Les démocraties modernes en général, et la démocratie française en particulier, souffrent d'un vice congénital. L'obligation qui est faite à ceux qui briguent nos suffrages de mentir. En première approximation, faisons pourtant le crédit de la bonne foi à tous les hommes politiques. Nous constatons qu'ils se combattent furieusement pour faire triompher leur cause. Nous sommes amenés à penser par conséquent que les uns et les autres croient qu'ils sont dans la vérité politique, à la différence de leurs adversaires. Et nous sommes alors conduits à examiner leurs propositions. Hélas, force est bien de constater que ces propositions, surtout à gauche, découlent de l'application d'un système de pensée à la réalité. Au lieu de poser les bonnes questions au réel, ils veulent que le réel se plie à leurs idées. Or la politique est l'art du possible.
Un exemple très clair est celui de la mondialisation. En votant le traité de Maastricht, et en acceptant (sous la cohabitation du Président Mitterand et de monsieur Balladur) les accords de l'Uruguay Round (accords qu'aucun homme politique n'a remis en cause), le peuple français a accepté le principe du libre-échange des biens et des capitaux, et dans une certaine mesure, la libre circulation des personnes. Dans ces conditions, on peut toujours crier à l'immoralité des délocalisations, mais on a fort peu de moyens de lutter contre. Le consommateur ne se prive pas de profiter des bas prix de denrées et de matériels produits dans les pays pauvres, mais le citoyen s'étonne de devoir subir le joug de la concurrence étrangère. Alors les altermondialistes s'époumonent dans les congrès, pétitionnent, manifestent, crient, en vain. Il faut oser le dire : la solution passe par un accord mondial, et une nécessaire diminution de nos propres revenus et de notre niveau de vie. Car jusqu'ici, pour nous l'assurer, nous avons externalisé la pauvreté.
Ces hommes politiques sont-ils idiots ou aveugles ? Certes non. Ils savent bien qu'ils leur faut composer avec la réalité. Ils sont donc obligés de mentir. A dire vrai, ils ne croient pas à leur système, mais ils en servent pour capter le vote des électeurs. Ce qui les intéressent, c'est donc le pouvoir, et ce n'est pas la vérité, à laquelle beaucoup ne croient pas. La haine furieuse qui anime certains d'entre eux après les élections présidentielles, et qui, je le crains, n'est pas feinte, n'est que l'expression de leur impuissance, de leur dépit, et de leur ressentiment. Ils se persuadent qu'ils ont raison - ils se veulent sincères, et c'est ce qui leur donne l'énergie de faire des campagnes épuisantes, au résultat aléatoire. Mais au fond d'eux-mêmes, sont-ils bien certains d'être dans le vrai ?
Je tiens pour assuré que des hommes sages, dépourvus de tout préjugé, même s'ils ont des références spirituelles ou philosophiques diverses peuvent tomber d'accord sur des solutions politiques raisonnables, acceptables par tous les citoyens, et susceptibles d'amener cette paix civile dont nous avons tant besoins pour faire vivre notre patrie. Il n'y a pas d'autres voies pour notre pays.
Voilà pourquoi accuser Bernard KOUCHNER de traîtrise comme je l'ai entendu dans la bouche d'un homme politique de première grandeur, monsieur Kléber MESQUIDA - si, si ; il s'agit d'un député socialiste du midi, à la réputation subcantonale, qu'une radio, sans doute éblouie par la notoriété de cet élu, a interviewé après la nomination des membres du gouvernement ; je ne vous ferai pas l'injure de croire que vous ignorez l'existence de ce stratège au coeur grand comme une coucourde - est une ignominie : je ne mets pas en cause la sincérité de monsieur MESQUIDA (orthographe non garantie), mais son bon sens. Plus prudent que monsieur HOLLANDE, et c'est à son honneur, monsieur STRAUSS-KAHN a différé toute déclaration sur ce sujet.
Quand pourrons-nous nous parler sans nous injurier, sans accabler ceux qui ne pensent pas comme nous de nos sarcasmes ? N'était-il pas possible de dire : "Bernard, nous ne comprenons pas ton choix, nous ne l'approuvons pas, mais bonne chance dans tes nouvelles fonctions ?"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire