mardi 1 avril 2008

La fin et les moyens : morale et politique

Nous nous sommes rencontrés au Collège de France où cet étudiant iranien suivait, comme moi, les cours du Pr KELLENS consacrés à certains aspects du Panthéon avestique et de l'Avesta, le livre sacré des zoroastriens dans la Perse antique. Touché de l'intérêt que je portais à son pays, cet auditeur (qui prépare une thèse sur l'Avesta) m'a fait récemment cadeau d'un recueil de contes, colligés et mis en forme par le très célèbre poète persan Mawlana Djalâl al-dîn Rûmî, mort en 1273 de notre ère. Rûmî appartient à l'école de pensée soufie, c'est un sage, un homme pieux, un mystique. Voici donc, de cet auteur, un petit apologue que les électeurs et citoyens français devraient méditer avant de porter un jugement sur les hommes politiques et d'aller voter :
"Un jour, dit ce petit conte, un sultan se rendit à la mosquée. Ses gardes lui ouvraient le chemin en frappant la foule à coups de bâton. Ils tapaient les gens sur la tête et lacéraient leur chemise. Un homme ne put s'échapper à temps et reçut ainsi une dizaine de coups de bâton. Il s'adressa alors au sultan :
Ne t'occupe donc pas des tortures cachées ! Vois plutôt les tortures apparentes. Vois ce que tu fais pour aller à la mosquée, c'est-à-dire pour faire une bonne action. Qui peut dire de quoi tu seras capable le jour où tu décideras de commettre une mauvaise action ?"
In
Djalâl al-dîn Rûmî,
Le Mesnevi, 150 contes soufis, choisis par Ahmed Kudsî ERGUNER et Pierre MANIEZ. ("Spiritualités vivantes". Collections dirigées par Jean-Marc MOUTTAPA et Marc de SMEDT.)
Albin Michel, Paris, 1988.
Quand je vois tous les croche-pieds que se font les uns aux autres les hommes politiques, les embûches qu'ils se tendent, soit pour prendre de vitesse un concurrent, soit pour terrasser un adversaire, dans le louable but de prendre le pouvoir et d'appliquer enfin leur recette du bonheur pour tous, je ne puis m'empêcher de penser aux terribles moyens qu'ils pourraient utiliser s'il leur venait à l'esprit de vouloir réduire au silence toute opposition, une fois parvenus à leur but.
Je vous invite à observer soigneusement la scène politique : on peut s'attendre à quelques épisodes piquants dans la lutte qui oppose madame ROYAL à monsieur DELANOE. Il en ira de même à droite où monsieur DEVEDJIAN a quelques craintes à avoir quant à son maintien dans les importantes fonctions qu'il occupe à l'UMP.
Il est impossible de dissocier morale et politique. Je vois bien qu'en disciples de MACCHIAVEL, les politiciens de tout bord font leur miel de la maxime "Ad augusta per angusta". J'ai pour eux une méfiance instinctive. Mes préférences iraient plutôt aux hommes vertueux. Il y en a eu (par exemple un Edmond MICHELET). Ils sont rares. Si nous n'étions point obsédés par les résultats, nous prendrions les bons moyens pour y arriver, et non les mauvais. Car la quête de la justice de Dieu est un préalable absolu à toute forme de bonheur.

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