Un très proche m'a prêté un petit opuscule dont je vous donnerai tout à l'heure la référence. Ouvrage collectif, il est fait d'articles scientifiques, philosophiques et bibliques. Je tire de l'un d'entre eux les réflexions que voici : Nous voulons les droits, mais nous rechignons devant les devoirs, en nous aidant de la psychanalyse interprétée à contresens. D'autre part, chacun, médias aidant, se persuade que ses droits sont aussi illimités que ses désirs. L'individualisme a lancé la formule : "j'ai droit à ". [Par exemple], j'ai droit à l'enfant parfait, selon la représentation que je m'en fais. Ainsi, nous nous assimilons à notre désir quel qu'il soit et à notre imaginaire même s'il est chimérique, et tout ce qui ne les satisfait pas est mauvais, donc rejeté. Nous ne prenons plus le temps de chercher plus loin que ces leurres, toujours changeants, toujours insatiables et inapaisés. Le moi disparaît dans ce mouvement incontrôlé, parce que le désir et l'imaginaire, qui sont en nous des forces précieuses, s'égarent quand ils courent dans n'importe quelle direction. Nous ne nous voyons plus, nous ne vivons plus avec nous et en nous-mêmes, parce que nous ne voyons plus l'autre, nous ne vivons plus réellement avec lui. Chacun, devenu un atome social, force le jeu du désir et de l'imaginaire parce que sa solitude lui fait peur le plus souvent.
In
L'animal et l'homme. A propos des xénogreffes. Colloque 18 et 19 octobre 2002. Centre Sèvres-Facultés Jésuites de Paris. Série Philosophie/Éthique, n°126.
Janine CHANTEUR. Peut-on parler d'un propre de l'homme ? (pp 73-80).
Médiasèvres, sans mention de lieu, 2003.
A mon avis, la crise que traverse l'humanité - crise qui annonce l'entrée dans des temps apocalyptiques qui peuvent durer très longtemps - résulte d'une mésinterprétation de la déclaration des Droits de l'homme, proclamée par l'Assemblée Constituante, le 26 août 1789. Cette mésinterprétation était inscrite dans la formulation même de ces droits, qui sont ceux de l'individu (atome social) plus que ceux de la personne (sujet social), sans aucune contrepartie dans l'ordre des devoirs. Contrairement à une idée très enfantine, ma liberté ne s'arrête pas où commence celle des autres. Prendre ainsi les choses, c'est reconnaître à l'individu une totale liberté de moeurs et de comportement dans la sphère privée, tant qu'ils ne lèsent pas VISIBLEMENT les intérêts d'autrui. Mais ce que les chrétiens appellent la Communion des Saints implique aussi une Communion de Pécheurs. Quand un homme chute, toute l'humanité chute avec lui; quand il grandit, toute l'humanité grandit avec lui. La Déclaration des Droits de l'homme ne prend pas en compte explicitement cette fraternité-solidarité ontologique des êtres humains.
A mon avis toujours, la crise que traverse notre pays est une exacerbation de la crise qui frappe l'humanité entière. Berceau de la Déclaration des Droits de l'homme, il semble en être aujourd'hui le tombeau. Chaque catégorie socio-professionnelle exige, réclame, manifeste, est en lutte avec les autres. Les cheminots, avec leur grève d'aujourd'hui semble nous dire : "périssent les comptes-sociaux, disparaissent les retraites des moins bien lotis que nous, s'affaiblisse la France, augmente le chomage, pourvu que nous gardions les avantages acquis". Curieux pour des syndiqués dont les chefs n'ont à la bouche que les mots de solidarité, de social, voire de socialisme. Nous voici, en France, proche de la réalisation de la lutte de tous contre tous, prédite par HOBBES, proche de la mère de toutes les violences.
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