dimanche 6 avril 2008

La vie morale, première vertu politique

Benedetto CROCE (1866-1952) fut un remarquable philosophe. Il a des vues profondes qui me paraissent de nature à faire réfléchir tout homme d'action. Je n'ai pas lu la totalité de son oeuvre, seulement des bribes, glanées ici ou là au hasard de mes lectures. En voici une que je vous livre ; tout responsable politique, syndical, économique, tout enseignant devrait réfléchir à ce qu'elle signifie :
Pour CROCE, la principale révolution introduite par le christianisme c'est "d'avoir agi au centre de l'âme, dans la conscience morale [...], en mettant l'accent sur l'intimité et la particularité de la conscience, [cette révolution] semble presque avoir donné à celle-ci une nouvelle vertu, une nouvelle qualité spirituelle qui jusque là avait fait défaut à l'humanité". (Traduction tirée de la revue Commentaire, N°1001, pp 145-146, 2003).
J'ai suffisamment critiqué l'idéologie, quelle qu'elle soit, laquelle consiste à regarder dans son cerveau, plutôt que d'interroger les faits, pour expliquer ici en quoi la conscience morale, intimement liée à la pensée (et non aux idées) ne doit pas être confondue avec cette navrante activité de l'esprit qui consiste à évaluer des faits à l'aune d'un système préétabli. La conscience morale, au contraire, ne cesse de confronter les faits à une impérieuse nécessité intérieure qui ne vient pas de soi-même, mais s'est établie peu à peu par le moyen de l'éducation, de la transmission, de l'expérience de la vie (de ses joies et de ses souffrances), et - mais oui - par celui de l'enseignement non seulement profane mais religieux. La conscience morale est l'instance du jugement, de cette capacité que nous avons à placer les faits, gestes et pensées, les nôtres comme ceux d'autrui, sur une échelle graduée des valeurs. La conscience morale n'est pas autoconstruite ; elle est formée, informée, affinée au long des jours, des mois et des années, et elle tient toujours compte d'autrui dans ses appréciations.
Voilà le grand apport de Jésus à l'histoire des hommes. Il est à la fois le Maître, le Modèle, l'Enseignant, et celui qui vient éclairer toute action humaine à la Lumière de l'Amour. Hélas, notre patrie, s'est détournée du chemin qu'elle a suivi pendant des siècles. Elle a servi d'exemple à nombre de peuples dans le monde. Eh bien ! on ne peut pas dire que les choses se soient améliorées depuis la promotion de l'apostasie à la dignité de vertu politique. On comprend alors pourquoi les uns empochent sans scrupules les millions de leur parachute doré, pourquoi les autres ourdissent dans l'ombre des combines propices à l'élimination de l'adversaire ou du concurrent, pourquoi certains encore diffusent en les déformant des nouvelles inintéressantes, fausses, controuvées, pourquoi d'ignobles officines fabriquent et disséminent des ouvrages, films, chansons pornographiques, pourquoi tout un chacun ruse avec la courtoisie, le respect, et la loi quand l'exercice de ces vertus ou l'application de la règle paraît douloureuse. Et l'on comprend enfin pourquoi nos hommes politiques nous inondent de textes pour juguler nos égoïsmes, là où le simple exercice de la conscience suffirait à pacifier la société. Une seule Loi devrait suffire : "Tout citoyen est tenu de réparer le tort qu'il a fait à autrui". La morale est bien la première des vertus politiques.
Je vous redis ici ce que René GIRARD a déjà dit et qui est VRAI : "C'est ce qui reste de chrétien en elles qui empêche les sociétés modernes d'exploser."

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