lundi 24 janvier 2011

A propos de la Tunisie

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Du même ami alsacien, qui est un fidèle lecteur de ces billets, cette appréciation que porte un universitaire, spécialiste des affaires africaines et enseignant à l'Université de Lyon ainsi qu'à l'Institut des Hautes Études de Défense Nationale et au Collège Interarmé de Défense (ancienne École de Guerre), Bernard LUGAN.
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"Les graves événements de Tunisie m'inspirent les réflexions suivantes :
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1) Certes le Président BEN ALI n'était pas l'illustration de la démocratie telle que la connaissent une trentaine de pays sur les 192 représentés à l'ONU, certes, encore, de fortes disparités sociales existaient en Tunisie, mais en vingt ans, il avait réussi à transformer un État du tiers monde en un pays moderne attirant capitaux et industries, en un pôle de stabilité et de tolérance dans un univers souvent chaotique. Des centaines de milliers de touristes venaient rechercher en Tunisie un exotisme tempéré par une grande modernité, des milliers de patients s'y faisaient opérer à des coûts inférieurs et pour une même qualité de soins qu'en Europe, la jeunesse était scolarisée à 100 %, les femmes étaient libres et les filles ne portaient pas le voile.
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2) Aujourd'hui tout cela est détruit. Le capital image que la Tunisie avait eu tant de mal à constituer est parti en fumée, les touristes attendent d'être évacués et le pays a sombré dans le chaos. Les journalistes français, encore émoustillés à la seule évocation de la "Révolution des jasmins", cachent aux robots qui les lisent ou qui les écoutent que le pays est en quasi guerre civile, que les pillages y sont systématiques, que des voyous défoncent les portes des maisons pour piller et violer, que les honnêtes citoyens vivent dans la terreur et qu'ils doivent se former en milices pour défendre leurs biens et assurer la sécurité de leurs familles. Les mêmes nous disent que le danger islamiste n'existe pas. De fait, les seuls leaders politiques qui s'expriment dans les médias français semblent être les responsables du Parti Communiste Tunisien. Nous voilà donc rassurés.
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3) La cécité du monde journalistique français laisse pantois. Comment peuvent-ils oublier, ces perroquets incultes, ces lecteurs de prompteurs formatés, que les mêmes trémolos de joie indécente furent poussés par leurs aînés lors du départ du Shah [d']Iran, et quand ils annonçaient alors sérieusement que la relève démocratique allait contenir les mollahs ?
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4) Le prochain pays qui basculera sera l'Egypte, et les conséquences seront alors incalculables. Le scénario est connu d'avance tant il est immuable : un président vieillissant, des émeutes populaires inévitables en raison de l'augmentation du prix des denrées alimentaires et de la suicidaire démographie, une forte réaction policière montée en épingle par les éternels donneurs de leçons et enfin le harcèlement du pouvoir par une campagne de la presse occidentale dirigée contre la famille Moubarak accusée d'enrichissement. Et la route sera ouverte pour une république islamique de plus, tout cela au nom de l'impératif démocratique.
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Ces tragiques événements m'inspirent enfin un mépris renouvelé pour la "classe politique" française. Ceux qui il y a encore quelques semaines regardaient le Président Ben Ali avec "les yeux de Chimène", sont en effet les premiers à l'accabler aujourd'hui. Nos dignitaires en sont venus jusqu'à expulser de France les dignitaires de l'ancien régime tunisien, qu'ils recevaient hier en leur déroulant le tapis rouge. La France a une nouvelle fois montré qu'elle ne soutient ses "amis" que quand ils sont forts. L'on peut être certain que la leçon sera retenue, tant au Maghreb qu'au sud du Sahara... A l'occasion de ces événements, nous avons appris que 600.000 tunisiens vivaient en France, certains médias avançant même le chiffre de 1 million. Pour mémoire, en 1955, avant la fin du protectorat français sur la Tunisie, 250.000 Européens, essentiellement Français et Italiens y étaient installés, ce qui était considéré comme insupportable par les anti-colonialistes."
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Bernard LUGAN,
16 janvier 2011.
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A ce billet, deux remarques. (a) Vous noterez qu'il ressemble étrangement à celui que j'avais écrit il y a quelques jours. Bernard LUGAN est un spécialiste du Maghreb (il est né à MEKNES), et il a de par ses fonctions, des informations de première main. Je parlais d'intuition, lui parle en connaissance de cause.
(b) Le Président BEN ALI a été contraint de quitter la TUNISIE sous la pression du Président OBAMA qui a téléphoné au chef d'Etat-major de l'armée tunisienne et à un ministre ; il a obtenu que cet officier général refuse de tirer sur la foule (ce qui est tout à fait louable). Pensez-vous que ce soit sans contrepartie ? Comment peut-on se réjouir de voir que les États Unis entendent prendre pied en Méditerranée occidentale, au détriment des intérêts français ? Nous avons vu ce qu'a donné leur intervention au Vietnam. Ils en ont été chassés honteusement, mais ont repris pied dans un pays unifié par la France, et dont quasiment plus aucun habitant ne parle français. C'est que l'anglo-américain a la délicieuse odeur du dollar.

3 commentaires:

tippel a dit…

Excellente analyse!

tippel a dit…

Selon le JDD du 21 janvier: « Consultations pour le chef de l’Etat. L’Elysée, indique que le Président recevra Lionel Jospin et Dominique de Villepin. C’est ce rendez-vous qui est évidemment le plus attendu. "Villepin a tout de suite dit oui. J’ai senti qu’il était assez heureux de venir", confie Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée.» Le président ne devrait faire aucune erreur avec des conseillers aussi brillants que pluriels, manque Aubry ou Ségolène. L’exemple au plus haut sommet; amitié, assimilation et intégration. Le partage du gateau c'est pour plus tard.

Potemꓘine! a dit…

1) Il n'y a aucune garantie que les dictatures soient une rempart au terrorisme. Au contraire, elles le nourrissent.
2) Le meilleur rempart au terrorisme est la démocratie.
3) C'est faire preuve d'un profond mépris pour croire qu'il ne peut y avoir de démocratie de l'autre côté de la méditerranée.

La libération des peuples réveille les cassandres qui semblent avoir oublié l'histoire de leur propre pays. Nous avons tout à gagner à ce que des Républiques démocratiques naissent en Afrique du Nord, le repliement apeuré et identitaire n'est pas digne du destin du peuple Français.