dimanche 20 avril 2014

Au matin de Pâques

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M atin de Pâques.


Le jour tarde à venir, et la dernière étoile,
Celle que l’on appelle Étoile du matin,
À la voûte du ciel tendue comme une voile,
Tremble et scintille encor sur un fond gris satin.
Enfin l’Orient blanchit et Marie-Madeleine,
Les yeux remplis de larmes, contenant son chagrin,
S’élance sur la voie, avec un port de reine,
Pour accomplir sitôt son devoir pérégrin.
Il lui faut honorer le corps du supplicié,
Le baigner d’aloès, d’aromates choisis,
Accomplir tous les rites. Un jour, elle fut graciée.
En cette aube nouvelle, ah ! son cœur est saisi.
Elle se souvient toujours de ce festin sponsal,
Où Simon recevait le Maître disparu.
Il n’était pas venu en simple commensal,
Mais en Sauveur du monde ; en elle, Il avait cru.
De ses cheveux soyeux, elle essuyait les pleurs,
Dont elle baignait les pieds de Celui qui n’est plus.
Il l’avait accueillie, libérée de ses peurs,
Elle était relevée, choisie, aimée, élue.
Il était mort, sans doute, mais ces moments bénis
Elle les vivait encore et, jamais oubliés,
Ils remplissaient de feu son âme et son esprit,
Et continuaient de dire : Ta peur est balayée !
Tandis qu’à l’horizon se lève le soleil,
Voici que deux amies rejoignent Madeleine.
Elles aussi longtemps ont cherché le sommeil,
Sans pouvoir y sombrer, écrasées par la peine.


Qui roulera la pierre de devant le tombeau ?
Dressée comme un grand mur, elle interdit d’aller
Au Maître vénéré dont le corps en lambeaux
Git dans l’ombre à jamais. Le sépulcre est scellé.
Aucun soldat posté ; pas un bruit, mais le vent
Le vent léger de Pâques qui souffle de la mer.
Il accroît leur douleur. On avait dit souvent
Qu’Il ne pouvait mourir ! Le jour serait amer,
La vie serait trop terne, désirable la mort.
Ô malheur ! Ô malheur ! Ce n’était pas possible !
Etouffant leurs sanglots, elles arrivent au port,
Au sépulcre béni, où la pierre invincible,
Par des mains inconnues, sur le côté poussée,
Donne sur l’ombre douce où repose Jésus.
Pétrifiée de stupeur, à un arbre adossée,
La sœur de la très pure n’a pas vu l’inconnu.
Mais Marie-Madeleine ose passer la tête,
— Le grand linceul de lin repose sur le banc
Là, où pourtant Joseph, la veille de la Fête,
Avait porté Jésus dans son vêtement blanc —,
Vite se retournant, les yeux remplis de larmes,
Vers celui qu’elle a pris pour un simple gardien :
« Si c’est toi qui l’a pris, dissipe mes alarmes,
Dis-moi où  tu l’as mis, tu le sais, il est mien ! »
L’homme au visage d’ange murmure alors : « Marie ! »
Parole-épée-de-feu qui transperce son âme.
C’est bien sa voix, c’est lui ! Ses larmes ont tari,
Le bien-aimé est là ; brûlante d’une flamme
D’amour renouvelé, Marie crie « Rabbouni ! »
En saisissant ses pieds, et qu’elle se prosterne.
Elle comprend soudain pourquoi dans son déni
Alors qu’elle courait en cette aurore terne,
Vers le tombeau scellé sur la mort d’un espoir,
Le soleil à l’orient, témoin de la promesse,
Ne cessait de chanter qu’elle allait vers son hoir.
Elle n’avait pas menti la timide allégresse ;
En dépit de la croix, des clous, de l’écriteau,
Elle avait affirmé, qu’après bien des outrages,
L’homme qu’on avait vu en son rouge manteau,
D’un nouveau monde enfin, venait annoncer l’âge.
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Je vous le dis : si eux se taisent les pierres crieront (via le salon beige).




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