Dans une interview accordée à Direct matin, Manuel VALLS, député-maire d'EVRY, secoue courageusement le cocotier : Le mot 'socialiste' ne veut plus dire grand-chose ose-t-il dire. Passons sur les quelques erreurs historiques dans ses réponses à la première question. Il prétend que les conquêtes sociales réalisées par le mouvement ouvrier l'ont été quand la gauche a gouverné. J'ai déjà eu l'occasion de dire (a) que c'est la loi LE CHAPELIER, votée à la Révolution, qui en supprimant les corporations a jeté les salariés dans l'esclavage des grands bourgeois enrichis par l'accaparement des biens nationaux (regardez mes billets) - il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour voir le droit de grève rétabli et les syndicats autorisés ; (b) que les principales conquêtes sociales (abolies à la Révolution, alors qu'elles avaient été établies ici et là par les évêques dans leurs diocèses) (voir mes billets) ont été rétablis en partie à l'initiative de quelques aristocrates catholiques (voir mes billets). Je mets monsieur VALLS au défi de me prouver le contraire. Les gouvernements de gauche ont rajouté à ces conquêtes, c'est indéniable, et personne ne conteste que ce fut des conquêtes. Mais avec le secours de Gustave THIBON, nous verrons qu'elles ne peuvent pas atténuer l'abaissement du travail imputable à la mécanisation et à la massification des centres de production. Le problème est ailleurs, et il est spirituel.
Mais les réponses de monsieur VALLS aux deuxième et troisième questions me semblent marquées au coin du bon sens, et témoignent d'une belle capacité d'analyse politique : Une partie de la gauche cultive une nostalgie pour des utopies qui sont en partie défuntes. Mais je crois à une réconciliation de la gauche avec le libéralisme politique, qui conjugue à la fois solidarité et responsabilité individuelle. Nous devons accepter le fait que nous vivons dans une économie de marché. Le véritable enjeu, c'est les règles qu'il faut imposer pour réguler ce marché et un capitalisme financier devenu fou. Mais le socialisme comme alternative au capitalisme, c'est dépassé.
Et encore ceci :
En 2015, 2 millions de Français auront plus de 85 ans. Dès 2020, il manquera 25 milliards d'euros pour assurer le financement des retraites. Il faudra mobiliser les ressources financières collectives pour la dépendance. Je crois donc inéluctable un allongement de la durée de cotisation. Mais pour rendre cela juste, il faut régler la question de l'emploi des seniors, s'attaquer à la pénibilité du travail et aux écarts d'espérance de vie entre catégories sociales et mettre le produit du capitalisme - comme les stock-options - à contribution.
Et bien je vais vous étonner. Non seulement monsieur VALLS a une bonne tête, mais il a une tête bien faite. Il part des faits et non pas des idées (il utilise du reste le mot "fait" et parle "d'utopies"). Il a donc le profil d'un homme d'état. Et sur tout ce qu'il a dit, je suis entièrement d'accord. Si les socialistes ont la sagesse de partager ses analyses, et s'ils ne combattent pas aveuglément les aspirations religieuses légitimes de l'être humain, ils ont de l'avenir dans notre pays.
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