M atin de Pâques.
Le
jour tarde à venir, et la dernière étoile,
Celle
que l’on appelle Étoile du matin,
À
la voûte du ciel tendue comme une voile,
Tremble
et scintille encor sur un fond gris satin.
Enfin
l’Orient blanchit et Marie-Madeleine,
Les
yeux remplis de larmes, contenant son chagrin,
S’élance
sur la voie, avec un port de reine,
Pour
accomplir sitôt son devoir pérégrin.
Il
lui faut honorer le corps du supplicié,
Le
baigner d’aloès, d’aromates choisis,
Accomplir
tous les rites. Un jour, elle fut graciée.
En
cette aube nouvelle, ah ! son cœur est saisi.
Elle se souvient toujours de ce festin sponsal,
Où
Simon recevait le Maître disparu.
Il
n’était pas venu en simple commensal,
Mais
en Sauveur du monde ; en elle, Il avait cru.
De
ses cheveux soyeux, elle essuyait les pleurs,
Dont
elle baignait les pieds de Celui qui n’est plus.
Il
l’avait accueillie, libérée de ses peurs,
Elle
était relevée, choisie, aimée, élue.
Il
était mort, sans doute, mais ces moments bénis
Elle
les vivait encore et, jamais oubliés,
Ils
remplissaient de feu son âme et son esprit,
Et
continuaient de dire : Ta peur est balayée !
Tandis
qu’à l’horizon se lève le soleil,
Voici
que deux amies rejoignent Madeleine.
Elles
aussi longtemps ont cherché le sommeil,
Sans
pouvoir y sombrer, écrasées par la peine.
Qui
roulera la pierre de devant le tombeau ?
Dressée
comme un grand mur, elle interdit d’aller
Au
Maître vénéré dont le corps en lambeaux
Git
dans l’ombre à jamais. Le sépulcre est scellé.
Aucun
soldat posté ; pas un bruit, mais le vent
Le
vent léger de Pâques qui souffle de la mer.
Il
accroît leur douleur. On avait dit souvent
Qu’Il
ne pouvait mourir ! Le jour serait amer,
La
vie serait trop terne, désirable la mort.
Ô
malheur ! Ô malheur ! Ce n’était pas possible !
Etouffant
leurs sanglots, elles arrivent au port,
Au
sépulcre béni, où la pierre invincible,
Par
des mains inconnues, sur le côté poussée,
Donne
sur l’ombre douce où repose Jésus.
Pétrifiée
de stupeur, à un arbre adossée,
La
sœur de la très pure n’a pas vu l’inconnu.
Mais
Marie-Madeleine ose passer la tête,
— Le
grand linceul de lin repose sur le banc
Là,
où pourtant Joseph, la veille de la Fête,
Avait
porté Jésus dans son vêtement blanc —,
Vite
se retournant, les yeux remplis de larmes,
Vers
celui qu’elle a pris pour un simple gardien :
« Si
c’est toi qui l’a pris, dissipe mes alarmes,
Dis-moi
où tu l’as
mis, tu le sais, il est mien ! »
L’homme
au visage d’ange murmure alors : « Marie ! »
Parole-épée-de-feu
qui transperce son âme.
C’est
bien sa voix, c’est lui ! Ses larmes ont tari,
Le
bien-aimé est là ; brûlante d’une flamme
D’amour
renouvelé, Marie crie « Rabbouni ! »
En
saisissant ses pieds, et qu’elle se prosterne.
Elle
comprend soudain pourquoi dans son déni
Alors
qu’elle courait en cette aurore terne,
Vers
le tombeau scellé sur la mort d’un espoir,
Le
soleil à l’orient, témoin de la promesse,
Ne
cessait de chanter qu’elle allait vers son hoir.
Elle
n’avait pas menti la timide allégresse ;
En
dépit de la croix, des clous, de l’écriteau,
Elle
avait affirmé, qu’après bien des outrages,
L’homme
qu’on avait vu en son rouge manteau,
D’un
nouveau monde enfin, venait annoncer l’âge.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire