Vous l'aurez sans doute remarqué si vous lisez fidèlement mes billets. Je suis muet depuis quelques jours tant l'actualité est accablante dans son horreur monotone : le père incestueux qui séquestre sa fille pendant 24 ans et lui inflige la naissance de sept enfants, le collégien qui poignarde trois de ses condisciples dont l'un est dans un état grave, ou encore ce multirécidiviste, maniaque sexuel, suspecté d'avoir tué une jeune étudiante suédoise.
Et justement, venons-en à ce suspect. On interrogeait hier à la radio monsieur Serge PORTELLI, membre du syndicat de la magistrature, et on essayait de savoir de lui si l'application de la loi sur la rétention de sûreté aurait pu empêcher le meurtre de Susanna, au cas très probable où il s'avèrerait que le suspect (que tout accable) fût jugé coupable.
A la première question, une réponse embrouillée, et si peu claire que j'ai oublié jusqu'à la formulation exacte de l'interrogation. A la seconde, très précisément axée sur le possible évitement de ce drame affreux par la rétention de sûreté, savez-vous ce qu'il répond, monsieur PORTELLI ? Il ne répond pas sur l'évitement, mais sur le fait que les maniaques sexuels ne sont pas suivis suffisamment par des psychologues et des psychiatres pendant leur détention, qu'ils ne sont pas soignés, en quelque sorte, et (sous-entendu) qu'on ne peut donc les accuser d'avoir récidivé puisqu'on n'a rien fait pour empêcher la récidive. En somme, il nous dit que c'est la faute de la société, si le suspect a possiblement rechuté. Certes, il ne l'eût point fait si le contribuable, l'administration pénitentiaire et le pays dans son entier avait consenti aux efforts susceptibles d'éviter le retour de tels crimes. Et monsieur PORTELLI enfonce encore le clou en déclarant aux journaux qu'il est "choqué" par le communiqué du Ministère de la Justice qui indique que "ce type de crime est souvent le fait de récidivistes et de criminels dangereux". Il est choqué monsieur PORTELLI, très choqué "que le ministère de la Justice profite d'un crime odieux pour faire de la publicité sur des lois extrêmement discutables au niveau (personnellement je n'aurais pas dit "au niveau", mot fourre-tout et qui dissimule une navrante pauvreté de vocabulaire ; j'aurais tourné autrement la phrase) des droits de l'homme".
Monsieur PORTELLI est le prototype le plus pur de l'idéologue. Héritier du rousseauisme le plus primaire, qui veut que la société soit responsable de toute la bassesse humaine, il ôte à l'homme son éminente dignité, celle de la responsabilité de ses actes à ses propres yeux comme à celui d'autrui. Gilles de RAIS qui assassina dans d'horribles conditions des centaines de garçonnets est mort saintement, en reconnaissant l'horreur de ses crimes jusqu'au lieu de son exécution. C'est dans la reconnaissance de son péché qu'il a trouvé le salut. Notre suspect, lui, n'aurait pu le trouver que dans les mains des psychologues, des psychiatres et des pharmacologues. Différence de vision, différence de sens.
Je suggère à monsieur PORTELLI d'aller expliquer aux parents de Susanna ZETTERBERG que leur fille n'aurait pas été assassinée si l'on avait traité convenablement le suspect. A moins, et plus vraisemblablement, qu'il leur explique que, compte tenu de son appartenance à un syndicat de gôôôche, il est obligé d'épouser les thèses les plus insupportables du parti auquel il adhère. Cet homme regarde dans son cerveau, au lieu de regarder les faits. Si le suspect, et très possiblement coupable, avait été soumis à la rétention de sûreté ET traité pendant celle-ci, Susanna serait encore en vie. Son chemin n'eût point croisé celui d'un homme convaincu d'avoir violé une fillette de 12 ans et une jeune femme de 21 ans. Voilà, monsieur PORTELLI, ce qu'un homme de coeur et de courage aurait dit.
Toutefois, sur un point je suis d'accord avec vous : la rétroactivité d'une loi (de sinistre mémoire avec les sections spéciales de Vichy) est inadmissible. Vous n'avez donc pas tout faux. Mais la loi, vous le savez, n'est pas rétroactive, cette mesure ayant été censurée par le Conseil Constitutionnel. Allez, encore un effort, et vous conviendrez que la société a le droit de se défendre contre les individus dangereux, et qu'elle délègue ce droit à la puissance publique.
Ma compassion va aux parents de Susanna et à ses proches, et ma colère contre des fauteurs de trouble comme monsieur PORTELLI.
1 commentaire:
Il est confortable (et je pèse mes mots) de se déclarer ouvertement de gauche. Il est confortable d’afficher des idées qui ne sont plus le fruit d’une quelconque réflexion, mais des stéréotypes semés à tout vent par des idéologues dont le snobisme le plus abouti consiste à perpétuellement marcher sur la tête. Oui, cette jeune femme serait encore en vie si la loi sur la rétention de sûreté avait été appliquée. Mais, ô horreur, le suspect aurait probablement été frustré. Alors, autant sacrifier une (des !) victime(s) innocente(s) sur l’autel de l’idéologie de ces irresponsables. Répandre de tels propos est une honte qui n’honore pas ce magistrat. Quant aux soins psychiatriques, s’ils ont le mérite d’exister, ils n’en sont pas moins une réponse approximative à un problème très complexe. Rien ne garantit, ce serait un leurre de faire croire le contraire, qu’ils pourront éliminer toute pulsion meurtrière. Une société parfaite serait une société dans laquelle les individus à risque pourraient être soignés et où il n’y aurait donc plus de victime. Mais la perfection n’existe pas. Pas encore. En attendant, des messieurs tels que monsieur Portelli préfèrent laisser croire que la solution consiste à faire preuve de tous les égards pour les violeurs. Tant pis si cela a un prix : celui d'accepter la certitude que la liste de leurs victimes va encore s'allonger. Dans le fond, si cela peut flatter l'égocentrisme et la soif de reconnaissance de ces messieurs, ce n'est pas si cher payé, semblent-ils penser ... Quand nous réveillerons-nous ?
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