J'avais évoqué il y a peu trois raisons pouvant expliquer les sifflets qui ont accompagné la Marseillaise lors du match amical de football opposant l'équipe de Tunisie à l'équipe de France : (a) le ressentiment ; (b) l'emballement mimétique des foules ; (c) l'expression politique d'une revendication de la reconnaissance de la différence et de la ressemblance.
Jean-Thomas LESUEUR, délégué général de l'Institut Thomas MORE, a sur cette question un autre point de vue, un point de vue original. Voici son argumentation : ces jeunes, Français ou pas, ne haïssent pas la France parce qu'ils aiment une autre patrie. Ils communient en groupe dans une identité sociale de réaction, facilement violente, banalement hostile à toutes les institutions, mais dont les caractéristiques essentielles, selon nous, est qu'elle est aussi spectaculaire dans ses manifestations que faible sur ses assises.[...]
Cet épisode du Stade de France, pour choquant qu'il soit pour beaucoup, doit donc être analysé comme il convient : le signe du triomphe d'une puérilité grégaire massivement répandue dans la société, le résultat spectaculaire d'un coup médiatique conçu de longue date par certains, les "cinq minutes de gloire" de jeunes qui font du bruit mais pas de politique. (Le Figaro, vendredi 17 octobre. [page Débats]. Sifflets au Stade de France : un signe de révolte non verbalisée.)
Je crois bien que je partage cette opinion. Vous aurez remarqué, dans mon billet précédent, que j'étais fort prudent dans mes conclusions. Mais, là je serais plus incisif. Si l'analyse est juste, elle caractérise et condamne deux institutions de notre société : l'Education Nationale ; les Médias. Que l'école, le collège ou le lycée échouent à transmettre l'amour de la patrie est d'une grande tristesse. Je n'ai pas souvenance que mes instituteurs ou mes professeurs aient manqué dans la transmission de cet amour. Ils m'ont fait aimer la France, avec ses faiblesses, sa grandeur, et sa spécificité irréductible à toute autre forme de culture.
D'un autre côté, si les Médias n'étaient pas à l'affût du spectaculaire, nous n'aurions pas de ces manifestations "spontanées" qui font la une des journaux télévisés : du genre Enfants de Don Quichotte et tentes de sans-abris sur les quais du Canal Saint-Martin, défilé de la gay pride, tambours et fumigènes dans les cortèges qui défilent les jours de grève. S'il n'y avait pas de médias pour amplifier ces réactions, il n'y aurait pas ces réactions. Les problèmes demeureraient, certes, mais il serait possible de les examiner de manière objective, discrète, et efficace, car les réactions prendraient une autre tournure, plus politiques, au sens noble. Au lieu que la répercussion médiatique, qui ne retient souvent que le côté spectaculaire et violent de ces crises, ne fait qu'exacerber la violence, laquelle n'a jamais rien résolue. Mais la violence fait vendre. Et il faut bien que les journaux fassent du bénéfice.
2 commentaires:
Cher auteur,
à la fin du mois d'août nous avions échangé quelques propos
sur votre blog, et depuis j'ai déménagé et suis actuellement assez
pris par mon nouveau travail. Régulierement en lisant vos billets
les plus récents, j'ai été tenté de laisser un petit commentaire, puis
laissé tomber par manque temps pour "bien mettre en forme" ... aujourd'hui
je me décide, à cause de quelque chose qui m'a interpellé plus que les
autres fois. Vous m'avez surpris, et surpris en mal, hélas. J'ai encore
du mal à croire que la même personne a écrit vos billets "Des sifflets qui
ne veulent croire" , "Il y a des limites à ne pas franchir" d'une part,
et des billets comme "Laicité et totalitarisme", et "In Memoriam" d'autre part.
Comment pouvez-vous dénoncer longuement la Révolution pour ensuite
courir défendre l'un de ses symboles les plus importants ?
En toute humilité chrétienne,
E. D.
Cher et bienveillant lecteur,
Je ne défends pas la Marseillaise, car j'en trouve les paroles abominables. Je défends l'honneur de ma patrie, incarnée symboliquement par un hymne national, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. C'est au symbole, pas aux paroles que s'en sont pris ces jeunes. Et je reste très perplexe quant au sens qu'il faut attribuer à ces sifflets. Il me semble l'avoir dit, et avoir souligné que le respect était la première étape de l'intégration. Je crois donc que ces sifflets ne veulent rien dire d'autre que le mal être de jeunes sans perpectives, notamment de sens, et sans repères, et nous sommes en partie responsables de ce désastre.
In memoriam voulait rappeler que nous vivons dans une étrange amnésie de notre histoire. Je m'en sens l'héritier et j'en suis solidaire. Raison de plus pour qu'elle me soit dite en vérité. Les Allemands que nous moquons tant ont été plus courageux, plus nobles et plus justes devant leur histoire.
Je maintiens que la laïcité à la française est un totalitarisme mou, et je redis qu'il est tout aussi difficile, sinon plus, de prouver que Dieu n'existe pas que de prouver qu'il existe, ne serait-ce que parce que NOUS AVONS LA PAROLE.
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