème étage, un homme fait un doigt d'honneur aux manifestants, tandis que 50 m plus loin, côté impair, un autre parisien fait, lui, un bras d'honneur. Sinon, les badauds à leurs fenêtres - ils ne sont moins nombreux que d'habitude, car il pleut à verse - nous encouragent, nous saluent, nous applaudissent. Des supporteurs de Dieudonné se baladent avec un ananas à la main (Boulevard Saint-Marcel), l'un d'eux, dans la foule a fiché le fruit défendu au sommet d'une hampe en bois. Voilà pour l'anecdote. 
(b) Il est intéressant de remarquer que de très nombreux manifestants brandissaient des drapeaux français (environ un sur trois) ; quelques drapeaux de La Manif Pour Tous aussi, et un très grand nombre de drapeaux des provinces (Orléanais, Lyonnais, par exemple) ou de villes. J'ai même vu un manifestant avec un drapeau de la CGT. J'ai rencontré un jeune manifestant qui venait de Nancy et avait bien l'intention de revenir le 2 février.
(c) Quelques mots sur les slogans : Hollande démission ! Hollande casse-toi ! Hollande en prison ! Hollande, salaud le peuple aura ta peau ! (Et même Hollande guillotine ! ce qui, tout de même, me paraît très excessif), Taubira casse-toi ! Valls démission ! Valls en prison ! Le bordel à l'Elysée ! Journalistes collabos ! Les slogans criés avec le plus de vigueur et d'unanimité étaient, dans l'ordre décroissant de fréquence, mais à fréquence élevée : Hollande démission ! Journalistes collabos ! prononcés l'un et l'autre avec une vigueur et une unanimité qui devraient faire réfléchir les serviteurs de l'homme au casque nocturne ou les folliculaires qui lui cirent les pompes. Je vous affirme qu'il y avait là quelque chose à la fois d'impressionnant et gros d'un futur agité que je n'hésite pas à qualifier de révolutionnaire. Venait ensuite le slogan sur Manu le petit, un peu moins fréquemment repris. De temps en temps, une Marseillaise.
(d) Dans un article publié sur le site du Figaro, un journaliste de ce quotidien pourtant d'opposition, semblait ne pas accorder beaucoup d'avenir à un mouvement qui lui paraît hétéroclite. N'importe quel esprit ouvert et critique n'aurait pas réagi de cette manière ; il se serait interrogé. Comment se fait-il que des mouvements d'inspiration si diverses, aux revendications multiples se retrouvent dans un tel mouvement de colère  En discutant dans la foule avec les uns ou les autres, j'ai noté une exaspération que je n'avais jamais ressentie dans les manifestations antérieures auxquelles j'ai participé. Il y a à cela trois raisons majeures : le sentiment d'injustice, le sentiment que le peuple est méprisé par les élites, toutes les élites, et le sentiment d'un déni de démocratie. Ce ne sont pas là des motifs anodins. Très clairement, si les choses ne changent pas très rapidement, "ça va péter" comme l'ont chanté sur l'air de "On est en finale, on est en finale" une trentaine de jeunes repris en choeur par les manifestants qui les entouraient.
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Ce que je n'ai pas dit, c'est qu'il a plu à verse, que cette pluie n'a pas cessé (la tête du cortège est arrivée Place Vauban à 16 h 35), mais qu'elle n'a pas découragé les manifestants dont un grand nombre se sont agrégés au cortège alors qu'il cheminait vers la Place Vauban.
Je retiens de cette manifestation (dont il m'est impossible de dire l'ampleur ; j'ai compté, Boulevard de la Bastille des rangées de 7 personnes (sur la chaussée ; je n'ai pas compté les nombreux manifestants qui arpentaient les trottoirs en faisant des sauts de puce d'auvents de bars à porches abrités), avec une dizaine de rangées sur 15 mètres environ. Il y a 1 km de la Place de la Bastille au Pont d'Austerlitz ; 70 personnes tous les 15 mètres, 700 sur 150 mètres, voilà qui fait 5000 personnes au bas mot pour la têtes du cortège, alors que la Place était encore noire de monde.
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Je n'ai pas assisté aux discours des organisateurs. J'ai quitté la Place Vauban vers 16 h 45. La foule des manifestants continuaient d'affluer. Vous verrez que monsieur BOUCAUT évaluera cette foule à quelques centaines de personnes ! Monsieur BOUCAUT le sinistre ! Monsieur BOUCAUT qui fait fermer les stations Champs-Elysées et Miromesnil, de peur que celui qui l'a chargé de sa protection ne se voit conspuer sous les balcons du Palais par nous qui sommes le peuple français, un palais où désormais son lit est vide.

2 commentaires:

tippel a dit…

Merçi beaucoup pour cette description de la manifestation.

Laurence a dit…

Merci Philippe d'avoir eu le courage de manifester sous cette pluie battante.