mardi 13 mai 2008

L'inoubliable testament de Marie-Antoinette

La foule se presse au Grand Palais pour visiter l'exposition consacrée à Marie-Antoinette. Que n'a-t-on pas dit dans les livres d'histoire concoctés par la République sur cette pauvre femme dont les derniers instants, par une grandeur que la vile populace est incapable de saisir, ont racheté les moments passés de frivolité et d'insouciance ? On ne dit dans ces livres que des choses fausses ou controuvées, quand elles accablent la reine, et l'on tait tout ce qui en elle fut grand, admirable, supérieur, aristocratique au bon sens du terme. L'un des meilleurs livres à elle consacrée, sans doute le plus complet et le plus objectif, est celui de Stephan ZWEIG ; l'ouvrage ne porte comme titre que le prénom de cette statue de la souffrance : Marie-Antoinette.
Stephan ZWEIG, en dépit des doutes qu'un journaliste du Figaro, monsieur de WARESQUIEL, jette, dans la livraison de samedi dernier, sur l'authenticité du testament de Marie-Antoinette, montre que le document est bien de la main de la reine et qu'il a été inexplicablement soustrait aux archives. Le geôlier BAULT a eu assez de courage pour fournir à la condamnée du papier et une plume, il en a manqué quand il a fallu transmettre le testament à qui il devait revenir, madame Elisabeth, la belle-soeur de Marie-Antoinette. Il se borne donc à remettre le document au sinistre FOUQUIER-TINVILLE, qui y apposera sa signature ; le monstre froid, l'accusateur public, ira à la guillotine deux ans plus tard. Le testament semble avoir disparu, mais pas pour tout le monde. COURTOIS, un obscur député, un nul parmi les nuls, a reçu l'ordre de la Convention de trier les papiers de ROBESPIERRE qui vient d'être arrêté et condamné. Sabotier de son état, COURTOIS, une âme vile, voit tout l'intérêt qu'il y a à connaître de ces papiers, et à les conserver. Il le fait et tient ainsi en lisière des dizaines de collègues compromis pendant la Terreur. Il a puisé sans vergogne dans les papiers du Tribunal Révolutionnaire, et est tombé sur le testament. Vingt ans plus tard, lors de la Restauration, pour faire oublier qu'il fut un complice des régicides, il offre à Louis XVIII le message de Marie-Antoinette qu'il prétend avoir sauvé du désastre. L'ignoble sera quand même exilé. C'est bien là tout ce qu'il mérite.
Que dit-elle dans ce testament ? Ceci, qui mérite bien notre respect :
Que mon fils n'oublie jamais les derniers mots de son père, que je lui répète expressément : qu'il ne cherche jamais à venger notre mort.
Le pauvre enfant, l'eût-il voulu, n'en aurait pas eu l'occasion. On l'a laissé mourir de maladie dans sa prison. Il n'avait que huit ans quand sa mère a été exécutée. La reine poursuit :
J'ai à vous parler d'une chose bien pénible à mon coeur. Je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine. Pardonnez-lui, ma chère soeur ; pensez à l'âge qu'il a, et combien il est facile de faire dire à un enfant ce qu'on veut, et même ce qu'il ne comprend pas. Un jour viendra, j'espère, où il sentira tout le prix de vos bontés et de votre tendresse pour tous deux. [...] Je demande pardon à tous ceux que je connais, et à vous, ma soeur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j'aurais pu leur causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu'ils m'ont fait. Je dis adieu à mes tantes et à tous mes frères et soeurs. J'avais des amis ; l'idée d'en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j'emporte en mourant ; qu'ils sachent du moins que jusqu'à mon dernier moment j'ai pensé à eux.
Sont-ce là des sentiments de vengeance, de résignation, de révolte ? Aucunement. La grandeur d'âme de cette femme a terrassé l'infâme HEBERT qui avait fait témoigner le petit Louis XVII contre sa mère, dans une invraisemblable accusation. ROBESPIERRE, furieux, traitera HEBERT d'imbécile, quand il apprendra ce que cette ordure a osé faire.
Peut-être ai-je tort. Je me répète, sans doute. Je ne peux pas adhérer à un régime qui se légitime dans cette violence, dans cette vomissure populaire, dans cette lie, cette boue. Je crois tout à fait que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement. Mais je conteste radicalement que nous vivions en démocratie : celle-ci, pour être vivante et vraie, suppose la vérité, le recul, le regret des iniquités qu'elle aurait pu commettre dans le passé. Le peuple allemand a su le faire et a purgé sa mémoire collective des atrocités nazies. Les atrocités révolutionnaires, ou nous les taisons, ou nous les exaltons, ou nous les justifions. Nous ne les regrettons pas. Hélas ! Non possum ! Non possum ! Je ne peux pas ! Je ne peux pas !

1 commentaire:

Adèle a dit…

Qui douterait de la pertinence de ces remarques devrait en effet songer à un passé très proche : celui de la seconde guerre mondiale. Combien de braves gens ont été livrés suite à des dénonciations calomnieuses ? Exacerber les plus bas instincts humains est une stratégie qui a malheureusement été éprouvée à travers les âges. Et que nombre de médias et politiques sans scrupules n’hésitent pas à mettre en œuvre encore de nos jours. Haine, jalousie ont en effet été les piliers de nombreux faits soi-disant héroïques. Et pourtant, pas de mea culpa. Mais pourquoi ce manque de discernement de la société qui pense ce que l’on veut lui faire penser ?