On pourrait croire que je suis partial. Il n'en est rien. Ce n'est pas le socialisme dont j'ai horreur. Je rejette en bloc les leaders socialistes parce qu'ils disent tout et n'importe quoi, et n'ont strictement aucune proposition à opposer à celles que fait le gouvernement. Ils ne sont intéressés que par le pouvoir, ils veulent faire notre bonheur malgré nous, ils ont réponse à tout avec leur système. Le socialisme, comme le libéralisme du reste, est une idéologie. L'un et l'autre sont, en effet, des systèmes, des systèmes de pensée qui ont plus ou moins de rapport avec le réel. D'abord un détour pour comprendre de quoi il s'agit.
Voici comment André COMTE-SPONVILLE, un philosophe médiatique certes, mais très pédagogue, ce qui est rare pour un philosophe, définit matérialisme et idéalisme, dans une joute qui l'oppose à l'un de ses collègues, monsieur STAUNE, et qu'a publié le Figaro (merci à un ami de m'avoir communiqué ce texte) :
"Le matérialiste, au sens trivial, c'est celui qui n'a pas d'idéaux, qui ne vit que pour les plaisirs corporels. Au sens philosophique, il en va tout autrement ! Le matérialisme est d'abord une position métaphysique : c'est penser que tout est matière ou produit de la matière. Attention, je ne parle pas du concept scientifique de matière, qui ne cesse d'évoluer, mais de la catégorie philosophique, qui appelle « matière » tout ce qui existe indépendamment de l'esprit. La vraie question est de savoir ce qui est premier : est-ce l'esprit qui crée la matière, ou la matière (qu'elle soit énergie, ondes ou corpuscules) qui produit l'esprit ? L'idéalisme défend la première position ; le matérialisme, la seconde, ce qui revient à nier l'existence d'un dieu créateur et d'une âme immatérielle. Pour le matérialisme, ce n'est pas un esprit qui a créé le monde ; c'est la nature incréée qui finit par engendrer la pensée dans le cerveau humain. Je ne suis donc qu'un corps, ce qui exclut que je puisse lui survivre : être matérialiste, c'est aussi penser qu'il n'y a pas de vie après la mort. Voici résumées les composantes majeures du matérialisme, depuis Démocrite et Épicure jusqu'à aujourd'hui."
Les définitions sont excellentes. Toutefois je m'interroge sur le grand manquant de ces conceptions métaphysiques, je veux dire le réalisme. Nous voyons bien les dangers des idéalismes, père de tous les totalitarismes. Si l'esprit est "créateur" de la matière, tout est permis à l'homme, et le plus fort de nos frères en humanité pourra nous imposer son système, contre notre volonté : c'est ainsi que l'on a vu fleurir le nazisme, le fascisme, le marxisme, le freudisme, le nietzschéisme, le castrime, le léninisme, le stalinisme, le maoïsme, toutes idéologies dont vous observerez que la plupart portent un nom dérivé de celui de leur créateur. Le matérialisme est un avatar de l'idéalisme. Lorsque je déclare que tout, y compris la pensée, est un produit de la matière, je ne fais que projeter ma pensée dans celle-ci, en lui supposant, sans possibilité de preuve, une telle puissance.
Que dit le réalisme ? Il dit qu'il y a une correspondance possible entre les choses et l'intelligence, que la recherche de cette correspondance est précisément la recherche de la vérité, que les êtres et les choses portent en eux de l'intelligible, c'est à dire la trace d'un esprit. Toute la question est de savoir si l'intelligible des êtres et des choses est prouvable, possible, très conjectural, impossible à détecter ou hypothétique. Un penseur très connu, Karl POPPER, montre qu'il existe trois mondes bien distincts : le monde 1 est celui de la matière, y compris celui du cerveau, le monde 2 est celui du vécu dans chaque conscience, le monde 3 est le monde des idées car les "idées sont perpétuelles". Cela signifie tout simplement que les idées émergent de la matière par le travail de l'esprit humain qui cherche à en dégager l'intelligible. C'est précisément cela le réalisme.
Quelques idées clés du réalisme dont le plus éminent représentant occidental est Thomas d'Aquin, mais qui a aussi de non moins éminents représentants orientaux (Yahia, Miskaywah, Ibn Sibna, etc.) : L'homme individuel ne pourra que difficilement parvenir à ses fins terrestres sans le secours du corps social (Thomas d'Aquin, Miskaywah). La fin ultime est ce au-delà de quoi l'agent ne cherche plus rien (Thomas d'Aquin, les philosophes arabes médiévaux). Tout agent agit en vue d'un bien. L'amour est le mouvement de la volonté éclairée par l'intelligence. Etc.
S'il en est ainsi, on peut comprendre pourquoi la recherche d'un consensus politique n'est pas une utopie, mais une tentative de trouver ensemble l'intelligible des choses, des êtres, et des situations. En d'autres termes, à une situation problématique donnée, historiquement et géographiquement située, il ne peut pas y avoir de solutions dépendantes des idéologies, il ne doit y avoir que des solutions dépendantes du réel. Il peut y en avoir plusieurs, également bonnes, mais il n'y en a pas un nombre infini, ni indéterminé, et notre liberté s'exerce justement dans le choix que nous faisons de l'une de ces bonnes solutions. Aucune solution ne saurait être bonne si elle n'est pas conforme à la fin qui nous est due.
En voilà assez pour aujourd'hui. Mais je continuerai demain sur la question de la TVA sociale, et je montrerai combien sont de mauvaise foi ceux qui en critique le principe, loin de toute réalité, en s'accrochant à des idées dont ils savent qu'elles sont au mieux discutables, au pire mensongères.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire