Le conflit israélo-palestinien est l'illustration dramatique de la justesse des vues de René GIRARD. Cet auteur, on le sait, voit dans la rivalité mimétique, celle qui surgit entre deux personnes ou deux peuples ou deux tribus très ressemblants, la naissance des religions sacrificielles et de leurs rites, l'origine des mythes, de l'état, de la loi, et la résolution de la violence par l'immolation consentie de tous d'une victime arbitraire et totalement innocente. Il appelle ce phénomène "mécanisme victimaire". Jésus est venu dénoncer ce mécanisme et les évangiles racontent sa passion du point de vue de l'innocent et non de celui de la foule consentante, unanime et aveugle. (On en a un exemple remarquable dans l'unanimité des juifs, qui pousse Pilate à relâcher Barrabbas, un criminel, et non point l'innocent ; après tout, le récit aurait pu être rédigé de leur point de vue à eux ; c'est l'ultime témoignage de ce lynchage que jusqu'ici les mythes cachaient ; mais il est raconté d'un point de vue historique et non mythique, et c'est ce qui en fait le prix. Depuis l'avènement de Jésus, il n'est plus possible d'obtenir le consensus de la foule pour le sacrifice d'un bouc émissaire, et la rupture du consensus est amorcé par les protestations de Nicodème au sanhédrin et le courage de Joseph d'Arimathie qui donne un tombeau neuf à Jésus.) Il en résulte que la violence circulaire se nourrit elle-même, sauf à ce que les parties acceptent de la faire taire et de pardonner.
Israël et Ismaël sont des frères ennemis ; leur race, leur langue respective, leur habitat antique sont très voisins. Ils convoitent la même terre, veulent la même capitale, pour les mêmes raisons qui est le triomphe de leurs idées. En somme ils désirent très exactement ce que l'autre désire. On pourra proposer à l'un ou l'autre peuple un pays de taille identique, avec des ressources identiques, un climat identique, aucun d'eux n'en voudra. Ce qu'il veut, c'est ce que l'autre veut aussi. Étrange désir que ce désir du désir de l'autre.
On s'étonne à tort, (et l'on fait des analyses erronées sur ce phénomène), de l'esprit d'entreprise des Israéliens et de la transformation spectaculaire de leur pays en les comparant à la paresse des peuples arabes. C'est absolument ne rien comprendre au ressort religieux de ces comportements. Marcel GAUCHET a très bien expliqué cela. La religion musulmane est une religion holistique qui n'a pas pu séparer le visible et l'invisible. En somme elle n'a pas reçu comme parole de vie ce que Dieu dit dans la Genèse et qui porte sur la mission donnée à l'homme de soumettre la création, de l'habiter, de la transformer. Pour un musulman, il est important que rien ne change afin de préserver ce que Dieu tout puissant a donné ; pour un juif (et un chrétien), la création est donnée à l'homme pour qu'il en utilise (raisonnablement) toutes les ressources et en perce totalement les mystères. Ces deux conceptions sont absolument opposées. Et c'est là une différence radicale qui exaspère encore plus, paradoxalement, les rages de la rivalité mimétique.
Il n'y a pas d'autre issue que la discussion et la paix. Tout le monde est perdant à ce jeu de bombes, de missiles, de rockets et d'attentats suicides. La vue des enfants blessés ou tués me bouleverse, mais aussi celle des habitants des villes du Sud d'Israël qui depuis sept ans ont reçu 12.000 rockets, et n'ont pu vivre dans la sécurité. Vite, la paix ! Et pour tous les fils d'Abraham, la prière pour la paix.
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