Un week-end ensoleillé, marqué, pour ce qui me concerne par des randonnées pédestres dans les coteaux du Sancerrois, en compagnie d'amis très chers. Tous les marcheurs savent que la marche est un exercice propice à l'échange. Nous discutions donc, B... et moi, de l'état de notre patrie. B... est polytechnicien. Il a occupé de très importantes fonctions dans un groupe français installé dans le monde entier. Homme d'une rare droiture, il a quitté son emploi pour ne pas avoir à couvrir des pratiques qu'il réprouvait en raison de leur immoralité. Et nous parlions de ce que la presse appelle "les élites", pour constater que celles-ci sont devenues folles. Stock-options, indemnités de licenciement pharaoniques, avantages en nature, étalage du luxe dans les toilettes, ou dans les vacances, puissance et domination sans limites ni freins... Bref, une concentration de corruption morale. Tandis qu'à côté, je devrais dire ailleurs, des hommes et des femmes ont aujourd'hui du mal à boucler leur fin de mois, bien qu'ils travaillent dur et assument totalement leurs responsabilités de pères et mères de famille.
Si la France va mal, c'est, selon nous, parce que les "élites", loin de donner l'exemple du dévouement et de la vertu dans la mauvaise passe où elle se trouve, étalent sans vergogne une richesse qui n'a aucune contrepartie dans le service qu'elles rendent au pays. Il est normal que des génies littéraires, artistiques, commerciaux, managériaux, ou des hommes de talents de toutes sortes, vivent mieux que des hommes de moindres envergures, les plus nombreux, en raison des services qu'ils rendent au pays. Mais à ces privilèges liés à des inégalités (quelquefois naturelles, quelquefois non) sont normalement attachées des missions et des responsabilités sociales.
Mon cher Gustave le dit merveilleusement bien : L'inégalité des rangs et des privilèges devient factice et injuste dans la mesure où elles ne répond plus à l'inégalité des missions, des charges et des responsabilités. Un roi qui 'laisse tomber' son peuple en songeant qu'il reste à l'étranger des palaces et des casinos où la vie est douce est un mauvais roi ; un riche qui ne rachète pas sa fortune soit par ses entreprises et ses bienfaits, soit par cette distinction et ce luxe des sentiments que favorise parfois l'oisiveté matérielle, est un mauvais riche.
Les 'élites' ne peuvent justifier leur existence que par l'assomption des risques et les responsabilités inhérentes à leur état, et par une conscience aiguë de leurs responsabilités sociales.
Je rêve d'un mouvement des 'élites' retraitées qui accepteraient volontairement d'amputer leur retraite de 5 % (infime réduction) pour assainir la situation des caisses de retraites, ou d'un mouvement des 'élites' en activité qui déclareraient refuser catégoriquement d'autres rémunération que leur salaire ou leur traitement, justement évalués en fonction des risques et des responsabilités qu'ils prennent dans l'entreprise ou dans la société, d'un mouvement des 'élites' qui refuseraient de jouer le jeu des apparences si bien rapportées dans les journaux people (ah ! les marches de Cannes !), et qui afficheraient publiquement sa solidarité (là, le mot prend tout son sens) avec les hommes et les femmes dont l'avenir dépend d'eux. Je rêve...
Pour ce qui est de la diminution des retraites, je suis déjà, à titre personnel, volontaire. (J'ai fait partie de ces 'élites' de par ma fonction universitaire. Ne voyez donc là aucune espèce d'orgueil, mais un constat de fait. Les professeurs des Universités ont des traitements et des retraites tout à fait convenables.)
Nous serons jugé, n'en doutons pas ; au Jour du Jugement, il nous sera demandé si nous avons aimé. Je voudrais pouvoir dire "Oui, j'ai aimé tous mes frères en humanité".
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