vendredi 16 janvier 2009

Malaise des lycéens, un symptôme du malaise dans la société

Je vous ai dit hier que je reviendrais sur les propos tenus par une responsable de la FIDL dans le Journal Métro, dans son numéro du 14 janvier.
En tout premier lieu, je dirai que je ne doute pas un seul instant de la bonne foi d'Alix NICOLET, appuyée sur des convictions idéologiques qui la situent à gauche. J'insiste sur ce point : je crois absolument à la bonne foi d'Alix NICOLET. Et je passe aussi sur les figures de rhétorique des premiers paragraphes, pour ne m'intéresser qu'aux reproches et critiques faites dans cet article à la réforme des lycées élaborée par monsieur DARCOS.
Alix NICOLET affirme que les lycéens sont des acteurs responsables de la société. Je conteste fortement la pertinence de cette affirmation. Les lycéens apprennent et reçoivent de la société ; hormi quelques cas rarissimes où par leurs talents ou leur intelligence, ils apportent des éléments essentiels à la progression des arts, de la culture, de la société (en effet, certains jeunes, par leurs engagements dans les associations caritatives, les mouvements de jeunes ou de jeunesse, par leur production musicale, ou littéraire, par leurs inventions, peuvent être qualifiés de socialement actifs), les lycéens sont en général socialement passifs. Si Alix n'est pas d'accord avec moi, il faut qu'elle m'explique en quoi elles pensent que les lycéens sont des ACTEURS SOCIAUX ICI ET MAINTENANT d'une manière générale.
Alix NICOLET trouve inadmissible la suppression de postes d'enseignants. Il faut cependant qu'elle s'interroge : sait-elle que plus de 30.000 enseignants n'ont pas d'élèves ? Soit parce qu'ils sont remplaçants (titulaires académiques) et qu'il n'y a personne à remplacer - on peut comprendre - soit parce qu'ils enseignent une discipline rare et qu'il n'y a pas d'élèves intéressés dans leur académie - et dans ce cas, il faut envisager la bivalence des enseignants de ces disciplines rares ; elle existe déjà en histoire et géographie, en latin et grec, en physique et chimie qui ne sont point des disciplines rares - soit, et de mon point de vue c'est un pur scandale - parce qu'ils sont bénéficiaires d'une décharge syndicale - ils sont donc payés par le contribuable pour organiser des actions revendicatives ; la justice voudrait que les syndicats payent leurs permanents avec les cotisations des adhérents, abondées le cas échéant par des subventions publiques, car en pays démocratique, il est bon qu'il y ait des syndicats, mais des syndicats responsables. Sait-elle, Alix, que la démographie scolaire n'est pas en hausse mais stable ? Sait-elle que la France est un des pays au monde qui dépense le plus pour l'enseignement, et que les résultats de ces efforts financiers ne sont pas à la hauteur des espérances de la nation ?
Alix NICOLET fait part de son inquiétude ; il faut entendre cette inquiétude, mais voir comment elle la présente. Elle commence par déplorer la dégradation des conditions de travail. Il faudrait préciser. Depuis que les Collèges et les Lycées sont sous la responsabilité des Conseils Généraux ou des Régions, respectivement, la réhabilitation des bâtiments a été massive, les Bureaux de documentation et les Médiathèques se sont multipliés comme se sont multipliées les activités périscolaires. La dégradation des conditions de travail est sans aucun doute exacte : elle est imputable en partie à l'absence totale de sanctions des comportements insolents, violents, absentéistes, de l'absence totale de civisme et de sociabilité des élèves, de la démission des parents, engendrés par l'idéologie libérale d'une part (le bonheur s'achète) et socialiste de l'autre (j'ai droit à), à l'absence quasi totale de préoccupations morales dans des secteurs fondamentaux de la vie sociale : la culture, les médias télévisés, internet. Alix, si vous lisez ces lignes, acceptez-vous la justesse, au moins partielle, de ces remarques ?
Alix continue, et là, je trouve le glissement politiquement inacceptable ; elle s'inquiète de l'absence de perspectives d'avenir pour les jeunes. Des jeunes qui n'ont pas confiance dans l'avenir ? Mais c'est terrifiant ? Qu'attendent-ils ? Je crois comprendre qu'ils attendent un salaire élevé, dans un emploi sans responsabilités, un emploi à vie, qui leur permette d'utiliser leurs loisirs au mieux de leurs désirs et de leurs fantaisies. Or l'avenir n'est pas encore là. Il est ce que nous en ferons. Et, hormis les cas de dictature d'autocratisme, de tyrannie, en démocratie, l'avenir s'invente, et il s'invente ensemble, dans le dialogue et le respect des lois et des élections. Je ne crois pas que le modèle de vie qui consiste à attendre tout de l'Etat pour mener sa vie personnelle, exclusivement personnelle, soit un modèle de vie idéal. Heureusement, tous les jeunes ne pensent pas comme Alix qui noircit, je le crains, la situation.
Je redis ici que j'ai enseigné pendant près de 40 ans, que j'ai eu des amphithéâtres bondés (400-450 étudiants), que j'ai passionnément aimé mon métier, mais que je n'ai jamais compté sur les syndicats pour en défendre ni l'honneur ni le statut, que je n'ai jamais compté mes heures de travail, que j'ai pris de nombreuses initiatives (par exemple tenir une permanence hebdomadaire ouverte à tous les étudiants où je pouvais donner des éclaircissements sur mon cours), que j'ai toujours pris soin de faire des polycopiés à jour dans leur contenu, élégants dans leur typographie. A vrai dire, je crains qu'avec le dessèchement des moeurs, ne vienne le dessèchement des coeurs, et que l'égoïsme ne prenne la place de la générosité. C'est cette vertu, qui de tout temps doit être la vertu cardinale d'un enseignant, que nos pouvoirs publics doivent montrer, honorer, prendre en compte, et le cas échéant récompenser.
Allons, Alix, une réponse.
PS : une première mouture de ce billet, non corrigée et bourrée de fautes, été publiée. Je prie mes lecteurs de m'excuser.

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