Des amis très chers, fidèles lecteurs de mes billets, me signalent un excellent article de Chantal DELSOL, dans le Figaro du 29 avril, intitulé Faut-il boycotter les pays qui ne nous ressemblent pas ? La philosophe y explique avec finesse la différence qui existe entre totalitarisme et autocratie ordinaire. Et elle assimile le présent système chinois à ce dernier type de régime.
Elle dit, avec beaucoup de justesse pour autant que je puisse en juger par les lectures que j'ai pu faire sur la civilisation chinoise que La Chine est un monde culturel fondé sur des convictions morales souvent bien proche des nôtres, et sur des sagesses qui, si elles ne ressemblent pas à nos religions, proposent des réponses aux douloureuses questions de la vie et du tragique de la vie. Elle entretient un humanisme de respect, comme d'ailleurs toutes les cultures.
Je ne crois pas avoir dit autre chose dans mes billets. Mon seul point de désaccord porte sur les références morales des actuels dirigeants chinois. S'ils ne sont pas des totalitaires comme le furent LÉNINE et STALINE, ou des monstres comme MAO ou POL POT, ils ont cependant une vue qui me semble bien éloignée de celle d'un CONFUCIUS, d'un LAO ZI ou d'un BOUDDHA, pour ne prendre que les trois maîtres des religions traditionnelles chinoises. Je ne parle évidemment pas de JÉSUS dont des millions de Chinois glorifient le nom par leur fidélité, leur témoignage, leur courage et leur martyre. Mais il est évident que le peuple chinois a gardé un attachement profond à l'antique sagesse qui assura sa survie à travers les drames qu'il eut à traverser. Cet attachement mérite admiration et respect. Il émerge du reste à l'heure actuelle en Chine, un courant néo confucianiste.
Madame DELSOL dit encore fort justement ceci : Au fond, la spécificité de l'Occident, ce n'est pas la défense des droits de l'homme, mais la défense des droits de l'homme comme individu. Et les convictions anthropologiques chinoises et aussi musulmane d'une autre manière, sont enracinées dans le holisme, ou vision de la société comme communauté : l'individu n'y existe vraiment comme valeur que dans son groupe, sans lequel il perd sa signification.
C'est une constatation parfaitement fondée historiquement. La tradition ancienne des légistes, qui remonte au temps des Royaumes Combattants, avait été très loin dans cette conception. A cette époque la terre était distribuée à des groupes de 8 familles (système de MENG ZI ; 3e siècle avant J.-C.). Les champs étaient divisés en 9 parcelles dont une était collective et dont le fruit était donné à l'état à titre d'impôt. Un peu plus tard, GUAN ZHONG organise la population en groupe de 5 ou 10 unités. La responsabilité pénale est collective.
Je n'ai pas cessé de dire dans mes billets, moins bien que madame DELSOL, que nous crevons de l'individualisme, issu tout droit des Lumières. La déclaration des droits de l'homme n'est jamais que la déclaration des droits des individus (et non des personnes, notion fort différente). Or l'homme est un sujet social, et il est impossible de fonder un régime politique raisonnable et une saine anthropologie, sans tenir compte de cette évidence. Madame DELSOL ajoute, ce à quoi j'adhère totalement : Les Occidentaux ont une tendance, pernicieuse et sotte, à mettre dans le même sac le holisme et le totalitarisme : ils sont si obsédés par l'individu souverain qu'ils confondent un homme inscrit dans sa communauté et un homme dénaturé.
Je vous renvoie, à cet égard, à mon billet d'hier consacré au mythe de l'autoconstruction des savoirs qui est une illustration de cette vue centrée sur notre nombril, et non pas ouverte sur le monde.
Eh oui ! Je me répète. Je ne cesse de dire la même chose depuis que j'ai commencé ces billets. La solidarité tant prônée par la Gôôôche, n'est jamais que la collectivisation des responsabilités personnelles, et la privatisation des plaisirs, de la licence, voire du vice : Faites tout ce que vous voulez ; la société prendra en charge les conséquences de vos erreurs ne cessent-ils de nous répéter, les leaders de la Gôôôche. C'est ce qu'ils appellent la solidarité. A mon avis, la vérité politique est a mi-chemin du respect absolu des individus déclarés souverains, et de la nécessaire prise en compte de notre communauté de destin. Ainsi, il y a des penseurs socialistes qui pensent certainement juste. JAURES en était un, Michel ROCARD en est un autre. On ne les écoute guère. A quoi bon leurs réflexions si elles ne servent pas les ambitions et les impatiences de tel ou tel éléphant ?
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