lundi 1 avril 2019

Lundi 01er avril. Note très longue sur l'Europe dont nous ne voulons pas.


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UN CRI DE DOULEUR DE BERNANOS.
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(a) "Le drame de l’Europe, le voilà. Ce n’est pas l’esprit européen qui s’affaiblit ou s’obscurcit depuis cinquante ans et plus, c’est l’homme européen qui se dégrade, c’est l’humanité européenne qui dégénère. Elle dégénère en s’endurcissant. Elle risque de s’endurcir au point d’être capable de résister à n’importe quelle expérience des techniques d’asservissement, c’est-à-dire non pas seulement de les subir, mais de s’y conformer sans dommages. Car cette décomposition dont je parlais tout à l’heure aura évidemment une fin. Ce qui se décompose actuellement sous nos yeux, ce sont les éléments les plus précieux et par conséquent les plus fragiles de la civilisation. Il n’est malheureusement pas défendu d’imaginer une civilisation privée de ces éléments au cours d’une évolution régressive, et finalement stabilisée au point le plus bas. Cette stabilisation au point le plus bas eût été jadis impossible pour cette raison que l’humanité moyenne n’aurait pas accepté de vivre dans une civilisation de cette espèce ; elle s’y serait débattue comme un animal pris au piège. Elle n’eût probablement pas réussi à l’améliorer, elle l’eût précipité dans le chaos. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les techniques modernes sont capables d’agir sur l’opinion d’une manière assez puissante, assez continue, pour détruire à la longue, un par un, les réflexes moraux qui eussent rendu jadis intolérable à l’homme moyen une société déspiritualisée à l’extrême."

(b) "L’humanité est-elle menacée de mort, oui ou non ? Ce qu’on veut nous faire prendre pour la crise du régime capitaliste n’est-elle pas une crise de la civilisation tout entière ? Non pas que nous ayons jamais pensé à identifier capitalisme et civilisation. Nous pensons, bien au contraire, que le régime capitaliste glisse de lui-même, par la pente chaque jour plus rapide du dirigisme économique, au régime totalitaire, mais il n’y tombera qu’en se dépouillant de tout ce qui lui restait encore d’humain. Nous croyons volontiers que la civilisation capitaliste est une civilisation manquée ou ― pour rappeler le mot heureux de CHESTERTON ― une civilisation chrétienne devenue folle, et nous comprenons mieux chaque jour que cette folie est la folie furieuse, le delirium tremens. Ce que le totalitarisme nous propose n’est pas de guérir cette humanité enragée, mais de l’enchaîner, de l’enchaîner tout enragée à sa besogne totalitaire, à ses plans quinquennaux, de l’enchaîner à son travail par le milieu du corps, après lui avoir crevé les yeux, comme jadis un esclave au pressoir à huile, un galérien au banc de la galère. Non, il ne s’agit pas de détruire les machines, il s’agit de comprendre que la civilisation des machines favorise à l’extrême le lent et sûr écrasement des hommes libres par les masses, c’est-à-dire par l’État irresponsable… l’État irresponsable fait pour trancher tout ce qui dépasse et broyer tout ce qui résiste, l’État-dieu, le dieu d’un univers sans dieu, qui sera bientôt un univers sans hommes, rendant ainsi éclatante la mystérieuse solidarité de Dieu et de l’homme, qui est le plus auguste des mystères chrétiens. Il ne s’agit pas de former des hommes libres aux dépens des masses, car les masses ont beau mettre leur confiance dans leur volume et leur poids, elles ne survivront pas aux hommes libres ; dans une humanité sans hommes libres, les masses ne tarderont pas à périr comme tombent les feuilles d’un arbre privé de sève. Il ne s’agit pas non plus de détruire les machines, il s’agirait bien plutôt de sauver aussi les machines. La bombe atomique n’est-elle pas précisément une machine à détruire les machines ? Elle est une machine à détruire les machines. Elle est aussi, elle est essentiellement une machine à détruire les masses, à les écraser dans le pressoir. Ainsi nous est-il permis de discerner la vraie nature et les mobiles secrets de cette sollicitude que le monde affecte en toute occasion pour les masses : c’est une sollicitude carnassière."
In
Georges BERNANOS.
La liberté, pour quoi faire ? (Collection Folio, série Essais N°274.) Édition établie et préfacée par Pierre GILLE.
Gallimard, Paris, 2017 (date du dépôt légal de cette édition.)
Citation (a), page 164.
Citation (b), page 207.
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UN IMMENSE ET RAGEUR CONTREPOINT DE PHILIPPE MURAY.
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"[…]. Chacun sait de quoi se sont nourris les enthousiasmes de la modernité : haine proclamée du passé, lutte contre le vieux monde, théories de la coupure, etc. Écriture automatique, décomposition de la langue, chapeau plein de mots découpés de TZARA, etc. La revendication de hic et nunc, l’horreur du passé sous toutes ses formes de mémoire, la lutte contre le présent comme ordre établi, ont conduit à l’anticipation permanente d’une promesse de révolution comme retour à l’époque précosmogonique d’une cosmogonie imaginée. Cette tradition de nouveau ― et là il faut appuyer sur le mot tradition, tant le nouveau est passé dans les mœurs comme train-train quotidien, compulsion à innover, radotage ― s’est constitué rapidement en académisme de l’oubli. Je dis académisme de l’oubli parce que très vite, il me semble, l’idée qu’on était en train d’oublier quelque chose a été oubliée. Il y a loin, par exemple, de la conscience très aiguë qu’avait RIMBAUD d’un dialogue dramatique, en lui, entre l’immémorial et la perte de mémoire, au ronron satisfait des avant-gardes dans la perte de mémoire vécue comme anticipation lumineuse. […]."
In
Philippe MURAY.
Rejet de greffe. Exorcismes spirituels I. Essais. Quatrième tirage.
Les Belles Lettres, Paris, 2010. (Page 209.)
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COMMENTAIRES.
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Il y a une étroite corrélation entre ces trois textes. Au moment où peut se jouer le sort de l’Europe, il est bon de se rappeler ce que dit BERNANOS, avec cette puissance qui lui est si personnelle.
Oui, l’homme européen se dégrade, oui, les responsables politiques participent à cette dégradation, oui ils veulent nous faire oublier, à nous les peuples, nos traditions, nos histoires, nos luttes et nos haines, nos alliances et nos victoires. La suppression de l’enseignement et des leçons de la bataille de VERDUN n’est qu’une petite illustration de ce phénomène de dépossession de nous-mêmes, et il est conduit avec une persévérance, une perversité et une ignorance abyssales. La perte de mémoire n’est pas une anticipation lumineuse des lendemains. L’abolition des différences entre les peuples, entre les sexes, entre les générations, l’élaboration d’un modèle d’homo economicus forcément connecté pour une meilleure surveillance, le règne de la technique, des robots, de l’intelligence ( !) artificielle, le bruit incessant, tout cela, effectivement, conduit à une déspiritualisation de l’être humain et à la disparition de l'homme..
Le modèle d’Europe qui nous est présenté est ignoble, au sens étymologique ; il se résumé à organiser le marché et l’économie, il n’a aucune ambition culturelle, spirituelle, artistique. Il lui suffit d’imaginer comment pondre des normes pour « harmoniser », ce qui n’a nul besoin de l’être, puisque l’Europe tire son harmonie d’une histoire dont on veut la déposséder.
Non au modèle de monsieur MACRON, de madame MERKEL, de monsieur JUNCKER, de monsieur DRAGHI et de tous ces crânes d’œuf qui savent tout mais ne savent que ça ! Votez pour qui vous voulez, mais pas pour un parti dont l'ambition est d'effacer notre patrie de la scène de l'histoire, sans nous assurer pour autant qu'il remplira nos estomacs !


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